Certaines sociétés ont connu, d'autres connaissent encore aujourd'hui une certaine injustice faite à la femme de la part des hommes.
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Dégradation et amélioration de la situation de la femme :
Ainsi, à propos de l'Arabie pré-islamique, Omar ibn ul-Khattâb raconta une fois au jeune Abdullâh ibn Abbâs : "Avant la venue de l'islam, nous autres n'avions pas de considération pour les femmes. Puis, lorsque vint l'islam et que Dieu évoqua leurs droits, nous nous mîmes, à cause de cela, à comprendre qu'elles avaient des droits sur nous." (En effet, Dieu dans le Coran et le Prophète Muhammad dans ses hadîths insistèrent sur les droits des femmes.) "Cela, ajoute Omar, sans que nous leur permettions de se mêler de nos affaires" (al-Bukhârî 5505). Omar parle là du moment où, après la venue de l'islam, il vivait toujours, en tant que qurayshite, dans la société de La Mecque. Mais quand, ensuite, il dut émigrer à Médine – où le Prophète allait vivre dix ans encore –, il se retrouva au contact des musulmans de là-bas ; il raconte à Ibn Abbas : "Chez nous autres les qurayshites, c'était les hommes qui menaient les femmes. Mais les Ansar (à Médine) étaient un peuple où les femmes menaient les hommes (taghlibuhum). Quand nous nous installâmes à Médine, nos femmes se mirent à prendre cette façon d'être des femmes ansarites" (al-Bukhârî 4895). "Ainsi, alors que j'étais en train de (réfléchir à) une affaire que j'exerçais, ma femme me dit : "Si tu faisais ainsi et ainsi !" Je lui dis alors : "Qu'as-tu avec ce qui se trouve ici ? De quoi y a-t-il à entrer dans quelque chose que je veux faire ?"" (al-Bukhârî 4629). "Elle me répondit alors" (4895) "me parla de façon rude" (5505). "Je n'appréciai pas qu'elle me réponde" raconte Omar. Elle me dit alors : "Et pourquoi n'apprécies-tu pas qu'on te réponde, alors que les épouses du Prophète lui répondent ; et (il arrive que) l'une d'elles refuse de lui parler toute la journée, jusqu'à la nuit" (4895) ; "Ta fille répond au Prophète au point que celui-ci reste mécontent la journée" (al-Bukhârî 4629). Cela ne signifie pas que l'épouse aurait eu le droit, à Médine, de chercher à mécontenter son époux ou à chercher à devenir celle qui mène le mari. D'ailleurs on voit que le Prophète n'a pas approuvé (il n'y a donc pas eu taqrîr de sa part) que l'épouse réponde de la sorte à son mari, puisqu'il restait quelque peu mécontent de cela le reste de la journée. Cela signifie qu'à dans la société de Médine les femmes avaient une liberté de ton et une présence qu'elles n'avaient pas dans la société de la Mecque.
Ainsi se réalisa dans la jeune société musulmane, par rapport à la société païenne de l'Arabie d'avant l'islam, ce qu'un érudit religieux contemporain, Abû Chuqqa, a appelé "l'émancipation de la femme à l'époque de la révélation", que l'on peut également appeler "l'émancipation de la femme réalisée sur la base de la révélation".
En Europe Occidentale, avant et pendant le Moyen-Age et jusqu'aux temps Modernes, les droits de la femme n'étaient pas non plus très développés. C'est à partir de la fin du XVIIIè - début du XIXème siècle que les choses commencèrent à bouger tout doucement, pour réaliser dans la société occidentale contemporaine une "émancipation de la femme basée sur la seule raison". Et c'est surtout dans la deuxième partie du XXème siècle que cet autre modèle d'émancipation fit des progrès conséquents, pour finir par donner le modèle que chacun et chacune voient maintenant. Aujourd'hui, ce modèle gagne sans cesse des adeptes sur toute la surface du globe, même chez une partie importante de la population de pays autrefois très traditionnels comme la Chine ou l'Inde.
Pendant que la situation de la femme s'améliorait lentement en Occident, à l'inverse, dans certains pays majoritairement musulmans elle se détériorait quelque peu par rapport aux avancées offertes par la révélation musulmane. Mustafâ as-Sibâ'î l'affirme clairement : "Puis, en fonction de l'évolution de la situation dans la civilisation islamique et des traditions locales de pays musulmans, la femme a connu des périodes différentes. Dans la période de décadence, la femme a même connu un délaissement, et, dans les faits, un manquement par rapport à ses droits." "Le besoin s'est donc fait sentir que la pensée des réformateurs [musulmans] se tourne également vers le cas de la femme dans leurs pays" (Al-mar'a bayn al-fiqh wa-l qânûn, pp. 46-51).
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Deux modèles pour améliorer la situation actuelle :
Pour améliorer la situation de la femme dans les pays musulmans où ses droits ne sont pas respectés, deux tendances sont aujourd'hui présentes :
- l'une souhaite et agit dans le sens d'une émancipation féminine fondée sur les enseignements des sources musulmanes ;
- l'autre désire l'adoption du modèle occidental d'émancipation féminine.
Très libéral, ce dernier modèle ne peut que séduire, d'autant plus qu'il offre réellement des droits à la femme. A comparer la place de la femme dans la société occidentale hier, et les droits qu'elle a acquis aujourd'hui, qui pourrait en effet nier le côté positif de ces changements ? Pourtant, à côté des avantages, ce modèle présente également des faiblesses, notamment dans deux domaines principaux :
- la mise en valeur excessive des corps,
- et l'effacement des repères chez les hommes et les femmes.
L'autre modèle d'émancipation féminine, celui qui est fondé sur les sources de la révélation, présente des solutions à ces problèmes. Il est différent à la fois du modèle occidental et du modèle des traditions appliquées parfois au nom de l'islam dans certains pays majoritairement musulmans. Il faut de plus rappeler que vivre ce modèle ne consiste pas à s'en tenir exactement à ce que faisaient les femmes il y a de cela quatorze siècles, car la règle première, dans tout ce qui n'est pas purement cultuel (al-'âdât), est la permission : il n'y a ici pas besoin d'un texte pour permettre, mais au contraire pour instaurer des limites et des orientations :
- le corps et ce qui y est lié en islam ;
- complémentarité homme et femme en islam ;
- la place de la femme dans la famille en islam.
Les sociétés majoritairement musulmanes sauront-elles se fonder sur les enseignements de l'islam pour se réformer ?
Wallâhu A'lam (Dieu sait mieux).