Pourquoi le nombre de témoins requis change-t-il s'il s'agit de femmes ?

Question :

Le Coran ne dit-il pas qu'il faut le témoignage de deux hommes ou bien d'un homme et de deux femmes ? Pourquoi, d'après l'islam, le nombre de témoins requis change-t-il selon qu'il s'agit d'homme ou de femmes ?

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Réponse :

Voici ce que Dieu dit dans le Coran dit : "Si les deux témoins ne sont pas deux hommes, alors qu'il y ait un homme et deux femmes, afin que si l'une d'elles se trompe, l'autre puisse lui rappeler" (Coran 2/282).
De même, le Prophète (sur lui soit la paix) dit un jour à des musulmans : "Le témoignage de la femme n'est pas-il (égal) à la moitié de celui de l'homme ? Si, dirent-elles. Cela est l('expression du) caractère incomplet de sa raison" (al-Bukhârî 298 ; une version succincte a été rapportée par Muslim, n° 80). Ces deux textes et la règle qui en découle peuvent prêter à malentendu s'ils sont mal compris.

En fait il y a, dans cette règle, la volonté non pas de dire que la femme serait une incapable sur le plan intellectuel ou serait un humain moins intelligent que l'est l'homme, mais de prendre en compte sa constitution et ses spécificités, notamment sur le plan émotionnel (par exemple dans le cas où elle aurait été témoin d'un meurtre, selon l'école zahirite), et également de prendre en compte sa moindre présence dans les affaires commerciales etc.

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I) Pour ce qui est du nombre de témoins requis selon que ces témoins sont des hommes ou des femmes :

Ibn ul-Qayyim écrit : "La femme honnête est comme l'homme en véracité, en honnêteté et en moralité. Sauf que quand il y a eu crainte à son sujet d'une erreur ou d'un oubli, elle a été étayée par semblable à elle ; et cela la rend plus forte ou aussi forte qu'un homme" (At-Turuq ul-hukmiyya, p. 194).

Il y a ensuite ici plusieurs avis chez les ulémas, et nous citerons deux postures existant...

Une première posture : L'appréhension du hadîth suscité comme étant de portée générale :

Ibn Hazm a appréhendé le hadîth "Le témoignage de la femme n'est pas-il (égal) à la moitié de celui de l'homme ?" comme communiquant une règle de portée générale, et en a donc fait la règle à appliquer pour tout témoignage féminin.

Le témoignage féminin, dit-il, est accepté pour toute chose à propos de qui le témoignage masculin est accepté, et vice-versa ; il n'y a pas de chose pour laquelle le témoignage d'hommes est accepté mais pas celui de femmes (conformément à l'avis de 'Atâ ibn Abî Rabâh), comme il n'y a pas de chose pour laquelle le témoignage de femmes est accepté mais pas celui d'hommes (contrairement à l'avis de bien des ulémas).

Et, dans tous les cas, le nombre de témoins requis est établi d'après le barême évoqué dans ce hadîth : le témoignage de 2 femmes est égal à celui d'un homme. Il faudra donc le témoignage de 2 hommes, ou bien d'un homme et de deux femmes, ou encore de 4 femmes.
Et là où c'est le témoignage de 4 hommes qui est requis, est aussi valable celui de 3 hommes et 2 femmes, celui de 2 hommes et 4 femmes, celui d'un homme et 6 femmes, ou celui de 8 femmes.

Seuls deux cas font exception à cette règle :
-  celui de l'allaitement (quand il s'agit de prouver devant le juge que telle dame est bien la "mère de lait" de telle et telle personnes),
- et celui de la vision du croissant lunaire : pour ces deux cas, le témoignage d'un seul homme ou d'une seule femme suffit (ce qui est aussi l'avis de 'Atâ pour l'allaitement).

(Cf. Al-Muhallâ, mas'ala n° 1790 ; 8/476, 482, 487, 489.)

Avoir assisté malgré soi à un meurtre est très éprouvant pour tout être humain, mais plus encore pour la femme, chez qui les émotions sont très présentes. Car la science a désormais prouvé qu'il existe, non pas pour des raisons culturelles mais bien pour des raisons constitutionnelles, certaines différences physiques, émotionnelles et psychologiques entre les hommes et les femmes. Or le droit musulman entend prendre en compte ces différences dans ses règles. Devoir témoigner de cela demande donc qu'il y ait un double témoignage féminin, parce que la charge émotionnelle peut dominer la raison au point que, sans qu'on le veuille ni ne le sache, le témoignage en soit quelque peu faussé. Il ne s'agit donc pas chez la femme d'une incapacité intellectuelle, mais de la prise en considération de sa plus grande émotivité que l'homme.

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Une autre posture : L'appréhension du hadîth suscité comme étant relatif à certains cas de figure seulement :

La posture de certains autres ulémas a été d'appréhender le hadîth suscité comme concernant un certain nombre d'affaires seulement : à leur sujet, le témoignage d'hommes comme celui de femmes est accepté, mais il faut soit le témoignage de deux hommes, soit celui d'un homme et deux femmes.

Cependant, il est d'autres affaires où le témoignage d'un seul homme ou d'une seule femme suffit, et où il n'y a pas cette règle du témoignage de deux femmes égalant celui d'un seul homme.

Par ailleurs, il est d'autres affaires où le témoignage d'hommes est accepté mais pas celui de femmes ; comme il est d'autres affaires encore où le témoignage de femmes est accepté mais pas celui d'hommes.

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Au sein des ulémas adeptes de cette seconde posture, il y a eu ensuite divergence d'interprétations quant à d'une part l'établissement de quelles affaires relèvent de laquelle de ces catégories, et d'autre part l'établissement du nombre de témoins requis. Ici nous évoquons seulement la posture générale. Pour les explications détaillées, il faut se référer aux ouvrages détaillés.

Ibn Taymiyya écrit : "La Parole de Dieu, Elevé : "Si les deux témoins ne sont pas deux hommes, alors qu'il y ait un homme et deux femmes, afin que si l'une d'elles se trompe, l'autre puisse lui rappeler" [Coran 2/282] contient la preuve que le fait de faire témoigner deux femmes à la place d'un homme, cela est afin que l'une puisse rappeler à l'autre si celle-ci se trompe ; et cela n'est (valable) que là où, habituellement, il y a (risque) de dhalâl ; il s'agit de l'oubli et de l'absence d'appréhension (dhabt) ; (...) Aussi, là où, dans les témoignages, on ne craint habituellement pas le dhalâl, (le témoignage de) la femme n'y a pas été (institué comme égalant) celui de la moitié d'un homme. (...)" (cité par Ibn ul-Qayyim in At-Turuq ul-hukmiyya, p. 183).

Ainsi, pour les affaires purement féminines (accouchement, etc.), le témoignage de femmes seulement est accepté : selon un avis, le témoignage d'une seule femme suffit alors ; selon un autre il faut le témoignage de deux femmes ; selon un autre encore il faut le témoignage de trois femmes ; un autre avis demande le témoignage de quatre femmes (At-Turuq al-hukmiyya, p. 187).

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II) Pour ce qui est de la phrase du hadîth disant que la femme a "un manquement en matière de raison" :

Cette phrase signifie que dans certains cas de témoignage, il y a présomption (mazinna) d'un manquement en terme de résultat (et non de capacité), et ce eu égard à la prépondérance des émotions sur la raison chez la femme en général.

Cette phrase ne signifie pas que la femme ne serait pas intelligente ou qu'elle ne serait pas faite pour apprendre et comprendre.

Au contraire, nous voyons le Prophète approuver le fait que son épouse Hafsa ait appris à lire et à écrire (rapporté par al-Hâkim). Et chacun sait combien les ulémas des premiers temps de l'islam venaient, après la mort du Prophète, apprendre ses enseignements auprès de son autre épouse Aïcha, réputée pour son savoir. Ash-Shawkânî écrit : "Il n'est rapporté d'aucun savant musulman qu'il aurait déclaré non-authentique un Hadîth parce que la personne qui le rapporte est une femme. Au contraire, combien de Hadîths sont tels qu'ils sont rapportés par une femme ! Ces Hadîths ont toujours été acceptés par la Communauté musulmane [et considérés du même niveau que les Hadîths rapportés par les hommes]" (cité dans Tahrîr ul-mar'a, tome 1 p. 118). Bien sûr, l'éthique musulmane demande que la formation des femmes comme celle des hommes (comme d'autres activités de la société) prennent place dans un certain nombre de limites, au nombre desquelles certaines sont en rapport avec les tenues vestimentaires et le côtoiement des uns et des autres.

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Synthèse de la réponse :

La règle concernant la nécessité d'avoir deux témoins hommes, ou bien un témoin homme et deux témoins femmes, cette règle figure effectivement dans le Coran et les Hadîths. Cette règle est liée à la prise en compte des spécificités des hommes d'une part, des femmes de l'autre. Dès les premiers siècles de l'islam, cependant, il y a eu des avis selon lesquelles cette règle se rapporte à certains domaines et pas à d'autres, lesquels sont tels que le témoignage d'un seul homme ou bien celui d'une seule femme y est valable. Et il est d'autres domaines où, d'après certains avis, c'est le témoignage d'une femme qui est requis, à l'exclusion de celui d'un homme.

Wallâhu A'lam (Dieu sait mieux).

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