Question :
Est-il permis de s'épiler ? Ou bien est-ce que cela est inclus dans le fait de changer son apparence ("taghyîru khalqillâh") ?
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Réponse :
Cela dépend.
A) En ce qui concerne la pilosité se trouvant sous les aisselles ou sur le publis :
Il est obligatoire (wâjib) d'enlever la pilosité se trouvant sous les aisselles au moins avant que quarante jours s'écoulent. Et le mieux pour ce faire est justement d'avoir recours à l'épilation, car ce sont les mots du hadîth bien connu ("natf ul-ibit", rapporté entre autres par al-Bukhârî). Cependant, l'utilisation du rasoir est également tout à fait possible ici d'après les savants.
Il est également obligatoire (wâjib) d'enlever la pilosité se trouvant près des parties intimes, dans les mêmes conditions que cité ci-dessus, sauf qu'ici le mieux est d'utiliser le rasoir, car c'est le mot du hadîth ("al-istihdâd"), bien que l'épilation soit aussi possible ici d'après les savants.
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B) En ce que qui concerne le reste du corps :
Le Prophète (sur lui la paix) a déclaré éloignées de la miséricorde de Dieu (= la'ana) plusieurs catégories de personnes, parmi lesquelles "les femmes qui s'épilent" ("al-mutanammisât") (rapporté par al-Bukhârî et Aboû Dâoûd entre autres).
Quelle est l'épilation qu'interdit ce hadîth :
- l'épilation de n'importe quelle partie du corps, exception faite des parties citées en A ?
- l'épilation de n'importe quelle partie du visage ?
- l'épilation des sourcils seulement ?
Certains savants comme al-Qardhâwî sont d'avis qu'il s'agit, dans ce hadîth, de l'interdiction de s'épiler les sourcils uniquement (voir ce qu'a écrit Abû Dâoûd en commentaire de ce hadîth dans son Sunan), la femme pouvant s'épiler le reste du visage. Il existe ainsi le récit racontant qu'une jeune femme est venue trouver Aïcha et lui a posé la question de savoir si elle pouvait s'épiler le front pour s'embellir pour son mari. Aïcha lui répondit qu'elle était d'avis que cela était permis (cf. Fath ul-bârî, tome 10 p. 463).
D'autres savants comme al-Albânî sont d'avis que l'épilation interdite ne se limite pas aux sourcils seulement. Al-Albânî cite le fait que Abdullâh ibn Mas'ûd avait dit à une femme qui s'était rasé le front que cela était inclus dans l'interdiction formulée par le Hadîth que j'ai cité plus haut (cf. Silsilat ul-ahâdîth as-sahîha, tome 6 pp. 692-694).
Mis à part les sourcils (dont l'épilation est interdite), et le reste du visage (dont l'épilation est sujette à la divergence d'opinions que nous venons de voir), quel est la règle pour le reste du corps ?
Je n'ai pas trouvé, dans le cadre de mes humbles recherches, de hadîths sur le sujet. Je n'ai trouvé qu'un texte de jurisprudence hanafite disant qu'il est autant permis de garder ou de ne pas garder (il n'a cependant pas employé le terme "épiler"), les deux étant permis (Behishtî Zewar, Cheikh Thânwî, tome 11 p. 116). Je suppose que ce texte de jurisprudence se fonde sur le raisonnement suivant : d'une part l'épilation de la partie du corps (dont nous avons parlé au début de cette réponse) est permise d'après le hadîth cité au tout début, d'autre part l'épilation des sourcils (et/ou du visage en entier, d'après la divergence d'opinions que nous avons vue) est interdite d'après le hadîth cité en seconde position, donc l'épilation du reste du corps reste dans la permission originelle. Wallâhu A'lam.
Je voudrais, pour finir, rappeler que si l'islam a interdit l'épilation des sourcils et autres choses du même genre citées dans les hadîths (comme le fait de s'écarter légèrement les dents de devant – ce qui était considéré comme un canon de beauté dans l'Arabie de l'époque –, ou le fait de rajouter des cheveux pour faire paraître sa chevelure plus abondante et plus longue, ou encore le fait d'arracher ses cheveux blancs, ou de les teindre en noir – ou en la couleur d'origine de ses cheveux), c'est parce qu'il s'agit d'une recherche exagérée et excessive de la beauté, qui va jusqu'à vouloir changer l'apparence que Dieu a donnée à chacun (comme cela apparaît clairement dans le cas de s'écarter les dents ou de rallonger sa chevelure par l'utilisation de mèches de cheveux). Ces actes sont interdits même si une musulmane les fait pour son mari et même si un mari les fait pour son épouse.
Restent par contre dans le cadre de la permission originelle les actes faits pour s'embellir, où n'est présent aucun des principes (illa) qui sont à la base des interdictions qui se trouvent dans le Coran ou les hadîths. Cependant, ici aussi notre intention doit être pure, à l'instar de cette jeune femme qui était venue questionner Aïcha : il s'agit de se faire plus belle pour son mari, de se faire plus beau pour son épouse, et non pour séduire le monde qui nous croise.
Il faut aussi rappeler que l'islam demande à la femme musulmane de couvrir son corps sauf son visage et ses mains (et ses pieds d'après certains ulémas) lorsqu'elle se trouve devant un homme qui n'est ni son mari ni un proche parent (mahram). Voir mon article à ce sujet : La tenue de la musulmane.
Wallâhu A'lam (Dieu sait mieux).