"Et celui qui fait revivre ma Sunna m'aime. Et celui qui m'aime sera avec moi dans le Paradis." Quel musulman et quelle musulmane ne connaissent pas ces mots du célèbre Hadith du Prophète (sur lui la paix) ? Et qui ne voudrait pas être en compagnie du Prophète dans le Paradis ? Et qui ne voudrait pas mettre en pratique la Sunna, c'est-à-dire "la voie du Prophète" (sur lui la paix) ?
Le problème c'est que trop souvent certains musulmans ont adopté une vision étriquée de "la Sunna du Prophète" (sur lui la paix). En effet, celle-ci est considérée par ces musulmans comme se constituant principalement – voire presque uniquement – des faits de "manger avec ses doigts, manger en s'asseyant par terre, porter des sandales" et d'autres sunna de ce genre, qui relèvent des sunna 'âdiyya. Or, comme l'a dit Cheikh Thânwî, la Sunna est constituée avant tout des "sunna ta'abbudiyya" [dont certaines sont obligatoires, d'autres fortement recommandées, d'autres conseillées] (fin de citation).
La Sunna, c'est ce que le Prophète a dit, fait et approuvé, et elle concerne, en tant que telle, tous les domaines auxquels est lié l'islam.
Ci-après des paroles du Prophète où il a employé le mot "sunna" pour décrire certains de ces domaines...
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Suivre la Sunna du Prophète à propos des croyances ('Aqâ'ïd) :
Le Prophète (sur lui soit la paix) a dit : "… Et celui d'entre vous qui vivra verra de nombreuses déviances. Attachez-vous alors à ma Sunna et à la Sunna des califes bien guidés après moi (al-khulafâ ar-râshidûn)" (rapporté par at-Tirmidhî). Ces déviances dont parlait le Prophète sont celles qui allaient surgir à propos des croyances, comme celles de Ibn Sabâ qui ont conduit au kharidjisme et au chiisme, ou encore comme celles qui ont conduit au mutazilisme, etc. Face à des déviances, qui concernent donc les croyances, le Prophète demande de s'attacher à la Sunna, donc aux croyances que lui il a enseignées. Suivre les croyances ('aqâ'ïd) qu'a enseignées le Prophète, c'est donc suivre la Sunna du Prophète.
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Suivre la Sunna du Prophète à propos de ce qui est purement cultuel (Ibâdât) :
Le Prophète a dit : "Chaque fois qu'un groupe invente une innovation (bid'a), une quantité semblable de Sunna est enlevée de lui. Car s'en tenir à une Sunna vaut mieux que rajouter une innovation (bid'a)" (rapporté par Ahmad, hadîth dhaîf lada-l-Albânî, wa lâkin hunâka hadîth sahîh ladayhi, rawâhu ad-Dârimî, wa huwa fî ma'nâhu). Il s'agit ici de tout ce qui est purement cultuel, où il faut s'en tenir strictement à ce que le Prophète a fait, et où on ne peut rien rajouter sous peine de tomber dans la bid'a. S'en tenir, dans le domaine du purement cultuel, à ce qu'a fait le Prophète, c'est donc suivre la Sunna du Prophète.
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Suivre la Sunna du Prophète à propos des règles juridiques (Ahkâm Ta'abbudiyya) :
Deux Compagnons étaient partis en voyage. L'heure de la prière arriva et n'ayant pas d'eau, ils firent la purification par la poussière (tayammum) et accomplirent leur prière. Mais ensuite, avant que l'heure de cette prière se termine, ils trouvèrent de l'eau. L'un se dit alors que la prière accomplie avec la purification par la poussière (tayammum) était suffisante. Mais l'autre fit les ablutions (wudhû) et refit la prière qu'il avait déjà faite après avoir fait la purification par la poussière (tayammum). Arrivés auprès du Prophète à Médine, ces deux Compagnons lui racontèrent ce qu'ils avaient fait. Le Prophète donna alors raison au premier et lui dit : "Tu as atteint la Sunna" (rapporté par Abû Dâoûd). Voici ce que nous avons appris être une "règle de fiqh" dans les "ouvrages de jurisprudence" : "On n'avait pas d'eau, on a fait la purification par la poussière (tayammum) et on a accompli la prière. Puis, avant la fin de l'heure de la prière, on a trouvé de l'eau. Il ne faut pas refaire cette prière." C'est vrai : cela relève du fiqh. Mais c'est aussi une sunna du Prophète. Les règles du fiqh sont, ainsi, soit directement, soit indirectement issues des paroles du Prophète (que ces règles concernent ce qui est purement cultuel ou ce qui est financier, ce qui est social, etc.). Suivre les règles juridiques (fiqh) qu'a enseignées le Prophète, c'est donc suivre la Sunna du Prophète.
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Suivre la Sunna du Prophète à propos de ce qu'on pense et dit des autres, et de son comportement vis-à-vis d'eux :
Le Prophète (sur lui soit la paix) avait dit à Anas ibn Mâlik : "Mon petit, si tu es capable de vivre chaque matin et chaque soir en ayant le cœur pur de volonté de nuire ("ghissh") à qui que ce soit, fais-le." Puis il dit : "Mon petit, cela fait partie de ma Sunna. Et celui qui fait revivre ma Sunna m'aime. Et celui qui m'aime sera avec moi dans le Paradis" : "عن علي بن زيد، عن سعيد بن المسيب، قال: قال أنس بن مالك: "قال لي رسول الله صلى الله عليه وسلم: "يا بني، إن قدرت أن تصبح وتمسي ليس في قلبك غش لأحد فافعل". ثم قال لي: "يا بني وذلك من سنتي. ومن أحيا سنتي فقد أحبني، ومن أحبني كان معي في الجنة". وفي الحديث قصة طويلة. هذا حديث حسن غريب من هذا الوجه. ومحمد بن عبد الله الأنصاري ثقة. وأبوه ثقة. وعلي بن زيد صدوق إلا أنه ربما يرفع الشيء الذي يوقفه غيره. وسمعت محمد بن بشار يقول: "قال أبو الوليد: قال شعبة: حدثنا علي بن زيد - وكان رفاعا؛ ولا نعرف لسعيد بن المسيب عن أنس رواية إلا هذا الحديث بطوله". وقد روى عباد بن ميسرة المنقري هذا الحديث عن علي بن زيد عن أنس، ولم يذكر فيه عن سعيد بن المسيب. وذاكرت به محمد بن إسماعيل، فلم يعرفه، ولم يعرف لسعيد بن المسيب عن أنس هذا الحديث ولا غيره. ومات أنس بن مالك سنة ثلاث وتسعين، ومات سعيد بن المسيب بعده بسنتين: مات سنة خمس وتسعين" (rapporté par at-Tirmidhî, 2678, hadîth dh'aîf). "والغش: نقيض النصح، الذي هو إرادة الخير" (Shar'h ul-massâbîh, Ibn ul-Malik) ; "والغش نقيض النصح الذي هو إرادة الخير لأحد. والغش مأخوذ من الغشش وهو المشرب الكدر" (Shar'h ut-Tîbî).
Où est notre mise en pratique de la Sunna par rapport à cette parole ? Les cœurs sont-ils purs de volonté de nuire vis-à-vis de ceux que l'on côtoie ? Ou bien sont-ils pleins de ce qui fait de leur possesseur un "double visage" (dhu-l-wajhayn selon les mots du Prophète) ? En plus, c'est dans cette parole que se trouve justement la phrase que l'on aime répéter : "Et celui qui a fait revivre ma Sunna m'aime. Et celui qui m'aime sera avec moi dans le Paradis". Où est-elle dans notre Communauté, la Sunna, sur ce point ?
Certains frères disent : "Par amour pour le Prophète, nous, nous portons des sandales qui ressemblent aux siennes plutôt que des chaussures européennes, de même que nous mangeons par terre plutôt qu'à table". C'est un choix respectable pour ce qui relève de "sunna 'âdiyya". Mais le problème c'est que ces mêmes personnes, ensuite, vous racontent des rumeurs qu'elles ont entendues ici et là. Et quand vous leur dites que le contenu en est faux, elles vous récitent le proverbe : "Il n'y a pas de fumée sans feu !"
Bravo. Tu considères que, par amour pour le Prophète, il s'agit de ne pas adopter des chaussures qui sont différentes du modèle de celles du Prophète. Mais ça ne gêne pas ta conception de l'amour du Prophète que d'adopter le proverbe "Il n'y a pas de fumée sans feu" bien que celui-ci contredise les paroles du Prophète ?
En effet, le proverbe dit que s'il y a une rumeur, c'est qu'il y a forcément une vérité. Alors que le Prophète, lui, a dit qu'il y a des gens qui inventent des propos, que ces propos se répandent ensuite partout sous forme de rumeur sans que ce soit vrai, et que ces gens subiront dans leur tombe (al-barzakh) le châtiment d'avoir le visage sans cesse déchiré (rapporté par al-Bukhârî, hadîth n° 5745 et n° 1320). Le Prophète a dit aussi : "Il est suffisant, comme mensonge, qu'un homme répète tout ce qu'il entend" (rapporté par Muslim). Le Prophète dit : "Dieu (…) déteste le "qîla wa qâla" (rapporté par Muslim) ("qîla wa qâla" désigne les rumeurs et les on-dit). Et malgré toutes ces paroles du Prophète, on adopte l'autre proverbe la conscience tranquille… et on prétend être de ceux qui suivent le modèle du Prophète.
La vérité est là, affligeante : on s'est focalisé, en matière de Sunna du Prophète, uniquement sur la forme de ses chaussures, la couleur de ses vêtements, et le fait de manger par terre. Le reste, est devenu secondaire, à la limite de l'utile. Est-ce là la conception de la Sunna qu'avaient le Prophète et ses Compagnons ?!
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Conclusion :
1. La Sunna concerne non pas seulement la façon de s'habiller, de manger et de boire, mais aussi et surtout les croyances, les règles juridiques, le fait de s'en tenir à ce que le Prophète a fait comme acte purement cultuel, le comportement vis-à-vis d'autrui, etc.
2. Certaines Sunna sont obligatoires, d'autres fortement recommandées, d'autres conseillées.
3. On ne peut pas – et cela relève de l'enseignement même du Prophète – considérer ce qui est conseillé comme étant primordial, et considérer ce qui est obligatoire comme étant secondaire !
4. Pour toute chose relevant du domaine de ce qui est purement cultuel (al-'ibâdât), on ne peut rien faire que le Prophète n'ait pas fait, sous peine de tomber dans l'innovation religieuse (bid'a). Par contre, pour ce qui relève du domaine de ce qui n'est pas purement cultuel (al-'âdât), pratiquer la Sunna du Prophète revient à intégrer les nouvelles choses aux règles laissés par le Prophète (les "sunna ta'abbudiyya").
5. Et si le Prophète avait, dans ce domaine des 'âdât, pratiqué certaines choses purement liées au contexte dans lequel il vivait, on peut les pratiquer par amour pour lui, ce qui relèvera alors des "sunna 'âdiyya" et sera source de récompenses pour un acte recommandé, comme on peut ne pas les pratiquer sans les mépriser. Ainsi, on ne doit pas mépriser une "sunna 'âdiyya" telle que manger avec ses doigts – car c'est une chose qu'a faite le Prophète – , mais on ne doit pas non plus faire de reproche à ceux des musulmans qui choisissent de manger avec une fourchette dès qu'ils tiennent compte des "sunna ta'abbudiyya" du Prophète en la matière (entre autres utiliser sa main droite, ne pas manger de choses interdites dans les Hadîths, etc.). Pour plus de détails, lisez mon article La Sunna du Prophète : sunna ta'abbudiyya et sunna 'âdiyya.
"Pratiquer et faire revivre la Sunna du Prophète", "pratiquer l'excellent modèle (uswa hassana)" que constitue le Prophète (sur lui soit la paix), c'est tenir compte de tout cela…
Wallâhu A'lam (Dieu sait mieux).