Certaines règles présentes dans le Coran et la Sunna y sont présentées comme faisant suite à une situation particulière : une condition est mentionnée ; ou un qualificatif particulier.
Cet élément particulier est dit : "Qayd" ou "Clause". Ainsi, dans : "وَرَبَائِبُكُمُ اللاَّتِي فِي حُجُورِكُم" : "Et (il vous est interdit d'épouser) vos belles-filles qui sont sous votre tutelle" (Coran 4/23), cette précision, cette nuance : "qui sont sous votre tutelle" s'appelle une Qayd (nous reviendrons sur ce verset plus bas, en 2.2.1).
La Qayd est de plusieurs types.
– Il est des Qayd mentionnées dans le texte du Coran ou de la Sunna qui, bien qu'ayant été évoquées dans ce texte comme étant telle ("qayd"), n'est en fait que l'explicitation de ce qui y a été dit : c'est ce qu'on appelle une Qayd Tawdhîhî (1).
– Les autres Qayd (2) ne sont pas de simples explicitations.
–--- Néanmoins, il y a la Qayd (2.1) qui est toujours présente dans le Réel de la chose en question : c'est ce qu'on appelle une Qayd Wâqi'î.
–--- Et puis il y a des Qayd qui, pour leur part, ne sont pas toujours présentes dans le Réel de la chose : parfois elles y sont présentes, d'autres fois pas (2.2). Cela se ramifie ensuite en deux sous-types :
–----- 2.2.1) Qayd Ittifâqî : son absence n'a pas d'incidence sur la règle, qui demeure, même alors, applicable ;
–----- 2.2.2) Qayd Ihtirâzî : quand elle est absente de la chose dans le réel, la règle stipulée dans le texte est inapplicable.
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– 1) Qayd Tawdhîhî (القيد التوضيحيّ), encore appellée "Sifa Kâshifa" ou "Sifa Mubayyina" (الصفة الكاشفة، أو المُبيِّنة) : Clause ne faisant qu'expliciter, ou mettre l'emphase sur, ce qui a déjà été exprimé :
--- Dans le Coran il est dit : "وَلَا تُكْرِهُوا فَتَيَاتِكُمْ عَلَى الْبِغَاء إِنْ أَرَدْنَ تَحَصُّنًا لِّتَبْتَغُوا عَرَضَ الْحَيَاةِ الدُّنْيَا" : "Et ne contraignez pas vos femmes-esclaves à la prostitution si elles veulent rester chastes, (cela) par recherche de votre part d'un matériel de cette vie basse" (Coran 24/33). A l'époque de la révélation du Coran, l'esclavage existait encore : ce verset s'adresse aux maîtres et leur dit de ne pas forcer leurs femmes-esclaves à se prostituer ; or la clause "si elles veulent rester chastes" n'est que le développement du "ne contraignez pas" : c'est bien lorsqu'elles ne veulent pas qu'il y a caractérisation d'un cas de contrainte.
(Il est évident que même si la femme-esclave était désireuse de se prostituer, le maître n'avait pas le droit de l'employer à cela : les relations intimes hors cadre sont interdites en islam. Si le cas de contrainte a été mentionné, c'est parce que certains maîtres y avaient malheureusement recours : cela est pour sa part une Clause de type Ghâlibî : 2.2.1.)
--- Dans la Sunna il est dit de ne tuer, parmi les serpents, que celui qui a telle caractéristique physique : "عن أبي لبابة، أن النبي صلى الله عليه وسلم قال: "لا تقتلوا الجنان، إلا كل أبتر ذي طفيتين، فإنه يسقط الولد ويذهب البصر، فاقتلوه" (al-Bukhârî, 3134). Ibn Mas'ûd a dit de ne pas tuer le serpent blanc qui est comparable à une baguette d'argent : "عن إبراهيم، عن ابن مسعود، أنه قال: "اقتلوا الحيات كلها، إلا الجان الأبيض الذي كأنه قضيب فضة" (Abû Dâoûd, 5261).
Il est évident que ni l'ordre du Prophète (sur lui soit la paix) de tuer le serpent ayant telle caractéristique, ni la parole de Ibn Mas'ûd disant de ne pas tuer le serpent de telle couleur, ne sont liés à ces seules caractéristiques physiques : en fait le premier était, dans cette région, un serpent dangereux ; tandis que le second était, dans cette région, un serpent inoffensif : les caractéristiques physiques n'en étaient que le descriptif (Sifa Kâshifa), et pas le principe motivant la règle ('illa mu'atthira / manât ul-hukm) (2.2.2).
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--- Lorsque le Prophète (sur lui soit la paix) demanda à Safwân ibn Umayya des cottes de maille qu'il avait, ce dernier, encore non-musulman, lui demanda : "Est-ce une saisie, ô Muhammad ?" Le Prophète lui répondit : "Non, mais plutôt un emprunt ('âriya) pris à charge (madhmûna), jusqu'à ce que nous te les rendions" : "عن ابن إسحاق، حدثني عاصم بن عمر بن قتادة، عن عبد الرحمن بن جابر، عن أبيه جابر بن عبد الله، أن "رسول الله صلى الله عليه وسلم سار إلى حنين"، فذكر الحديث وفيه: "ثم بعث رسول الله صلى الله عليه وسلم إلى صفوان بن أمية فسأله أدراعا عنده، مائة درع وما يصلحها من عدتها، فقال: أغصبا يا محمد؟ فقال: "بل عارية مضمونة حتى نؤديها عليك"، ثم خرج رسول الله صلى الله عليه وسلم سائرا" (al-Bayhaqî dans Al-Kub'râ, 11477 ; al-Hâkim, 4369) (un hadîth voisin mais dha'îf est rapporté par Abû Dâoûd, 3562, Ahmad, 15302).
La chose empruntée par quelqu'un est-elle systématiquement à la charge de cette personne (madhmûn) ? ou bien n'est-elle qu'un dépôt entre ses mains (amâna) ?
Il y a divergence entre les mujtahidûn sur ce sujet, et ce à cause de la question de savoir si, dans ce hadîth, le terme "madhmûna" est une Sifa Kâshifa (1), ou bien une Sifa Muqayyida (2.2.2) ?
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– 2.1) Qayd Wâqi'î (القيد الواقعيّ) : Clause qui est toujours présente dans le Réel :
--- "وَمَن يَدْعُ مَعَ اللَّهِ إِلَهًا آخَرَ لَا بُرْهَانَ لَهُ بِهِ فَإِنَّمَا حِسَابُهُ عِندَ رَبِّهِ إِنَّهُ لَا يُفْلِحُ الْكَافِرُونَ" : "Et celui qui invoque avec Dieu une autre divinité au sujet de laquelle il n'a pas de preuve, alors son compte n'incombera qu'à son Seigneur. Certes, les incroyants ne réussissent pas" (Coran 23/117). Il n'y a jamais de preuve qu'une autre divinité que Dieu existerait : "أَمِ اتَّخَذُوا مِن دُونِهِ آلِهَةً قُلْ هَاتُوا بُرْهَانَكُمْ هَذَا ذِكْرُ مَن مَّعِيَ وَذِكْرُ مَن قَبْلِي بَلْ أَكْثَرُهُمْ لَا يَعْلَمُونَ الْحَقَّ فَهُم مُّعْرِضُونَ" (Coran 21/24) ; "أَإِلَهٌ مَّعَ اللَّهِ قُلْ هَاتُوا بُرْهَانَكُمْ إِن كُنتُمْ صَادِقِينَ" (Coran 27/64) ! Au contraire, il existe des arguments faisant valoir qu'aucune divinité autre que Dieu n'existe : ni autonome par rapport à Lui, ni Lui étant subalterne. La traduction devra donc se faire ainsi : "Et celui qui invoque avec Dieu une autre divinité – pas de preuve auprès de lui à son sujet –, alors son compte n'incombera qu'à son Seigneur. Certes, les incroyants ne réussissent pas" (Coran 23/117).
--- "وَلَا تَقْتُلُوا النَّفْسَ الَّتِي حَرَّمَ اللَّهُ إِلَّا بِالْحَقِّ" : "Et ne tuez pas la personne humaine, que Dieu a rendue sacrée, sauf pour la raison juste" (Coran 6/151 ; Coran 17/33). La double virgule – comme les parenthèses et le double tiret – servent à insérer des éléments que l'on pourrait retrancher de la phrase sans que le sens de celle-ci en soit modifié. Et c'est justement, dans cette traduction en langue française, cette double virgule qui fait ressortir le sens de cette phrase : la personne humaine est sacrée par essence, même si elle est kâfir et même si elle n'a de 'ahd avec aucun groupe de musulmans (pourvu qu'elle ne soit pas en état de harb avec un groupe de musulmans tout en étant une personne combattante, cas où, par rapport à ce groupe précisément, elle n'est plus sacrée par essence, même si, par rapport à un groupe qui est politiquement politiquement du premier et avec qui elle est et reste en 'ahd, elle demeure sacrée).
Seule "la raison juste" fait exception à cette règle : il devient alors soit autorisé, soit obligatoire, de mettre fin à la vie d'une personne humaine précise (cela répondant, même alors, à des règles strictes établies dans les ouvrages de fiqh). Cette "raison juste" consiste en la conséquence d'une agression physique commise par cette personne contre la vie (cas de légitime défense), ou d'un état de guerre (harb) en ce qui concerne les hommes combattants ; ou encore de certains délits très graves (cela valant uniquement pour les habitants de la Dâr ul-islâm où les peines y correspondant sont appliquées par l'exécutif).
Différemment de ce qui ressort de ce que certains illustres commentateurs ont écrit ("وهذه الآية نهي عن قتل النفس المحرمة، مؤمنة كانت أو معاهدة، إلا بالحق الذي يوجب قتلها" : Tafsîr ul-Qurtubî sur Coran 6/151 ; "ولا تقتلوا النفس التي حرم الله إلا بالحق} حرم الله تعالى قتل المؤمن والمعاهد {إلا بالحق}، أي: إلا بما أبيح قتله" : Tafsîr ul-Baghawî sur Coran 6/151 ; "والمراد بـ{التي حرم الله}: التي جعلها معصومة بعصمة الدين أو عصمة العهد؛ والمراد بـ{الحق} الذي استثناه: هو ما يباح به قتل الأنفس المعصومة في الأصل" : Fat'h ul-Qadîr sur Coran 17/33), ces cas ne font pas exception en ce qui concerne les personnes sacrées, lesquelles seraient seulement les muslim et les kâfir mu'âhid : ces cas font exception par rapport à la personne humaine tout court, laquelle en perd alors son caractère sacré : c'est cette perte du caractère sacré de telle(s) personne(s), due à l'un de ces cas, qui, justement, entraîne que le ou les individus précis et qui sont concernés peuvent – ou dans d'autres cas doivent – s'en prendre à cette(ces) personne(s) : c'est bien ce que dit le hadîth suivant (d'après l'une de ses interprétations) : le musulman ayant assassiné un autre musulman en perd son caractère de personne sacrée : "لا تقتله، فإن قتلته فإنه بمنزلتك قبل أن تقتله، وإنك بمنزلته قبل أن يقول كلمته التي قال" : "Ne le tue pas. Car si tu le tues, il est (alors) comme toi avant que tu le tues ; et tu seras comme il (était) avant qu'il prononce la parole qu'il a prononcée" (al-Bukhârî, 3794, Muslim, 95) ; "اختلف في معناه؛ فأحسن ما قيل فيه وأظهره ما قاله الامام الشافعى وابن القصار المالكي وغيرهما أن معناه: فإنه معصوم الدم محرم قتله بعد قوله "لا إله إلا الله"، كما كنت أنت قبل أن تقتله؛ وإنك بعد قتله غير معصوم الدم ولا محرم القتل، كما كان هو قبل قوله "لا إله الا الله". قال ابن القصار: يعني لولا عذرك بالتأويل المسقط للقصاص عنك" (Shar'h Muslim, an-Nawawî, 2/106). C'est la même chose d'après l'école hanafite si le musulman a assassiné un dhimmî.
Voici donc une proposition de commentaire de cette phrase coranique : "وَلَا تَقْتُلُوا النَّفْسَ الَّتِي حَرَّمَ اللَّهُ إِلَّا بِالْحَقِّ} : أي {ولا تقتلوا النفس}، فإنها حرام بأنّه {حرّم الله} قتلها؛ فلا يُشرَع قتل أيّة نفس {إلا بالحق}: وذلك إذا ارتكبتْ ما تصير بها غير محرّمة القتل.
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– 2.2.1) Qayd Ittifâqî (القيد الاتفاقيّ) (elle est souvent : Qayd Ghâlibî : قيد غالبيّ) : Clause présente dans le Texte et qui, dans le Réel, n'est pas toujours présente ; cependant, son absence dans le Réel n'a pas d'incidence sur la Règle, laquelle demeure toujours applicable :
--- "وَرَبَائِبُكُمُ اللاَّتِي فِي حُجُورِكُم مِّن نِّسَآئِكُمُ اللاَّتِي دَخَلْتُم بِهِنَّ فَإِن لَّمْ تَكُونُواْ دَخَلْتُم بِهِنَّ فَلاَ جُنَاحَ عَلَيْكُمْ" : "Et (il vous est interdit d'épouser) vos belles-filles qui sont sous votre tutelle, (et qui sont filles) de vos femmes auprès de qui vous vous êtes rendues [et dont vous avez ensuite divorcé]. Si vous ne vous étiez pas rendues auprès de ces (femmes que vous aviez épousées), alors [si vous divorcez d'elles] pas de grief sur vous (à vous marier avec une de leurs filles)" (Coran 4/23). Du moment que l'homme s'est rendu auprès de la femme qu'il a épousée (dukhûl bihâ), la fille que celle-ci avait eu d'un précédent mariage devient interdite de mariage pour lui (cela concernant bien entendu le cas où il divorcerait de cette femme) ; et ce même si la fille de celle-ci n'a jamais vécu dans le même foyer que celui de sa mère et de son beau-père. "قوله تعالى: {وربائبكم} الربيبة: بنت امرأة الرجل من غيره. ومعنى الربيبة: مربوبة، لأن الرجل يربيها. وخرج الكلام على الأعم من كون التربية في حجر الرجل، لا على الشرط" (Zâd ul-massîr) (Dâoûd az-zâhirî dit le contraire).
--- "وَإِذَا ضَرَبْتُمْ فِي الأَرْضِ فَلَيْسَ عَلَيْكُمْ جُنَاحٌ أَن تَقْصُرُواْ مِنَ الصَّلاَةِ إِنْ خِفْتُمْ أَن يَفْتِنَكُمُ الَّذِينَ كَفَرُواْ إِنَّ الْكَافِرِينَ كَانُواْ لَكُمْ عَدُوًّا مُّبِينًا" : "Et lorsque vous parcourez la Terre, alors pas de grief à ce que vous raccourcissiez des prières rituelles si vous craignez que ceux qui ont mécru vous attaquent*. Ces incroyants sont pour vous un ennemi déclaré" (Coran 4/101) (* "شريطة باعتبار الغالب في ذلك الوقت، ولذلك لم يعتبر مفهومها. كما لم يعتبر في قوله تعالى: {فَإِنْ خِفْتُمْ أَلَّا يُقِيما حُدُودَ اللَّهِ فَلا جُناحَ عَلَيْهِما فِيمَا افْتَدَتْ بِهِ}.وقد تظاهرت السنن على جوازه أيضاً في حال الأمن. وقرئ {من الصلاة أن يفتنكم} بغير {إن خفتم} بمعنى "كراهة أن يفتنكم". وهو القتال والتعرض بما يكره" : Tafsîr ul-Baydhâwî). Même lorsque cette clause n'est pas présente et que les chemins sont sûrs, le raccourcissement de la prière constituée de 4 cycles est institué (mashrû') : ce raccourcissement est : soit autorisé, soit recommandé, soit obligatoire (selon les avis divergents existant sur le sujet). C'est le Messager de Dieu (صلى الله عليه وسلم) qui l'a dit à Omar ibn ul-Khattâb (رضي الله عنه) lorsque celui-ci lui a fait la remarque qu'ils continuaient à raccourcir les prières lors de déplacements faits en régions pacifiées : "عن يعلى بن أمية، قال: قلت لعمر بن الخطاب: "إنما قال الله: {أن تقصروا من الصلاة إن خفتم أن يفتنكم}؛ وقد أمن الناس!" فقال عمر: "عجبت مما عجبت منه، فذكرت ذلك لرسول الله صلى الله عليه وسلم، فقال: "صدقة تصدق الله بها عليكم، فاقبلوا صدقته". هذا حديث حسن صحيح" (at-Tirmidhî, 3134, Abû Dâoûd, 1199).
--- "وَمَن لَّمْ يَسْتَطِعْ مِنكُمْ طَوْلاً أَن يَنكِحَ الْمُحْصَنَاتِ الْمُؤْمِنَاتِ فَمِن مِّا مَلَكَتْ أَيْمَانُكُم مِّن فَتَيَاتِكُمُ الْمُؤْمِنَاتِ وَاللّهُ أَعْلَمُ بِإِيمَانِكُمْ بَعْضُكُم مِّن بَعْضٍ فَانكِحُوهُنَّ بِإِذْنِ أَهْلِهِنَّ وَآتُوهُنَّ أُجُورَهُنَّ بِالْمَعْرُوفِ مُحْصَنَاتٍ غَيْرَ مُسَافِحَاتٍ وَلاَ مُتَّخِذَاتِ أَخْدَانٍ فَإِذَا أُحْصِنَّ فَإِنْ أَتَيْنَ بِفَاحِشَةٍ فَعَلَيْهِنَّ نِصْفُ مَا عَلَى الْمُحْصَنَاتِ مِنَ الْعَذَابِ ذَلِكَ لِمَنْ خَشِيَ الْعَنَتَ مِنْكُمْ وَأَن تَصْبِرُواْ خَيْرٌ لَّكُمْ وَاللّهُ غَفُورٌ رَّحِيمٌ" : "Et celui d'entre vous qui ne peut pas, en terme de moyen, épouser les femmes libres croyantes, alors (qu'il épouse) de ce que vos mains possèdent : les femmes esclaves croyantes – et Dieu est plus sachant de votre foi – ; l'un d'entre vous est du (même groupe religieux) qu'un autre. Epousez-les donc avec l'autorisation de leur maître, et donnez-leur leur douaires de façon convenable, étant épousées, non pas débauchées ni preneuses d'amants" (Coran 4/25).
----- D'après l'école hanafite, cette clause ("Et celui d'entre vous qui ne peut pas, en terme de moyen, épouser les femmes libres croyantes") est seulement Ittifâqî : le verset veut dire que l'homme qui n'a pas les capacité financières d'entretenir une femme libre devrait – pour mettre de son côté le maximum de chances de rester chaste – se marier quand même : il pourrait ainsi épouser au moins une femme esclave, même si cela n'entraîne pas exactement les mêmes choses que ce qu'entraîne le fait d'épouser une femme libre ;
----- En revanche, d'après l'école shafi'ite, cette clause a valeur de condition sine qua non, Ihtirâzî : celui qui, a contrario, a la capacité financière d'épouser une femme libre ne doit pas épouser une esclave (appartenant forcément à quelqu'un d'autre).
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– 2.2.2) Qayd Ihtirâzî (القيد الاحترازيّ), encore appelée "Sifa Muqayyida" (الصفة المقيِّدة) : Clause sine qua non. Clause pas toujours présente dans le Réel, et dont l'absence dans le Réel entraîne la non-applicabilité de la Règle. La Clause a donc valeur d'exclusive :
--- "وَحَلاَئِلُ أَبْنَائِكُمُ الَّذِينَ مِنْ أَصْلاَبِكُمْ" : "Et (il vous est interdit d'épouser) les (anciennes) épouses de vos fils qui sont issus de vos dos" (Coran 4/23) : cette clause a pour effet d'exclure les "fils" par adoption. "قوله تعالى: {الذين من أصلابكم} تخصيص ليخرج عنه كل من كانت العرب تتبناه ممن ليس للصلب. (...) وحرمت حليلة الابن من الرضاع - وإن لم يكن للصلب - بالإجماع المستند إلى قوله عليه السلام: "يحرم الرضاع ما يحرم من النسب" (Tafsîr ul-Qurtubî).
--- "وَمَا كَانَ لِمُؤْمِنٍ أَن يَقْتُلَ مُؤْمِنًا إِلاَّ خَطَئًا وَمَن قَتَلَ مُؤْمِنًا خَطَئًا فَتَحْرِيرُ رَقَبَةٍ مُّؤْمِنَةٍ وَدِيَةٌ مُّسَلَّمَةٌ إِلَى أَهْلِهِ إِلاَّ أَن يَصَّدَّقُواْ فَإِن كَانَ مِن قَوْمٍ عَدُوٍّ لَّكُمْ وَهُوَ مْؤْمِنٌ فَتَحْرِيرُ رَقَبَةٍ مُّؤْمِنَةٍ وَإِن كَانَ مِن قَوْمٍ بَيْنَكُمْ وَبَيْنَهُمْ مِّيثَاقٌ فَدِيَةٌ مُّسَلَّمَةٌ إِلَى أَهْلِهِ وَتَحْرِيرُ رَقَبَةٍ مُّؤْمِنَةً فَمَن لَّمْ يَجِدْ فَصِيَامُ شَهْرَيْنِ مُتَتَابِعَيْنِ تَوْبَةً مِّنَ اللّهِ وَكَانَ اللّهُ عَلِيمًا حَكِيمًا" :
"Et un croyant n'a pas à tuer un croyant ; cela ne peut advenir que par erreur.
– Et celui qui a tué un croyant par erreur, alors : libération d'un esclave croyant, et dédommagement remis à la famille de (la victime), sauf si celle-ci en fait la charité.
– Ensuite si (la victime) fait partie d'un groupe qui est ennemi pour vous, et qu'il est croyant, alors libération d'un esclave croyant.
– Et si (la victime) fait partie d'un groupe entre vous et lequel existe un pacte, alors dédommagement remis à la famille de (la victime) et libération d'un esclave croyant.
Celui qui n'(en) trouve pas, alors jeûne de deux mois consécutifs, par repentir (accordé) par Dieu. Et Dieu est Savant, Sage" (Coran 4/92).
La première Qayd ("par erreur") est Ihtirâzî (2.2.2) : cette règle ne vaut que pour les cas d'entraînement involontaire de la mort. (Sauf chez l'école shafi'ite, qui a procédé à l'analogie - qiyâs - de l'assassinat – ce qui a été fait volontairement – par rapport au cas ici stipulé de l'entraînement involontaire de la mort : dans tous les cas où un geste a entraîné la mort d'un homme, la kaffâra est obligatoire d'après l'école shafi'ite.)
Chez tout le monde, la Qayd de croyance stipulée ici au sujet du Mahkûm bihî ("un esclave croyant") est nécessaire.
--- "أَسْكِنُوهُنَّ مِنْ حَيْثُ سَكَنتُم مِّن وُجْدِكُمْ وَلَا تُضَارُّوهُنَّ لِتُضَيِّقُوا عَلَيْهِنَّ وَإِن كُنَّ أُولَاتِ حَمْلٍ فَأَنفِقُوا عَلَيْهِنَّ حَتَّى يَضَعْنَ حَمْلَهُنَّ فَإِنْ أَرْضَعْنَ لَكُمْ فَآتُوهُنَّ أُجُورَهُنَّ وَأْتَمِرُوا بَيْنَكُم بِمَعْرُوفٍ وَإِن تَعَاسَرْتُمْ فَسَتُرْضِعُ لَهُ أُخْرَى لِيُنفِقْ ذُو سَعَةٍ مِّن سَعَتِهِ وَمَن قُدِرَ عَلَيْهِ رِزْقُهُ فَلْيُنفِقْ مِمَّا آتَاهُ اللَّهُ لَا يُكَلِّفُ اللَّهُ نَفْسًا إِلَّا مَا آتَاهَا سَيَجْعَلُ اللَّهُ بَعْدَ عُسْرٍ يُسْرًا" : "Logez-la là où vous logez, selon votre capacité. Et ne leur faites pas du tort afin de les mettre en difficulté. Et si elles sont enceintes, alors subvenez à leurs besoins jusqu'à ce qu'elles déposent ce qu'elles portent. Puis, si elles allaitent pour vous, donnez-leur leur salaire. Et concertez-vous entre vous, selon la bienséance. Si vous rencontrez des difficultés réciproques, alors une autre allaitera pour lui. Qu'un homme aisé dépense de son aisance ! et celui dont la subsistance a été restreinte (par Dieu), qu'il dépense de ce que Dieu lui a donné ! Dieu ne charge une âme qu'à la mesure de ce qu'Il lui a donné ; Dieu accordera, après une difficulté, une facilité" (Coran 65/6-7).
----- Soit la Qayd "si elles sont enceintes" est Ihtirâzî par rapport au devoir de Nafaqa* tout court, en ce qui concerne la mutallaqa mabtûta : la règle du devoir de nafaqa ne concerne, parmi les mutallaqât mabtûta, que la hâmil ; et pas la hâ'ïl. C'est l'avis des écoles malikite, shafi'ite et hanbalite. (* Nafaqa : subvenir financièrement aux besoins de la dame.)
----- Soit cette Qayd est Ihtirâzî par rapport au devoir de Nafaqa jusqu'au délai d'accouchement, en ce qui concerne la mutallaqa (qu'elle soit mabtûta ou raj'iyya) : le propos focalise alors non pas sur : "dépensez pour elles", mais sur : "jusqu'à ce qu'elles déposent ce qu'elles portent". Cette phrase implique alors que toute divorcée a droit à la nafaqa pendant son délai de viduité ; cependant, le délai de la divorcée enceinte étant bien souvent plus long que celui la divorcée non-enceinte (3 périodes menstruelles), il a été dit dans ce verset qu'il faudra veiller à dépenser pour elle jusqu'à ce qu'elle accouche, même si cela dure beaucoup plus que 3 mois. Le principe motivant (manât) de l'obligation pour le mari de fournir suknâ (logis) et nafaqa (nourriture) est le fait que cette dame est maintenue sans pouvoir se remarier, à cause du mari : ce dernier lui doit alors suknâ et nafaqa, et ce même s'il ne peut plus la reprendre. C'est ainsi que Omar ibn ul-Khattâb a compris ce passage, et l'école hanafite l'a suivi sur ce point.
Ce cas a été évoqué plus en détail dans mon article consacré au texte particulier par rapport au texte général.
Wallâhu A'lam (Dieu sait mieux).