Les différentes étapes ayant mené aux écoles de variantes de récitation du Coran aujourd'hui établies

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Omar ibn ul-Khattâb (que Dieu l'agrée) relate que le Messager de Dieu (que Dieu le bénisse et le salue) a dit : "Ce Coran a été descendu selon sept Harf. Récitez-en donc ce qui est facile (pour vous)" : "إن هذا القرآن أنزل على سبعة أحرف، فاقرءوا ما تيسر منه" (al-Bukhârî, 4706).

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I) Nous avons déjà vu dans un article précédent que, d'après l'interprétation à laquelle va ma préférence, ces 7 Harf sont les catégories auxquelles se rattachent les multiples variantes de récitation du texte coranique, Qirâ'ât ; l'ensemble des Qirâ'ât relèvent donc de 7 Harf :

"Harf" signifie littéralement : "extrémité", "bord" ; ici cela signifie : "wajh", dans le sens de : "aspect", "perspective", "type". "قوله "باب: "أنزل القرآن على سبعة أحرف"": أي على سبعة أوجه يجوز أن بقرأ بكل وجه منها" (Fat'h ul-bârî, 9/30).
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"قد تلخص مما تقدم مما ساقه الحافظ - رحمه الله - من كلام هؤلاء الأئمة الأعلام - رحمهم الله تعالى - أن الراجح هو قول من قال: إن المراد بالأحرف السبعة في حديث الباب هي أوجه القراءة التي تؤدى بها المعاني المتفقة بألفاظ مختلفة؛ وقد يكون ذلك في لغة واحدة، كما وقع لعمر وهشام بن حكيم - رضي الله عنهما - فإنهما قرشيان" (
Al-Bah'r ul-muhît uth-thajjâj).


Nous y avons vu aussi que, pour la détermination de ces 7 catégories, j'ai exposé l'explication de Abu-l-Fadhl ar-Râzî :
a) variantes d'accents (اختلاف اللهجات) : par exemple "nâs" / "nès" ; "yûmin" / "yu'min""salaka-kum" / "salak'kum" ;
b) variantes liées aux cas syntaxiques (اختلاف وجوه الإعراب) : comme "al-'ayna" / "al-'aynu" (cela n'ayant aucune incidence sur le sens de la phrase) ; "ya'qûbu" / "ya'qûba" (le terme est-il au cas nominatif ? ou au cas direct / indirect étant diptote ?) (cela a une incidence sur le sens de la phrase) ;
c) variantes concernant un même nom (اختلاف الأسماء) : c'est-à-dire : est-il féminin / masculin ? ; est-il au singulier / au pluriel ? ;
d) variantes de temps de conjugaison des verbes (اختلاف تصريف اللأفعال) : "bâ'id" / "ba'ada" ;
e) variantes de termes (al-ibdâl) : comme "nunsi-hâ" (de la racine "N-S-Y", "oublier") / "nansa'-hâ" (de la racine "N-S-'", "retarder") ; "fa tabayyanû" / "fa tathabbatû" ; "al-malâ'ïkat alladhîna hum 'ibâdu-r-Rahmân" / "al-malâ'ïkat alladhîna hum 'inda-r-Rahmân". Ou encore comme "tal'hin" (banane / bananier) / "tal'in" (spathe de dattier) ; "dhanîn" (avare) / "zanîn" (soupçonné). Ou encore comme la permutation des Noms de Dieu figurant en fin de certains versets ;
f) variantes liées à une inversion de mots (اختلاف التقديم والتأخير) : comme "wa jâ'at sak'rat ul-mawti bi-l-haqqi" / "wa jâ'at sak'rat ul-haqqi bi-l-mawti", cette seconde variante étant celle relatée par Abû Bakr (Fath ul-bârî, tome 9 p. 37) ;
g) variantes liées à la majoration ou à la diminution d'un ou deux mots (اختلاف النقص والزيادة) : comme "wa mâ khalaqa-dh-dhakara wa-l-unthâ" / "wa-dh-dhakari wa-l-unthâ" (la seconde variante étant rapportée du Prophète par Abu-d-Dardâ' ; Ibn Mas'ûd aussi récitait de la sorte).

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Or il faut savoir que d'autres ulémas ont proposé d'autres catégories ; parmi celles-ci il y a celle de Ibn Qutayba (et autre que lui).

Ibn Hajar dit que la classification faite par Abu-l-Fadhl ar-Râzî est un prolongement de celle faite par Ibn Qutayba : "وقد حمل ابن قتيبة وغيره العدد المذكور على الوجوه التي يقع بها التغاير في سبعة أشياء: الأول ما تتغير حركته ولا يزول معناه ولا صورته مثل ولا يضار كاتب ولا شهيد بنصب الراء ورفعها. الثاني ما يتغير بتغير الفعل مثل بعد بين أسفارنا وباعد بين أسفارنا بصيغة الطلب والفعل الماضي. الثالث ما يتغير بنقط بعض الحروف المهملة مثل ثم ننشرها بالراء والزاي. الرابع ما يتغير بإبدال حرف قريب من مخرج الآخر مثل طلح منضود في قراءة علي وطلع منضود. الخامس ما يتغير بالتقديم والتأخير مثل وجاءت سكرة الموت بالحق في قراءة أبي بكر الصديق وطلحة بن مصرف وزين العابدين وجاءت سكرة الحق بالموت. السادس ما يتغير بزيادة أو نقصان كما تقدم في التفسير عن ابن مسعود وأبي الدرداء والليل إذا يغشى والنهار إذا تجلى والذكر والأنثى هذا في النقصان، وأما في الزيادة فكما تقدم في تفسير تبت يدا أبي لهب في حديث ابن عباس وأنذر عشيرتك الأقربين ورهطك منهم المخلصين. السابع ما يتغير بإبدال كلمة بكلمة ترادفها مثل العهن المنفوش في قراءة ابن مسعود وسعيد بن جبير كالصوف المنفوش. (...) وقال أبو الفضل الرازي: الكلام لا يخرج عن سبعة أوجه في الاختلاف. الأول اختلاف الأسماء من إفراد وتثنية وجمع أو تذكير وتأنيث. الثاني اختلاف تصريف الأفعال من ماض ومضارع وأمر. الثالث وجوه الإعراب. الرابع النقص والزيادة. الخامس التقديم والتأخير السادس الإبدال. السابع اختلاف اللغات كالفتح والإمالة والترقيق والتفخيم والإدغام والإظهار ونحو ذلك. قلت: وقد أخذ كلام ابن قتيبة ونقحه" (Fat'h ul-bârî, 9/36-37).

Si j'osais, je proposerais l'essai suivant, lequel reprend globalement les catégories proposées par Ibn Qutayba, mais a rajouté la variance d'accents (présente chez ar-Râzî) et numérotée ci-après : "1" ; et a modifié quatre des catégories de Ibn Qutayba, les ayant "redistribuées" en trois : ce qu'il a mentionné pour sa part en première, seconde, troisième et quatrième positions, cela a été redistribué ci-après dans les catégories : "2", "3" et "4". Voici cette proposition :
1) variance d'accents (اختلاف اللهجات) : par exemple "nâs" / "nès" ; "dhuhâ" / "dhuhè" / "dhuhé" ; "salaka-kum" / "salak'kum" ; "yûmin" / "yu'min" ; "tâbût" / "tâbûh" ;
2) variance liée à des considérations de syntaxe (اختلاف حركات الحروف لوجوه الإعراب) : comme "al-'ayna" / "al-'aynu" ; comme "ya'qûbu" / "ya'qûba" (le terme est-il au cas nominatif ? ou au cas direct / indirect étant diptote ?) ;
3) variance de termes due à une différence de voyelles - courtes, ou longues - ou de shadda (إبدال كلمة بكلمة أخرى باختلاف بعض حركات الحروف وسكناتها) : "idbâr" / "adbâr" ; "kudhibû" / "kudhdhibû" ; "yat'hurna" / "yattahharna" ; "ba'ada" / "bâ'ïd" ; "al-qayyûm" / "al-qayyâm" ;
4) variance de termes par changement de certaines de l'une ou de toutes les lettres radicales constitutives de ces termes (إبدال كلمة بكلمة أخرى باختلاف بعض الحروف) : "kushitat" / "qushitat" ;  "fa tabayyanû" / "fa tathabbatû" ; "nanshuru-hâ" / "nunshizu-hâ" ; "al-malâ'ïkat alladhîna hum 'ibâdu-r-Rahmân" / "'inda-r-Rahmân" ; "nunsi-hâ" (de la racine "N-S-Y", "oublier") / "nansa'-hâ" (de la racine "N-S-'", "retarder") ; "dhanîn" (avare) / "zanîn" (soupçonné) ; "tal'hin" (banane / bananier) / "tal'in" (spathe de dattier) ;
5) variance de termes par l'emploi d'un synonyme (إبدال كلمة بكلمة أخرى باستعمال المترادف) : "'attâ" / "hattâ" ; "al-'ihn" / "as-Sûf" (la seconde variante étant rapportée de Ibn Mas'ûd) ; ou par la permutation des Noms de Dieu figurant en fin de certains versets ;
6) variance par inversion de mots (اختلاف التقديم والتأخير) : comme "wa jâ'at sak'rat ul-mawti bi-l-haqqi" / "wa jâ'at sak'rat ul-haqqi bi-l-mawti", cette seconde variante étant celle relatée par Abû Bakr (Fath ul-bârî, tome 9 p. 37) ;
7) variance par majoration ou diminution d'un ou deux mots (اختلاف النقص والزيادة) : comme "wa mâ khalaqa-dh-dhakara wa-l-unthâ" / "wa-dh-dhakari wa-l-unthâ" (la seconde variante étant rapportée du Prophète par Abu-d-Dardâ' ; Ibn Mas'ûd aussi récitait de la sorte) ; "fî qubuli 'iddati-hinna" / "li 'iddati-hina" ; "'ashîrataka-l-aqrabîn" / "'ashîrataka-l-aqrabîn wa rahtaka minhum ul-mukhlassîn".

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Mais je le reconnais de bonne grâce - et le dis de nouveau ici - : Je ne suis qu'un petit tâlib ul-'ilm ; je ne peux que suggérer, et proposer à la critique des spécialistes...

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Toutes les variantes de la catégorie a /1, de même que certaines variantes relevant de la catégorie b /2, n'ont aucune incidence sur le sens de la phrase, ni même du terme concerné.
On peut en dire autant de la variante "
'attâ hîn" /"hattâ hîn" (laquelle relève de la catégorie e/ 5).
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Par contre, tous les autres types de variantes ont une incidence sur le sens (il s'agit soit d'une nuance de sens, soit d'une différence de sens ; mais jamais de contradiction dans le sens).
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Quant à l'emploi des synonymes ("
al-'ihn" /"as-Sûf") (chose qui sera abrogée plus tard, comme nous le verrons plus bas), deux synonymes communiquent-ils exactement le même sens ? C'est toute la subtilité de la question.

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II) Par rapport aux 7 Harf, il y a eu 2 périodes dans la mission du prophète Muhammad (que Dieu le bénisse et le salue) :

Première période :

Au début de la mission, le texte coranique était enseigné par le Prophète (sur lui soit la paix), et récité par lui et ses Compagnons, sans variante aucune.

Il n'y avait donc alors aucune Harf (c'est-à-dire : aucune catégorie de variantes).

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Seconde période :

Mais lorsque des personnes de diverses régions d'Arabie commencèrent à se convertir à l'islam (Fat'h ul-bârî, 9/36), le Prophète lui-même demanda à l'ange Gabriel de transmettre à Dieu sa requête : que soient rendues possibles des variantes de récitation du texte coranique. Cela se passa à Médine, près du point d'eau des Banî Ghifâr dans cette cité.

– Les anges Gabriel et Michel vinrent alors auprès du Prophète, l'un se plaçant à sa droite et l'autre à sa gauche. Et Gabriel lui dit, de la part de Dieu, que sa Umma pourrait réciter le Coran selon 1 harf.
Mais l'ange Michel dit alors au Prophète : "Demande davantage". Le Prophète de dire donc à Gabriel : "Je demande à Dieu Son Excuse et Son Pardon. Ma Umma ne peut pas cela", puis de s'adresser directement à Dieu : "Facilite (les choses) pour ma Umma" (ce fut la seconde su'âl, et la première radda, de la part du Prophète).

Plus tard les deux anges revinrent, et l'ange Gabriel lui dit que 2 harf lui étaient accordés.
Sur nouvelle suggestion de l'ange Michel, le Prophète demanda davantage (ce fut sa troisième su'âl, et sa seconde radda), pour plus de facilité.

Plus tard les deux anges revinrent, et l'ange Gabriel lui dit que 3 harf lui étaient accordés.
Sur suggestion de l'ange Michel, le Prophète demanda davantage encore (ce fut sa quatrième su'âl, et sa troisième radda).

Plus tard l'ange Gabriel vint lui dire que 7 harf lui étaient accordés.

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Voici les relations qui établissent cela :
--- "عن زر بن حبيش، عن أبي بن كعب، قال: لقي رسول الله صلى الله عليه وسلم جبريل، فقال: "يا جبريل إني بعثت إلى أمة أميين: منهم العجوز، والشيخ الكبير، والغلام، والجارية، والرجل الذي لم يقرأ كتابا قط". قال: "يا محمد إن القرآن أنزل على سبعة أحرف" (at-Tirmidhî, 2944) (il s'agissait ici de la Ummat un-nassab : les Arabes).
--- "عن مجاهد، عن ابن أبي ليلى، عن أبي بن كعب، أن النبي صلى الله عليه وسلم كان عند أضاة بني غفار، قال: فأتاه جبريل عليه السلام، فقال: "إن الله يأمرك أن تَقرأ أمتُك القرآن على حرف"، فقال: "أسأل الله معافاته ومغفرته، وإن أمتي لا تطيق ذلك". ثم أتاه الثانية، فقال: "إن الله يأمرك أن تقرأ أمتك القرآن على حرفين." فقال: "أسأل الله معافاته ومغفرته، وإن أمتي لا تطيق ذلك". ثم جاءه الثالثة، فقال: "إن الله يأمرك أن تقرأ أمتك القرآن على ثلاثة أحرف"، فقال: "أسأل الله معافاته ومغفرته، وإن أمتي لا تطيق ذلك". ثم جاءه الرابعة، فقال: "إن الله يأمرك أن تقرأ أمتك القرآن على سبعة أحرف. فأيما حرف قرءوا عليه فقد أصابوا" (Muslim, 821).
--- "عن أنس، عن أبي، قال: ما حاك في صدري منذ أسلمت إلا أني قرأت آية وقرأها آخر غير قراءتي، فقلت: أقرأنيها رسول الله صلى الله عليه وسلم، وقال الآخر: أقرأنيها رسول الله صلى الله عليه وسلم. فأتيت النبي صلى الله عليه وسلم فقلت: يا نبي الله أقرأتني آية كذا وكذا. قال: "نعم". وقال الآخر: ألم تقرئني آية كذا وكذا؟ قال: "نعم. إن جبريل وميكائيل عليهما السلام أتياني، فقعد جبريل عن يميني وميكائيل عن يساري، فقال جبريل عليه السلام: "اقرأ القرآن على حرف". قال ميكائيل: "استزده، استزده". حتى بلغ سبعة أحرف. فكل حرف شاف كاف" (an-Nassâ'ï, 941).
--- "عن سليمان بن صرد الخزاعي، عن أبي بن كعب، قال: قرأت آية، وقرأ ابن مسعود خلافها. فأتيت النبي صلى الله عليه وسلم فقلت: ألم تقرئني آية كذا وكذا؟ قال: "بلى." فقال ابن مسعود: ألم تقرئنيها كذا وكذا؟ فقال: "بلى. كلاكما محسن مجمل." قال: فقلت له، فضرب صدري، فقال: "يا أبي بن كعب، إني أقرئت القرآن، فقلت: "على حرفين؟" فقال: "على حرفين، أو ثلاثة؟" فقال الملك الذي معي: "على ثلاثة"، فقلت: "على ثلاثة". حتى بلغ سبعة أحرف. ليس منها إلا شاف كاف، إن قلت: {غفورا رحيما}، أو قلت: {سميعا عليما}، أو: {عليما سميعا}، فالله كذلك؛ ما لم تختم آية عذاب برحمة، أو آية رحمة بعذاب" (Ahmad, 21149). Et dans une autre version : "يا أبي، إني أقرئت القرآن، فقيل لي: "على حرف، أو حرفين؟"، فقال الملك الذي معي: "قل: على حرفينقلت: "على حرفين". فقيل لي: "على حرفين، أو ثلاثة؟" فقال الملك الذي معي: "قل: على ثلاثة"، قلت: "على ثلاثة". حتى بلغ سبعة أحرف" (Abû Dâoûd, 1477).
--- "عن عبد الله بن عيسى بن عبد الرحمن بن أبي ليلى، عن جده، عن أبي بن كعب، قال: كنت في المسجد، فدخل رجل يصلي، فقرأ قراءة أنكرتها عليه، ثم دخل آخر فقرأ قراءة سوى قراءة صاحبه. فلما قضينا الصلاة دخلنا جميعا على رسول الله صلى الله عليه وسلم، فقلت: إن هذا قرأ قراءة أنكرتها عليه، ودخل آخر فقرأ سوى قراءة صاحبه. فأمرهما رسول الله صلى الله عليه وسلم، فقرآ، فحسن النبي صلى الله عليه وسلم شأنهما. فسقط في نفسي من التكذيب، ولا إذ كنت في الجاهلية. فلما رأى رسول الله صلى الله عليه وسلم ما قد غشيني، ضرب في صدري، ففضت عرقا وكأنما أنظر إلى الله عز وجل فرقا، فقال لي: "يا أبي، أرسل إلي أن "اقرأ القرآن على حرف". فرددت إليه أن "هون على أمتي"، فرد إلي الثانية "اقرأه على حرفين". فرددت إليه أن "هون على أمتي"، فرد إلي الثالثة "اقرأه على سبعة أحرف"، فلك بكل ردة رددتكها مسألة تسألنيها. فقلت: اللهم اغفر لأمتي، اللهم اغفر لأمتي، وأخرت الثالثة ليوم يرغب إلي الخلق كلهم، حتى إبراهيم صلى الله عليه وسلم" (Muslim, 820).
--- "عن ابن عباس رضي الله عنهما أن رسول الله صلى الله عليه وسلم، قال: "أقرأني جبريل على حرف. فلم أزل أستزيده حتى انتهى إلى سبعة أحرف" (al-Bukhârî, 3047, Muslim, 819) (Ibn Hajar pense que Abdullâh ibn Abbas a probablement entendu ce hadîth de Ubayy ibn Ka'b : FB 9/31).

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III) Alors que nous demeurons dans cette 2nde Période, 3 "filtres" ont ensuite pris place qui ont mené aux écoles de récitation établies et reconnues : le premier filtre a rendu certaines variantes "abrogées" (mansûkha), et les deux autres en ont rendu certaines autres "délaissées" (mat'rûka) :

Le Premier "filtre" a pris place du vivant même du Prophète (sur lui soit la paix) : lors de la dernière révision, en ramadan de l'an 10 de l'hégire, certaines variantes furent abrogées (mansûkh). Lesquelles ? Possiblement celles qui primo relèvent de la catégorie e /5 et secundo avaient fait l'objet de latitude offerte par le Prophète même s'il ne les avait pas enseignées.

Le Second "filtre" a pour sa part pris place sous le califat de 'Uthmân ibn 'Affân (que Dieu l'agrée) : avec l'universalisation des copies dotées d'une écriture particulière, des variantes relevant d'autres catégories que la e /5 devinrent impossibles à réciter, et furent donc "à délaisser" (mat'rûk).

Le Troisième "filtre" s'est mis en place au cours des premiers siècles de l'Islam : avec la diffusion de certaines variantes, et la non-diffusion d'autres variantes (pourtant établies du Prophète et non-abrogées lors de la dernière révision, ni délaissées pour cause de contradiction avec l'écriture des copies uthmaniennes), ces dernières devinrent elles aussi "délaissées" (mat'rûk) (pour cause de non-diffusion cette fois).
Les variantes ayant émergé se trouvèrent désormais dans des écoles codifiées par les Spécialistes.
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Quant aux variantes qui n'avaient pas été abrogées par le 1er filtre mais n'ont pas été retenues en vertu des 2nd et 3ème filtres, elles continuent à être connues et relatées (on en trouve dans des ouvrages de tafsîr tels que Zâd ul-massîr, Al-Jâmi' li ahkâm il-qur'ân de al-Qurtubî, et bien d'autres encore) (l'école hanafite en extrait d'ailleurs des hukm), mais on ne peut plus réciter le Coran en les utilisant.

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Détail de ces 3 "filtres" :
Premier "filtre" : En ramadan de l'an 10 de l'hégire - le dernier ramadan de la vie terrestre du Prophète (sur lui soit la paix) -, l'Ange Gabriel procéda à une ultime révision du texte coranique déjà révélé, lors de laquelle certaines variantes furent abrogées :

En fait, c'était durant chaque ramadan de sa mission que le Prophète procédait avec l'ange Gabriel à une révision du texte coranique déjà révélé (cela a été relaté par Fâtima, Abû Hurayra, Ibn Abbâs).

Mais pendant le dernier ramadan (celui de l'an 10 de l'hégire), ce fut par deux fois que la révision eut lieu (Fâtima a entendu cela du Prophète lui-même : al-Bukhârî, 3426, Muslim, 2450) (Abû Hurayra aussi l'a relaté : al-Bukhârî, 4712) (Ibn Abbâs aussi : Ahmad, 3422).

Et il y eut, lors de cette dernière révision, abrogation de certaines choses dans le Coran, comme l'a relaté Abdullâh ibn Abbâs (que Dieu l'agrée) : "عن أبى ظبيان عن ابن عباس قال: "أي القراءتين تعدون أول؟" قالوا: "قراءة عبد الله". قال: "لا، بل هى الآخرة! كان يعرض القرآن على رسول الله - صلى الله عليه وسلم - فى كل عام مرة؛ فلما كان العام الذى قبض فيه، عرض عليه مرتين؛ فشهده عبد الله، فعلم ما نسخ منه وما بدل" (Ahmad, 3422).
Ibn ul-Jazarî écrit : "قلت: ولا شك أن القرآن نسخ منه وغيّر فيه في العرضة الأخيرة، فقد صح النص بذلك عن غير واحد من الصحابة. وروينا بإسناد صحيح عن زر بن حبيش قال: قال لي ابن عباس: "أي القراءتين تقرأ؟" قلت: "الأخيرة" قال: "فإن النبي - صلى الله عليه وسلم - كان يعرض القرآن على جبريل - عليه السلام - في كل عام مرة، قال: فعرض عليه القرآن في العام الذي قبض فيه النبي - صلى الله عليه وسلم - مرتين، فشهد عبد الله - يعني ابن مسعود - ما نسخ منه وما بدل، فقراءة عبد الله الأخيرة" (An-Nashr).
Ibn Taymiyya écrit : "Ensuite Dieu abrogea certaines de ces harf lorsque Gabriel procéda à la révision avec le Prophète pendant le mois de ramadan. (...)" : "ثم إن الله نسخ بعض تلك الحروف لما كان جبريل يعارض النبي صلى الله عليه وسلم بالقرأن في كل رمضان" (As-Sârim, p. 123).

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Quelles Qirâ'ât - et donc quelle Harf - furent abrogées lors de cette dernière révision ?

--- La liberté de permuter les qualificatif de Dieu figurant en fin de nombreux versets : Le Prophète (sur lui soit la paix) avait dit : "Chacune de ces variantes est bonne, suffisante. Si tu dis "Pardonneur, Miséricordieux", ou si tu dis "Audient, Savant", ou "Savant, Audient", Dieu est ainsi. [Tout cela est permis] tant que tu ne termines pas un verset [parlant] de châtiment par [la mention d'un Attribut divin de] miséricorde, ni un verset [parlant] de miséricorde par [la mention d'un Attribut divin de] courroux" : "عن أبي بن كعب، قال: قرأت آية، وقرأ ابن مسعود خلافها، فأتيت النبي صلى الله عليه وسلم فقلت: ألم تقرئني آية كذا وكذا؟ قال: "بلى." فقال ابن مسعود: ألم تقرئنيها كذا وكذا؟ فقال: "بلى، كلاكما محسن مجمل." قال: فقلت له، فضرب صدري، فقال: "يا أبي بن كعب، إني أقرئت القرآن، فقلت: على حرفين؟ فقال: على حرفين، أو ثلاثة؟ فقال الملك الذي معي: على ثلاثة! فقلت: على ثلاثة! حتى بلغ سبعة أحرف. ليس منها إلا شاف كاف، إن قلت: غفورا رحيما، أو قلت: سميعا عليما، أو عليما سميعا فالله كذلك، ما لم تختم آية عذاب برحمة، أو آية رحمة بعذاب" (Ahmad, 21149) (voir aussi Abû Dâoûd, 1477). "حدثنا أبو كريب، قال: حدثنا زيد بن الحباب، عن حماد بن سلمة، عن علي بن زيد، عن عبد الرحمن بن أبي بكرة، عن أبيه، قال: قال رسول الله صلى الله عليه وسلم: "قال جبريل: "اقرأوا القرآن على حرف". فقال ميكائيل: "استزده". فقال: "على حرفين". حتى بلغ ستة أو سبعة أحرف. فقال: "كلها شاف كاف، ما لم يختم آية عذاب برحمة، أو آية رحمة بعذاب. كقولك: "هلم" و"تعال" (at-Tabarî dans son Tafsîr, 40) ; "حدثنا عفان، حدثنا حماد بن سلمة، أخبرنا علي بن زيد، عن عبد الرحمن بن أبي بكرة، عن أبي بكرة، أن جبريل عليه السلام قال: "يا محمد اقرأ القرآن على حرف"، قال ميكائيل عليه السلام: "استزده"، فاستزاده، قال: "فاقرأ على حرفين"، قال ميكائيل: "استزده، فاستزاده حتى بلغ سبعة أحرف. قال: "كل شاف كاف ما لم تختم آية عذاب برحمة، أو آية رحمة بعذاب؛ نحو قولك "تعال" و"أقبل"، و"هلم" و"اذهب"، و"أسرع" و"أعجل" (Ahmad, 20514).

--- A été alors également abrogée : la liberté d'utiliser - même lorsque cela n'a pas été enseigné par le Prophète - un synonyme du terme ayant pour sa part ayant dûment été enseigné par le Prophète (chose qui était possible lors du début de la 2nde période : "لكن ثبت عن غير واحد من الصحابة أنه كان يقرأ بالمرادف ولو لم يكن مسموعا له" : FB 9/35 ; "قال أبو شامة: ويحتمل أن يكون مراد عمر ثم عثمان بقولهما: "نزل بلسان قريش" أن ذلك كان أول نزوله؛ ثم إن الله تعالى سهّله على الناس فجوّز لهم أن يقرءوه على لغاتهم على أن لا يخرج ذلك عن لغات العرب لكونه بلسان عربي مبين" : Ibid.).

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Quand Omar ibn ul-Khattâb dit au sujet de Ubayy ibn Ka'b (que Dieu les agrée) : "Ubayy est le meilleur qâri' d'entre nous, mais nous délaissons une partie de ce qu'il récite, car il dit : "Je l'ai appris de la bouche du Prophète, aussi je ne le délaisserai pour rien", alors que Dieu dit : "Tout verset que Nous abrogeons ou renvoyons [à situation semblable à celle qui prévalait précédemment], Nous en apportons un meilleur ou un semblable"" (al-Bukhârî), évoquait-il :
--- des versets ayant été abrogés de récitation (mansûkh ut-tilâwa), dont Ubayy ibn Ka'b ne voulait pas accepter le caractère abrogé, et qu'il continuait à réciter et à enseigner aux autres ?
--- ou bien seulement des qirâ'ât ayant été abrogées lors de la dernière révision, dont Ubayy ibn Ka'b ne voulait pas accepter le caractère abrogé, et qu'il continuait à réciter et à enseigner ?
Je ne sais pas (لا أدري).

"عن سعيد بن جبير، عن ابن عباس، قال: قال عمر رضي الله عنه: "أقرؤنا أبي، وأقضانا علي. وإنا لندع من قول أبي؛ وذاك أن أبيا يقول: "لا أدع شيئا سمعته من رسول الله صلى الله عليه وسلم"، وقد قال الله تعالى: {ما ننسخ من آية أو ننسها" (al-Bukhârî, 4211), "عن سعيد بن جبير، عن ابن عباس، قال: قال عمر: "أبي أقرؤنا. وإنا لندع من لحن أبي. وأبي يقول: "أخذته من في رسول الله صلى الله عليه وسلم فلا أتركه لشيء"، قال الله تعالى: {ما ننسخ من آية أو ننسها نأت بخير منها أو مثلها" (al-Bukhârî, 4719), "وإنا لندع من قول أبي"؛ في رواية صدقة: "من لحن أبي"، واللحن: اللغة؛ وفي رواية ابن خلاد: "وإنا لنترك كثيرا من قراءة أبي" (Fat'h ul-bârî, 8/210).

Voici des versets abrogés de récitation, que Ubayy a relaté avoir entendu être récités de la bouche du Prophète (sur lui soit la paix), mais dont il n'est pas dit dans cette relation s'il continuait à les réciter et les enseigner, ou pas : "عن عاصم، قال: سمعت زر بن حبيش، يحدث عن أبي بن كعب، أن رسول الله صلى الله عليه وسلم قال له: "إن الله أمرني أن أقرأ عليك القرآن"؛ فقرأ عليه {لم يكن الذين كفرواوقرأ فيها: "إن ذات الدين عند الله الحنيفية المسلمة لا اليهودية ولا النصرانية ولا المجوسية، من يعمل خيرا فلن يكفرهوقرأ عليه: "لو أن لابن آدم واديا من مال لابتغى إليه ثانيا، ولو كان له ثانيا، لابتغى إليه ثالثا، ولا يملأ جوف ابن آدم إلا التراب، ويتوب الله على من تاب" (at-Tirmidhî, n° 3898).

Il faut savoir que le Prophète avait désigné 4 personnes auprès de qui il recommandait aux autres d'apprendre la récitation du texte coranique, et parmi elles il y avait Ibn Mas'ûd, et Ubayy ibn Ka'b : "عن مسروق، قال: ذكر عبد الله عند عبد الله بن عمرو فقال: "ذاك رجل لا أزال أحبه، بعد ما سمعت رسول الله صلى الله عليه وسلم يقول: "استقرئوا القرآن من أربعة: من عبد الله بن مسعود - فبدأ به -، وسالم مولى أبي حذيفة، وأبي بن كعب، ومعاذ بن جبل"". قال: "لا أدري بدأ بأبي أو بمعاذ بن جبل" (al-Bukhârî, 3548, Muslim, 2464).

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Second "filtre" : Les copies uthmaniennes ont pu inclure de nombreuses variantes, mais pas toutes :

Certes, l'objectif, en préparant ces copies, était bien, d'une part, de rassembler les musulmans sur un même texte, en empêchant la récitation des versets qui avaient été abrogés de récitation (mansûkh ut-tilâwa) du vivant du Prophète, et en empêchant aussi la récitation des variantes qui avaient été abrogées lors de la dernière révision (le premier "filtre"), mais dont certains Compagnons n'avaient pas eu connaissance du caractère "abrogé" et qui continuaient donc à les réciter et à les enseigner. Samura dira ainsi que la récitation du Coran qu'ils font, c'est celle de l'ultime révision : "عن الحسن، عن سمرة رضي الله عنه، قال: "عرض القرآن على رسول الله صلى الله عليه وسلم عرضات، فيقولون: "إن قراءتنا هذه هي العرضة الأخيرة" (al-Hâkim, 2904) ("hassan" d'après Ibn Hajar : FB 9/56).

Mais l'objectif était aussi, d'autre part, d'inclure de nombreuses variantes dans une même graphie. Et, à cette fin, c'est volontairement que la commission nommée par 'Uthmân pour préparer les copies coraniques a gardé les lettres transcrivant le texte coranique exemptes des points diacritiques ainsi que des voyelles courtes et sukûn. "وجردت هذه المصاحف جميعها من النقط والشكل ليحتملها ما صح نقله وثبت تلاوته عن النبي صلى الله عليه وسلم - إذ كان الاعتماد على الحفظ، لا على مجرد الخط - وكان من جملة الأحرف التي أشار إليها النبي صلى الله عليه وسلم بقوله: "أنزل القرآن على سبعة أحرف" (An-Nashr) ; "ثم إن الصحابة - رضي الله عنهم - لما كتبوا تلك المصاحف، جردوها من النقط والشكل ليحتمله ما لم يكن* في العرضة الأخيرة، مما صح عن النبي - صلى الله عليه وسلم -" (Ibid.) (* ne manquerait-il pas ici le terme "نُسِخ" ?).

Pour autant, il n'a pas été possible d'inclure dans une même graphie toutes les variantes établies.
--- Ainsi en est-il de certaines des variantes de Ibn Mas'ûd (j'ai écrit "certaines", car d'autres variantes de Ibn Mas'ûd - celles qui pouvaient être récitées à partie de la graphie uthmanienne - ont perduré, par le biais de ses élèves). La variante qui suit, par exemple : "إِنّي أناَ الرَّزَّاقُ ذُو الْقُوَّةِ الْمَتِينُ" (au lieu de : "إِنَّ اللَّهَ هُوَ الرَّزَّاقُ ذُو الْقُوَّةِ الْمَتِينُ" : Coran 51/58), que Ibn Mas'ûd relate avoir apprise du Prophète, n'a pas pu être incluse. Il en est de même de cette autre variante : "وَالذَّكَرِ وَالْأُنثَى" (au lieu de : "وَمَا خَلَقَ الذَّكَرَ وَالْأُنثَى" : Coran 92/3), que Abu-d-Dardâ' a relaté avoir apprise du Prophète, et qui est également récitée par Ibn Mas'ûd. "عن عبد الرحمن بن يزيد، عن عبد الله بن مسعود، قال: "أقرأني رسول الله صلى الله عليه وسلم: {إني أنا الرزاق ذو القوة المتين}". هذا حديث حسن صحيح" (at-Tirmidhî, n° 2940). "عن إبراهيم، عن علقمة، قال: دخلت في نفر من أصحاب عبد الله الشأم، فسمع بنا أبو الدرداء، فأتانا فقال: "أفيكم من يقرأ؟"، فقلنا: "نعم"، قال: "فأيكم أقرأ؟" فأشاروا إلي، فقال: "اقرأ". فقرأت: {والليل إذا يغشى، والنهار إذا تجلى، والذكر والأنثى}"، قال: "أنت سمعتها من في صاحبك؟"، قلت: "نعم"، قال: "وأنا سمعتها من في النبي صلى الله عليه وسلم. وهؤلاء يأبون علينا" (al-Bukhârî, n° 4659).

--- N'a pas non plus pu être incluse la variante que Zayd ibn Thâbit récitait : "tâbûh" (par rapport à Coran 2/248). En fait, parmi les quatre Compagnons constituant la commission que Uthmân avait nommée pour la préparation des copies coraniques à universaliser, trois étaient qurayshites et un, Zayd ibn Thâbit, était ansârite. Or 'Uthmân dit aux trois qurayshites : "Si vous et Zayd ibn Thâbit divergez à propos de la forme arabe de quelque chose du texte coranique ("'arabiyyatin min 'arabiyyat il-qur'ân"), alors écrivez-le d'après le dialecte des Quraysh. Car le Coran a été révélé dans leur dialecte". Et en effet, ils eurent un désaccord au sujet du terme coranique "التابوت" (Coran 2/248) : les trois qurayshites de la commission disaient : "التابوت" ("at-tâbût"), alors que Zayd ibn Thâbit disait : "التابوه" ("at-tâbûh"). Ils en référèrent donc à 'Uthmân, qui leur dit : "Ecrivez-le : "التابوت" ("at-tâbût"), car le (Coran) a été révélé selon le dialecte des Quraysh". "عن الزهري: وأخبرني أنس بن مالك، قال: "فأمر عثمان زيد بن ثابت، وسعيد بن العاص، وعبد الله بن الزبير، وعبد الرحمن بن الحارث بن هشام، أن ينسخوها في المصاحف، وقال لهم: "إذا اختلفتم أنتم وزيد بن ثابت في عربية من عربية القرآن، فاكتبوها بلسان قريش، فإن القرآن أنزل بلسانهم". ففعلوا" (al-Bukhârî 4699, etc.). "قال الزهري: فاختلفوا يومئذ في التابوت والتابوه، فقال القرشيون: "التابوت"، وقال زيد: "التابوه". فرفع اختلافهم إلى عثمان، فقال: "اكتبوه "التابوت"، فإنه نزل بلسان قريش" (at-Tirmidhî, 3104).
Ce cas relève de la variance des prononciations régionales (a) : la différence entre "tâbûh" et "tâbût" est comparable à la différence existant entre "dhuhâ", "dhuhè" et "dhuhé" ; or si ces 3 prononciations peuvent être lues à partir de l'écrit-socle : "والصحى", il n'en est pas de même de "tabûh" et "tâbût" : on ne peut pas réaliser une graphie qui engloberait les deux à la fois : ici il a donc fallu faire un choix. Ce fut donc la graphie permettant la prononciation qurayshite : "الىاىوت" (sans les deux points diacritiques de la fin), et pas : "الىاىوه".

Il y a des ulémas qui ont ainsi dit que ces variantes établies et n'ayant pas été abrogées par le Prophète ont bel et bien été délaissées à cause du consensus sur l'écriture des copies uthmaniennes. Ibn ul-Jazarî relate le propos de ces ulémas dans ce qui suit : "ومثال القسم الثاني: قراءة عبد الله بن مسعود وأبي الدرداء: "والذكر والأنثى" في {وما خلق الذكر والأنثى}، وقراءة ابن عباس {وكان أمامهم ملك يأخذ كل سفينة صالحة غصبا وأما الغلام فكان كافرا}، ونحو ذلك مما ثبت بروايات الثقات. واختلف العلماء في جواز القراءة بذلك في الصلاة. فأجازها بعضهم لأن الصحابة والتابعين كانوا يقرءون بهذه الحروف في الصلاة، وهذا أحد القولين لأصحاب الشافعي وأبي حنيفة وإحدى الروايتين عن مالك وأحمد. وأكثر العلماء على عدم الجواز، لأن هذه القراءات لم تثبت متواترة عن النبي - صلى الله عليه وسلم -؛ وإن ثبتت بالنقل، فإنها منسوخة بالعرضة الأخيرة، أو بإجماع الصحابة على المصحف العثماني، أو أنها لم تنقل إلينا نقلا يثبت بمثله القرآن، أو أنها لم تكن من الأحرف السبعة؛ كل هذه مآخذ للمانعين. وتوسط بعضهم فقال: إن قرأ بها في القراءة الواجبة - وهي الفاتحة - عند القدرة على غيرها، لم تصح صلاته، لأنه لم يتيقن أنه أدى الواجب من القراءة لعدم ثبوت القرآن بذلك؛ وإن قرأ بها فيما لا يجب، لم تبطل، لأنه لم يتيقن أنه أتى في الصلاة بمبطل لجواز أن يكون ذلك من الحروف التي أنزل عليها القرآن" (An-Nashr).

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Troisième "filtre" : certaines variantes se sont diffusées chez les spécialistes, et d'autres pas :

On trouve mention de ce troisième "filtre" dans ces écrits :
--- Abû Shâmma : "قال الإمام الكبير أبو شامة في مرشده: وقد شاع على ألسنة جماعة من المقرئين المتأخرين وغيرهم من المقلدين أن القراءات السبع كلها متواترة، أي كل فرد فرد ما روي عن هؤلاء الأئمة السبعة؛ قالوا: والقطع بأنها منزلة من عند الله واجب. ونحن بهذا نقول، ولكن فيما اجتمعت على نقله عنهم الطرق واتفقت عليه الفِرَق من غير نكير له، مع أنه شاع واشتهر واستفاض؛ فلا أقل من اشتراط ذلك إذا لم يتفق التواتر في بعضها" (An-Nashr) (par rapport à cette dernière phrase, on peut citer ici cet écrit de Ibn ul-Jazarî : قد شرط بعض المتأخرين التواتر في هذا الركن، ولم يكتف بصحة السند، وزعم أن القرآن لا يثبت إلا بالتواتر، وأن ما جاء مجيء الآحاد لا يثبت به قرآن. وهذا مما لا يخفى ما فيه؛ فإن التواتر إذا ثبت، لا يحتاج فيه إلى الركنين الأخيرين من الرسم وغيره؛ إذ ما ثبت من أحرف الخلاف متواتراً عن النبي صلى الله عليه وسلم، وجب قبوله وقطع بكونه قرآناً، سواء وافق الرسم أم لا! وإذا شرطنا التواتر في كل حرف من حروف الخلاف، انتفى كثير من أحرف الخلاف الثابت عن هؤلاء الأئمة السبعة وغيرهم. ولقد كنت قبل أجنح إلى هذا القول، ثم ظهر فساده وموافقة أئمة السلف والخلف" : An-Nashr) ;
--- as-Subkî : "وقال الإمام العلامة شيخ الشافعية والمحقق للعلوم الشرعية أبو الحسن علي بن عبد الكافي السبكي في شرح المنهاج في صفة الصلاة: فرع: قالوا - يعني أصحابنا الفقهاء -: تجوز القراءة في الصلاة وغيرها بالقراءات السبع ولا تجوز بالشاذة. وظاهر هذا الكلام يوهم أن غير السبع المشهورة من الشواذ، وقد نقل البغوي في أول تفسيره الاتفاق على القراءة بقراءة يعقوب وأبي جعفر مع السبع المشهورة، قال: وهذا القول هو الصواب. واعلم أن الخارج عن السبعة المشهورة على قسمين: منه ما يخالف رسم المصحف؛ فهذا لا شك في أنه لا يجوز قراءته، لا في الصلاة ولا في غيرها؛ ومنه ما لا يخالف رسم المصحف ولم تشتهر القراءة به، وإنما ورد من طريق غريبة لا يعول عليها؛ وهذا يظهر المنع من القراءة به أيضا؛ ومنه ما اشتهر عند أئمة هذا الشأن القراءة به قديما وحديثا؛ فهذا لا وجه للمنع منه؛ ومن ذلك قراءة يعقوب وغيره. قال: والبغوي أولى من يعتمد عليه في ذلك، فإنه مقرئ فقيه جامع للعلوم. قال: وهكذا التفصيل في شواذ السبعة، فإن عنهم شيئا كثيرا شاذا. انتهى" (An-Nashr) ;
--- as-Suyûtî : "الثالث: الآحاد وهو ما صح سنده، و*خالف الرسم أو العربية أو لم يشتهر الاشتهار المذكور. ولا يقرأ به. وقد عقد الترمذي في جامعه والحاكم في مستدركه لذلك بابا أخرجا فيه شيئا كثيرا صحيح الإسناد" (Al-Itqân, pp. 241-242) ; * c'est-à-dire : ولكن.

C'est à cause de ce 3ème filtre qu'on ne peut plus réciter la variante suivante : "لَقَدْ جَاءكُمْ رَسُولٌ مِّنْ أَنفَسِكُمْ" (au lieu de : "لَقَدْ جَاءكُمْ رَسُولٌ مِّنْ أَنفُسِكُمْ") (Coran 9/128), relatée par Ibn Abbâs en tant que variante récitée par le Prophète : "هكذا أخبرني أبو الحسين بن يعقوب الحافظ، أنبأ العباس بن الفضل المقرئ، ثنا إبراهيم بن مهران الأيلي، ثنا علي بن الحسين بن عبد الرحمن الدمشقي، ثنا مسلم بن خالد الزنجي، عن عبد الله بن طاوس، عن أبيه، عن ابن عباس رضي الله عنهما يرفعه إلى النبي صلى الله عليه وسلم قرأ: {لقد جاءكم رسول من أنفَسكم}، يعني: من أعظمكم قدرا" (al-Hâkim, 2945 ; également cité in Al-Itqân, p. 242).
Cette variante est devenue délaissée elle aussi, bien qu'établie du Prophète, et pouvant tout à fait être récitée à partir de la graphie uthmanienne.

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Ces 2 derniers "filtres" ont fait qu'on se tient aujourd'hui à la récitation des variantes relatées par les 10 écoles connues et répandues :

Toutes les variantes que ces 10 écoles rapportent sont acceptées et reconnues par les Spécialistes. Et elles présentent l'avantage d'être codifiées.

Il s'agit des écoles constituées sur la base de l'enseignement des référents (imams) suivants :
– Nâfi' (mort en 169 de l'hégire),
– Ibn Kathîr (mort en 120 de l'hégire),
– Ibn 'Âmir (mort en 118 de l'hégire)
– Abû 'Amr (mort en 154 de l'hégire),
– Hamza (mort en 156 de l'hégire),
– 'Âssim (mort en 127 de l'hégire),
– al-Kissâ'ï (mort en 189 de l'hégire),
– Ya'qûb (mort en 225 de l'hégire),
– Khalaf (mort en 229 de l'hégire),
– et Abû Ja'far (mort en 130 de l'hégire).

Les chaînes de transmission de chacun de ces grands référents remontant jusqu'à tel Compagnon du Prophète sont visibles dans An-Nashr fi-l-qirâ'ât il-'ashar, de Ibn ul-Jazarî.

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Le mot de la fin :

Ibn ul-Jazarî écrit :
"Celui qui pense qu'il n'est pas autorisé à la Umma de délaisser quoi que ce soit des 7 harf, celui-là prétend qu'elles ont perduré, par relation au tawâtur, jusqu'à aujourd'hui, sinon la Umma serait collectivement fautive pour avoir délaissé ce qu'elle a délaissé comme partie de (ces 7 harf) ; (or, dit-il) comment cela (aurait-il vu le jour), alors que la (Umma) est (considérée dans sa totalité) infaillible, ne pouvant pas faire chose semblable.
(Mais) tu vois bien ce que cet avis comporte (qui est problématique). Le fait est que les variantes diffusées aujourd'hui, (enseignées) par les sept, les dix, ou les treize (référents), ne sont qu'une partie de ce qui était diffusé dans les premiers temps ; celui qui a connaissance de ces (variantes) sait cela de façon certaine"
:
"فإن من عنده أنه لا يجوز للأمة ترك شيء من الأحرف السبعة، يدّعي أنها مستمرة النقل بالتواتر إلى اليوم، وإلا، تكون الأمة جميعها عصاة مخطئين في ترك ما تركوا منه، كيف وهم معصومون من ذلك؟
وأنت ترى ما في هذا القول. فإن القراءات المشهورة اليوم عن السبعة والعشرة والثلاثة عشرة بالنسبة إلى ما كان مشهورا في الأعصار الأول، قلّ من كثر، ونزر من بحر؛ فإن من له اطلاع على ذلك، يعرف علمه العلم اليقين" (An-Nashr).

Wallâhu A'lam (Dieu sait mieux).

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