Question :
As-salâmu 'alaykum. Existe-t-il un habit traditionnel pour le musulman en islam ?
-
Réponse :
Wa 'alaykum us-salâm.
Je te suggère tout d'abord de lire, sur le site, l'article traitant de la distinction, dans la Sunna du Prophète, entre "sunna ta'abbudiyya" et "sunna 'âdiyya". Il y est traité de la question des "sunna 'âdiyya" (ou "sunan uz-zawâïd") d'une part, et des "sunna ta'abbudiyya" (ou "sunan ul-hudâ") d'autre part. Cela facilitera inshâ Allâh la compréhension de ce qui suit.
-
Il y a bien sûr les habits que le Prophète (sur lui la paix) portait...
Ibn ul-Qayyim, se référant à ce qui est rapporté dans les recueils de Hadîths, cite ainsi les habits suivants (entre autres) :
- la tunique légère ("qamîs"),
- le manteau, qui est plus long que la tunique ("jubba", "qabâ'"),
- le pantalon ("sarâwîl", dont il est prouvé que le Prophète l'a acheté),
- le pagne ("izâr", ce qu'on appelle en Inde le "lunguî"),
- la houppelande ("ridâ'", "kissâ'", "burd"),
- le turban ("'imâma"),
- la "qalansuwa" (parfois traduit en français par "chapeau" ou "bonnet" selon les régions),
- les chaussettes ("khuff"),
- les sandales ("na'l").
Le Prophète (sur lui soit la paix) portait le tissu qui était disponible :
- certains de ses vêtements étaient faits de coton,
- d'autres de laine,
- d'autres de poil d'animaux,
- d'autres de lin.
Il a cependant interdit aux hommes l'usage de la soie (sauf cas de nécessité).
A l'époque, au Hedjaz, les tissus étaient importés du Yémen, de la Syrie ("bilâd ash-shâm"), d'Egypte.
Enfin, les couleurs des vêtements du Prophète (sur lui soit la paix) étaient elles aussi variées :
- il aimait le blanc,
- mais a porté également du vert, du noir, du rouge mêlé à d'autres couleurs. (Cf. Zâd ul-ma'âd, Ibn ul-Qayyim, tome 1 pp. 135-147.)
-
Dès lors, il y a 2 cas qui sont possibles :
– Cas a) Un musulman désire porter les mêmes vêtements que le Prophète (sur lui la paix), et ce pour exprimer de l'amour pour lui, et avec l'intention de suivre mieux encore les règles et principes qu'il a laissés.
Il s'agit ici de la mise en pratique des "sunna 'âdiyya" auxquelles nous faisions allusion au tout début de la réponse.
– Cas b) Un musulman désire porter d'autres vêtements que ceux que portaient le Prophète (sur lui la paix).
Il s'agit ici de ce à propos de quoi il n'y a en soi pas de blâme fait à celui qui adopte d'autres formes que celles des "sunna 'âdiyya" (fin de citation), à la condition premièrement que ce musulman ne se moque ni ne méprise les formes pratiquées par le Prophète, et deuxièmement qu'il respecte les "sunna ta'abbudiyya" laissées par le Prophète (sur lui la paix) à ce sujet.
Or, en ce qui concerne les vêtements également, le Prophète (que Dieu le bénisse et le salue) a enseigné des "sunna ta'abbudiyya", qui correspondent en fait à des règles, des principes. Voici ces règles et principes...
-
Les normes relatives aux vêtements que le musulman et la musulmane portent en public sont comme suit :
Ces vêtements du musulman et de la musulmane :
– 1) doivent couvrir leur 'awra ; c'est-à-dire :
--- 1.1) doivent recouvrir leur 'awra ;
--- 1.2) doivent ne pas être quasi-transparents (shaffâf) au point de ne pas dissimuler la 'awra des regards ;
--- 1.3) doivent être suffisamment amples pour ne pas mouler ni révéler les attraits corporels de ce qui fait partie de la 'awra ; "عن أسامة بن زيد قال: كساني رسول الله صلى الله عليه وسلم قبطية كثيفة كانت مما أهداها دحية الكلبي. فكسوتها امرأتي. فقال لي رسول الله صلى الله عليه وسلم: "ما لك لم تلبس القبطية؟" قلت: يا رسول الله، كسوتها امرأتي. فقال لي رسول الله صلى الله عليه وسلم: "مرها فلتجعل تحتها غِلالة، إني أخاف أن تصف حجم عظامها" (Ahmad, 21786) ;
– 2) doivent être différents, dans leur aspect, de ceux que l'usage destine à l'autre sexe ;
– 3) doivent ne pas constituer du gaspillage par rapport à leurs moyens personnels, ni par rapport à l'usage de la société ;
– 5) doivent ne pas être portés avec un objectif de fierté.
-
Et puis il y a 3 autres normes qui sont, elles, spécifiques à l'homme.
Les vêtements du musulman :
– 6) doivent ne pas être faits de soie ;
– 7) doivent ne pas dépasser la longueur voulue (al-isbâl), qu'ils soient pantalon, tunique ou turban (certains ulémas étant cependant d'avis que cela est légèrement déconseillé si cela est fait pas par orgueil) ;
– 8) doivent ne pas être de couleur safran, ni entièrement de couleur rouge (du moins d'après l'interprétation faite par certains ulémas, car il y a divergence d'avis sur le sujet : Fat'h ul-bârî 10/375-379).
-
Enfin, il y a un 9ème principe, lié à la question suivante : les vêtements du musulman et de la musulmane doivent-ils exprimer une identité musulmane ?
Les références des 8 premières normes sont bien connues dans les textes du Coran et de la Sunna.
Quant au 9ème principe, il est concerné par le hadîth du Prophète (sur lui soit la paix) qui dit : "Celui qui imite des gens, en fait partie" (Abû Dâoûd, n° 4031), et aussi par d'autres hadîths, notamment celui où le Prophète (paix sur lui) a recommandé à ses Compagnons de se teindre les cheveux [blancs] pour avoir une apparence différente de celle qu'avaient alors certains non-musulmans (al-Bukhârî, n° 5559, Muslim, n° 2103).
Ce principe a comme objectif non de faire un "apartheid" mais de permettre au musulman et à la musulmane de garder leur identité (il s'agit donc d'éviter l'assimilation – chose différente de l'intégration). L'objectif qu'a l'islam à ce sujet est expliqué de façon détaillée dans Iqtidhâ' us-sirât il-mustaqîm (pp. 14-15).
Il faut, à propos de ce 9ème principe, distinguer deux choses.
Il y a d'une part les objets qui constituent des symboles (shi'âr), qui expriment de façon formelle l'appartenance de celui ou de celle qui les porte à telle groupe : le crucifix témoigne de l'appartenance de son porteur au christianisme, la kippa de l'appartenance au judaïsme, le tikka de l'appartenance de son porteur à l'hindouisme, etc. Le musulman comme la musulmane doivent absolument s'abstenir de porter un symbole non-musulman, même si celui-ci ne constitue qu'un élément dans l'ensemble de leur apparence.
Par contre, pour ce qui ne relève pas du symbole, il s'agit de considérer l'apparence globale (al-hay'a al-'âmma) du musulman : et ceci ne relève pas forcément des vêtements, mais également de la barbe, de la coiffure, etc.
Abû Chuqqa écrit ainsi : "Ce qui compte (par rapport à ce principe), c'est l'apparence générale, de sorte que lorsqu'on voit la (personne) musulmane elle ne soit pas similaire à la non-musulmane. (…) Sauf s'il s'agit de quelque chose relevant des symboles de non-musulmans, auquel cas il est interdit de porter ce symbole, fût-il infime" (Tahrîr ul-mar'a, tome 4 p. 280).
Les musulmans ont donc l'entière possibilité de varier les éléments qui composent leur tenue en fonction du pays et du contexte où ils vivent et d'adopter des éléments vestimentaires locaux, pourvu que leur apparence générale laisse reconnaître qu'ils sont musulmans. Les musulmans de l'Inde (ulémas y compris) n'ont-ils pas ainsi intégré la tunique locale, fendue sur le côté et comportant un col et des boutons, se contenant d'en allonger le pan et de porter un pantalon (alors que les autres portent le "dhôtî"), et de garder la barbe ? N'ont-ils pas également intégré la tunique d'hiver en en allongeant également le pan (cette tunique de couleur sombre qu'on appelle en Inde la "sherwânî") ? Et que dire des babouches ("maujrî") qu'ils portent ? Et du gilet ("sad'rî") ? Tout cela était-il porté par le Prophète (paix sur lui), ses Compagnons ou leurs élèves ? Non bien sûr ; les musulmans d'Inde n'ont fait qu'intégrer les vêtements locaux en gardant une apparence générale musulmane.
Dès lors, pourquoi les musulmans d'Europe et d'Amérique ne pourraient-ils pas suivre la voie tracée par leurs frères d'Inde, et intégrer les vêtements de la région où ils vivent, tout en gardant une allure générale qui soit telle que l'on reconnaisse qu'ils sont musulmans ?
Pour plus de détails, se référer à l'article : Faut-il se différencier de la façon de faire des non-musulmans ?
Wallâhu A'lam (Dieu sait mieux).