Question :
J'ai parfois du mal à savoir ce qu'il faut faire. Ainsi, certains frères me disent qu'il est sunna (= tradition du Prophète) d'accomplir une prière facultative entre l'appel (adhân) fait pour la prière d'après le coucher du soleil (maghrib) et l'accomplissement de cette prière du maghrib. D'autres me disent qu'il ne faut faire cette prière facultative mais débuter immédiatement la prière obligatoire du maghrib. Cette prière facultative est-elle sunna ou pas ? Dois-je l'accomplir ou pas ?
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Réponse :
A) Tous les savants sont d'accord pour dire que accomplir la prière de 2 cycles (rak'as) faite entre l'appel (adhân) et la prière obligatoire d'après le coucher du soleil (maghrib) n'est pas quelque chose de fortement recommandé, à accomplir régulièrement (sunna râtiba), comme le sont les prières que le Prophète (sur lui la paix) a recommandé (sunna mu'akkada) d'accomplir avant la prière obligatoire d'après l'aube (sub'h), avant et après la prière obligatoire d'après le zénith (zohr), après la prière obligatoire d'après le coucher du soleil (maghrib), et après la prière obligatoire de la nuit ('ishâ).
B) La question qui se pose est seulement : Est-ce qu'il est institué (mashrû') d'accomplir cette prière de 2 cycles (rak'as) entre l'appel à la prière (adhân) et la prière obligatoire d'après le coucher du soleil (maghrib) ? Ou n'existe-t-il rien de tel ? Et vaut-il mieux accomplir cette prière, ou vaut-il mieux débuter immédiatement la prière obligatoire du maghrib ?
Les opinions des savants sont divergentes à ce sujet :
- Abû Hanîfa, Mâlik ibn Anas et certains savants shâfi'ites sont d'avis que le mieux est d'accomplir la prière obligatoire de al-Maghrib immédiatement après l'appel (adhân) fait pour cette prière.
- Ahmad ibn Hanbal, Is'hâq ibn Râh'wayh et certains savants shâfi'ites sont eux d'avis que l'accomplissement de cette prière de deux cycles (rak'as) entre cet appel (adhân) et cette prière est acte de bien ("mandûb") et que cela rapportera des récompenses inshâ Allâh.
Abdullâh ibn ul-Mughaffal raconte : "Le Prophète (sur lui la paix) avait dit à ses Compagnons : "Faites une prière avant la prière du maghrib, faites une prière avant la prière du maghrib", et il ajouta à la troisième fois : "Cela est pour celui qui le désire", afin d'éviter qu'ils ne le prennent comme une sunna" (rapporté par al-Bukhârî, 6934, Abû Dâoûd, 1281).
Anas ibn Mâlik raconte pour sa part : "Nous accomplissions, à l'époque du Prophète, une prière de deux cycles après le coucher du soleil et avant la prière du maghrib." Al-Mukhtâr ibn Fulful lui demanda : "Est-ce que le Prophète les accomplissait ?" Il répondit : "Il nous voyait les accomplir et ne nous l'ordonnait pas ni ne nous l'interdisait" (rapporté par Muslim, 836). Anas ibn Mâlik dit aussi : "Nous étions à Médine, et lorsque le muezzin donnait l'appel à la prière de maghrib, (des gens) se pressaient près des piliers (de la mosquée) et y accomplissaient deux cycles ; il y avait tellement de personnes qui les accomplissaient que un homme étranger entrant dans la mosquée croyait que la prière (obligatoire de maghrib) avait déjà été accomplie" (rapporté par Muslim 837 ; voir aussi al-Bukhârî 481).
Marthad vint un jour trouver 'Uqba al-Juhanî et lui dit : "Ne t'étonnerais-je point en te disant que Aboû Tamîm accomplit une prière de deux cycles avant la prière de maghrib ?" 'Uqba lui répondit : "Nous le faisions à l'époque du Prophète. - Qu'est-ce qui fait donc que tu ne le fais plus maintenant ?" lui demanda Marthad. "Les occupations" (rapporté par al-Bukhârî, 1129).
Il ressort de ces Hadîths que l'accomplissement de cette prière de deux cycles (rak'as) n'était ni une "sunna mu'akkada" ("sunna appuyée" comme le sont les prières sunna citées plus haut, dans le point A), ni une habitude chez les Compagnons : ceux-ci l'accomplissaient parfois. Le Prophète les avait légèrement exhortés à le faire, en ajoutant bien que cela était facultatif.
At-Tirmidhî a lui aussi évoqué cela (Sunan ut-Tirmidhî, sur hadîth n° 185).
L'accomplissement de cette prière de deux cycles (rak'as) est donc, d'après les écoles shafi'ite et hanbalite, source de récompenses inshâ Allâh ; il ne s'agit cependant pas d'une "sunna râtiba" ; de plus, il ne faut pas laisser tellement de temps entre l'appel à la prière et l'accomplissement des trois cycles de la prière obligatoire de maghrib, que l'accomplissement de la prière obligatoire s'en retrouve véritablement retardé, car le Prophète a recommandé de faire cette prière sans tarder (les Hadîths sont biens connus à ce sujet).
Ne faites pas cette prière purement facultative si, dans la mosquée où vous priez, le imam (qui est par exemple hanafite) débute la prière obligatoire de maghrib juste après l'appel (adhân) fait pour cette prière : dans ce cas il vous faut vous joindre à la prière obligatoire faite en groupe, puisque le Prophète a dit : "Lorsque la prière est en train d'être faite [c'est-à-dire lorsque la prière obligatoire débute en groupe], alors pas de prière si ce n'est la prière obligatoire" (ce Hadîth est bien connu). Par contre, si vous vous trouvez à La Mecque ou à Médine, ou dans toute autre mosquée où un petit temps est laissé entre l'appel à la prière et le début de la prière obligatoire du maghrib, alors, vous pouvez profiter de ce petit temps pour accomplir cette prière, qui est un acte de bien ("mandûb" / "mustahabb"). De l'autre côté, même alors, il n'y a aucun blâme non plus sur celui qui n'accomplit pas cette prière, puisque cela est uniquement "pour celui qui le désire", comme l'a dit le Prophète (sur lui la paix), et comme le montre l'exemple du Compagnon 'Uqba.
Wallâhu A'lam (Dieu sait mieux).