Question :
L'islam dit-il qu'il y a eu des femmes prophètes ?
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Réponse :
Je voudrais rappeler tout d'abord que Noé, Abraham, Moïse et Jésus – pour ne citer qu'eux – sont reconnus par chaque musulmane et chaque musulman comme d'authentiques prophètes envoyés par Dieu l'Unique. Muhammad n'est que le dernier d'entre eux : le Coran dit qu'il est le Sceau des Prophètes (sur eux tous soit la paix) et qu'après lui il n'y a plus de prophète.
Les musulmans doivent obligatoirement croire des prophètes précédents qu'ils sont véritablement des envoyés de Dieu. Cependant, ils ne se réfèrent qu'au message de celui dont ils sont persuadés qu'il est le dernier d'entre eux. Il faut rappeler ici qu'au-delà d'une similitude dans les fondements, des différences existent entre les messages apportés aux hommes par ces différents prophètes. Lire à ce sujet :
--- Loi du Torah et Loi du Coran : pourquoi différentes alors qu'elles proviennent toutes deux de Dieu et s'enracinent toutes deux dans la tradition Abrahamique ? ;
--- عقليّ ('Aqlî), مِلِّيّ (Millî), شرعيّ (Shar'î) : les 3 strates concernant les normes éthiques de l'homme.
Ce que l'on décrit dans les religions par le terme français "prophète", on le décrit en islam par le terme "nabiy" ou : "nabî".
Il s'agit de l'être humain auquel Dieu a fait une révélation (wah'y) et qu'Il a suscité pour qu'il guide des hommes en leur rappelant qu'il n'y a qu'un Dieu Unique, et qu'il les invite (da'wah) à croire en cela, à ne rendre de culte qu'à Lui, et à vivre en conformité avec ce que cette croyance demande ("المرسَل من الله إلى الناس أو بعضهم لهدايتهم").
Il n'y a pas eu de femme correspondant à ce sens de "prophète".
Dieu dit : "Et Nous n'avons envoyé avant toit que des hommes à qui Nous faisons la révélation, parmi les gens des cités" : "وَمَا أَرْسَلْنَا مِن قَبْلِكَ إِلاَّ رِجَالاً نُّوحِي إِلَيْهِم مِّنْ أَهْلِ الْقُرَى" (Coran 12/109).
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Par contre, un autre sens, plus général, du terme "prophète" ("nabî") existe également : il s'agit de "l'être humain qui a reçu un message provenant de façon certaine (qat'î) de Dieu, message contenant un impératif – quelque chose à faire ou à ne pas faire – ou une information relative à un fait devant se passer".
Si on appréhende, comme l'ont fait des ulémas tels que al-Qurtubî et Ibn Hazm, le terme "prophète" dans ce sens plus général, alors on comprend que ces deux ulémas disent qu'il y a eu des femmes prophètes.
Ainsi, d'après al-Qurtubî : Eve, Jokebed (la Mère de Moïse), Assia la femme du Pharaon, et Marie la mère de Jésus ont été des prophétesses ("nabiyyâ").
Ibn Hazm rajoute à ces quatre femmes : Sarah et Agar, respectivement épouse et esclave de Abraham.
(Lire Fat'h ul-bârî, tome 6 p. 577 et p. 544. Lire également Qassas ul-qur'ân, as-Syohârwî, tome 4 p. 33).
Le fait est que toutes ces femmes ont en commun d'avoir toutes reçu un message de la part de Dieu, un message dont de façon certaine (qat'î) il a été établi qu'il provenait bien de Dieu (cliquez ici). Car c'est l'aspect "certain" (qat'î) qui fait la différence entre l'inspiration reçue par un pieu qui n'est pas prophète, et le wah'y reçu par un prophète : autant le wah'y reçu par placement dans le cœur que celui reçu par délivrance par l'intermédiaire de l'ange.
Or c'est de façon certaine que Sarah a reçu le message délivré à elle par les anges (son mari, le prophète Abraham était alors lui aussi présent).
De même, ce fut de façon certaine que Jokebed a reçu le message placé dans son cœur (sinon, s'il s'était agi d'une inspiration telle que celle reçue par un non-prophète, il lui aurait été interdit d'agir selon celui-ci et de placer son bébé dans une corbeille et de jeter celle-ci dans le fleuve ; ce n'est que sur la base d'un wah'y qu'on peut procéder à ce genre de geste, à l'instar du rêve de Abraham lui indiquant de sacrifier son fils : un rêve de niveau habituel - fût-il d'un pieux - ne peut servir de fondement à pareil geste : il faut qu'il constitue du Wah'y : Al-Fissal, 3/187).
Quant à Assia, ce qui est établi c'est qu'elle a été mentionnée dans la Sunna comme étant parmi les quelques Kâmilât des femmes, ce que Ibn Hazm interprète comme ne pouvant se rapporter qu'au prophétat (Al-Fissal, 3/188).
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Apparemment et cependant, cela concerne un message provenant de façon certaine (qat'î) de Dieu, mais qui a concerné une action particulière que Dieu demande à la personne de faire, ou qui a délivré de la part de Dieu une information concernant le futur.
Car le Prophète (sur lui soit la paix) a aussi dit que, à quelqu'un parti rendre visite à un frère à lui se trouvant dans une autre cité (frère qu'il aimait pour Dieu), un ange avait été dépêché par Dieu pour lui dire que Dieu l'aimait comme il avait aimé ce frère pour Sa cause (Muslim 2567).
Le Prophète (sur lui soit la paix) a aussi dit que trois personnes furent mises à l'épreuve par un ange dépêché par Dieu pour leur conférer avec la permission de Dieu d'abord l'abondance puis se présenter comme un misérable venu demander la charité (al-Bukhârî 3277, Muslim 2964).
Or cela n'a pas fait de ces personnes des prophètes.
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Cheikh Thânwî écrit que la divergence entre ceux qui disent que ces femmes ne sont prophétesses et ceux qui affirment qu'elles ont été prophétesses, cela est une question où la détermination de l'avis correct n'est possible qu'à un niveau zannî (Bayân ul-qur'ân, 5/101, note de bas de page).
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Tout cela nous donne ce croquis :
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Conclusion :
Si on appréhende le terme "prophète" ("nabî") dans le sens de "l'être humain qui a reçu la révélation et qui a été envoyé par Dieu pour guider les humains" ("mursal li-hidâyat in-nâs"), alors qu'il s'agisse d'un prophète seulement ("nabî") ou d'un prophète-messager ("nabî wa rassûl"), seuls des hommes ont accédé à cette fonction.
Par contre, si on appréhende le terme "prophète" ("nabî") dans le sens, plus général, de "l'être humain qui a reçu, de façon certaine (qat'î) comme provenant de Dieu, un message lui communiquant un ordre, ou une information relative à un fait devant se passer", alors des hommes (ceux qui ont été mursal li-hidâyat in-nâs) ainsi que des femmes (celles dont le nom a été cité plus haut) ont accédé à ce rang.
Que la paix soit sur tous les prophètes.
Wallâhu A'lam (Dieu sait mieux).