Certains hadîths authentiques disent que les père et mère du prophète Muhammad (que Dieu le rapproche de Lui et le salue) sont dans le Feu :
--- le hadîth concernant son père : "حدثنا أبو بكر بن أبي شيبة، حدثنا عفان، حدثنا حماد بن سلمة، عن ثابت، عن أنس، أن رجلا قال: "يا رسول الله، أين أبي؟" قال: "في النار". فلما قفى دعاه، فقال: "إن أبي وأباك في النار" (Muslim, 203) ;
--- celui concernant sa mère : "عن بريدة قال: كنا مع النبي صلى الله عليه وسلم، فنزل بنا ونحن معه قريب من ألف راكب فصلى ركعتين، ثم أقبل علينا بوجهه وعيناه تذرفان. فقام إليه عمر بن الخطاب ففداه بالأب والأم يقول: "يا رسول الله ما لك؟" قال: "إني سألت ربي في استغفار لأمي، فلم يأذن لي، فدمعت عيناي رحمة لها من النار. وإني كنت نهيتكم عن ثلاث؛ عن زيارة القبور، فزوروها لتذكركم زيارتها خيرا؛ ونهيتكم عن لحوم الأضاحي بعد ثلاث، فكلوا وأمسكوا ما شئتم؛ ونهيتكم عن الأشربة في الأوعية، فاشربوا في أي وعاء شئتم ولا تشربوا مسكرا"" (Ahmad, 23003).
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Or certains coreligionnaires affirment au sujet de ces hadîths qu'ils sont faux, car les parents du Prophète (sur lui soit la paix) ne sauraient être des polycultistes (mushrik). Ces frères ajoutent : "Ces hadîths ont été inventés par les Banû Umayya qui étaient au pouvoir, ou par gens à la solde de ces Banû Umayya, et ce afin de rabaisser les Banû Hâshim par rapport au haut degré véritable qui était le leur, car les Umayyades étaient en conflit lié au pouvoir califal avec des Banû Hâshim descendants de 'Alî ibn Abî Tâlib ; or ceux-ci étaient le clan de 'Alî ibn Abî Tâlib en même temps que celui du Prophète, صلى الله عليه وسلم."
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Or tout ce raisonnement repose sur le postulat (mussallam) suivant :
--- "Affirmer que les parents du Prophète étaient mushrik et sont morts dans le kufr, cela constitue un manque de respect au Prophète (sur lui soit la paix)".
C'est à partir de cette idée que ces frères ont déduit que tout hadîthu wâhidin disant le contraire ne peut être que faux.
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Le problème c'est que cette idée leur servant de postulat ne repose sur rien de solide.
Elle a été certes été avancée entre autres par as-Suyûtî, mais elle ne résiste pas à l'étude approfondie, comme l'a démontré Mullâ 'Alî al-qârî dans un livret spécialement consacré à ce point : "أدلة معتقد أبي حنيفة الأعظم في أبوي الرسول عليه الصلاة والسلام" : "Les preuves de la croyance du grand Abû Hanîfa au sujet des père et mère du Messager - que le salât et le salâm soient sur lui".
Ce que Mullâ 'Alî al-Qârî évoque sous la formule "la croyance de Abû Hanîfa", est ce qu'il relate être ainsi formulé dans Al-Fiqh ul-Akbar (livre attribué à Abû Hanîfa) : "Et les deux parents du Messager de Dieu - que Dieu le rapproche de Lui et le salue - sont morts dans le kufr" (on ne trouve cependant pas cette phrase dans toutes les éditions dudit livre). 'Alî al-qârî écrit donc dans ce livret : "قد قال الإمام الأعظم والهمام الأقدم في كتابه المعتبر المعبر بـ"الفقه الأكبر" ما نصه: "ووالدا رسول الله صلى الله عليه وسلم ماتا على الكفر". فقال شارحه: هذا رد على من قال بأن والدي رسول الله صلى الله عليه وسلم ماتا على الإيمان، وعلى من قال: "ماتا على الكفر ثم رسول الله صلى الله عليه وسلم دعا الله لهما فأحياهما الله وأسلما ثم ماتا على الإيمان" (Addilatu mu'taqadi Abî Hanîfa, p. 62).
Dans ce livret, 'Alî al-Qârî exprime tout son respect pour as-Suyûtî, les compétences et l'oeuvre de celui-ci, mais, en même temps, son étonnement devant les déductions un peu hasardeuses que as-Suyûtî a faites sur cette question : "وقد أطنب الشيخ رحمه الله في منقبته. وهو كذلك في حد ذاته وصفاته، مع استحقاق زيادة في تزكيته لأنه صنف في كل صنف من العلوم الشرعية كالتفسير والحديث والفقه والآلات العربية. إلا أنه في هذه الرسالة عمل عمل العطارين في تكبير النوالة وتكثير الحوالة، ولم ينظر إلى كلام العلماء المتقدمين والأئمة المعتبرين الذين هم الأطباء والحكماء في نظر الخواص والعوام أجمعين" (Addilatu mu'taqadi Abî Hanîfa, p. 131).
Il écrit également que as-Suyûtî s'est contredit, affirmant tantôt que les parents du Prophète sont sauvés parce qu'étant les parents du Prophète (sur lui soit la paix), ou bien parce qu'étant des Ahl ul-Fat'ra ; tantôt que, étant parmi Ahl ul-Fat'ra, ils seront mis à l'épreuve le jour de la résurrection, et on pense qu'ils réussiront alors à cette épreuve ; tantôt encore qu'un hadîth - que as-Suyûtî lui-même reconnaît être au moins dha'îf - dit que les parents du Prophète sont bel et bien morts kâfir mais, après leur mort, ont été ressuscités et ont apporté foi, puis sont retournés à l'état de mort. "فتارة يقول: "إنهما مؤمنان من أصلهما، فإنهما من أهل الفترة" أو: "لكونهما من آباء أرباب النبوة"؛ وأخرى يقول: "إنهما كانا كافرين لكنهما أحياهما الله وآمنا"؛ ومرة يقول: "ما كانا مؤمنين وما كانا كافرين، بل كانا في مرتبة المجانين جاهلين فيمتحنان يوم القيامة"، وبالظن يحكم أنهما ناجيان. فانظر إلى هذه المعارضات الواضحة والمناقضات اللائحة. فهل تثبت المسائل الاعتقادية بأمثال هذه الاحتمالات العقلية" (Ibid., p. 133).
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Le père de Abraham (sur lui soit la paix) était un polycultiste, et est mort polycultiste :
Le prophète Muhammad (sur lui soit la paix) est le plus grand des prophètes. En seconde position, c'est le prophète Abraham (sur lui soit la paix). Puis c'est le prophète Moïse ; ensuite Jésus ; ensuite Noé (sur eux soit la paix). "ولا خلاف أن محمدا صلى الله عليه وسلم أفضلهم. ثم بعده إبراهيم، ثم موسى على المشهور. وقد بسطنا هذا بدلائله في غير هذا الموضع، والله الموفق" (Tafsîr Ibn Kathîr, commentaire de Coran 17/55). "خيار ولد آدم خمسة: نوح وإبراهيم وموسى وعيسى ومحمد؛ وخيرهم محمد". وهم أولو العزم. وأفضلهم بعد محمد إبراهيم؛ نقل بعضهم الإجماع عليه؛ وفي الصحيح: "خير البرية إبراهيم"؛ خص منه النبي صلى الله عليه وسلم، فبقي على عمومه فيه. قال المصنف في النهاية: "ولم أقف على نقل أيهم أفضل؛ وينقدح تفضيل موسى - أي لاختصاصه بالكلام -، فعيسى، فنوح" اه. وفاته أن الفخر الرازي حكى الإجماع على تقديم موسى وعيسى على نوح، فإنه قال في أسرار التنزيل: "لا نزاع في أن أفضل الأنبياء والرسل هؤلاء الأربعة محمد وإبراهيم وموسى وعيسى اه بلفظه" (Faydh ul-qadîr, commentaire du hadîth 6621).
Or le Coran dit explicitement que Âzar, qui était "أب" de Abraham, était polycultiste :
"وَإِذْ قَالَ إِبْرَاهِيمُ لأَبِيهِ آزَرَ أَتَتَّخِذُ أَصْنَامًا آلِهَةً إِنِّي أَرَاكَ وَقَوْمَكَ فِي ضَلاَلٍ مُّبِينٍ" (Coran 6/74).
"وَاذْكُرْ فِي الْكِتَابِ إِبْرَاهِيمَ إِنَّهُ كَانَ صِدِّيقًا نَّبِيًّا إِذْ قَالَ لِأَبِيهِ يَا أَبَتِ لِمَ تَعْبُدُ مَا لَا يَسْمَعُ وَلَا يُبْصِرُ وَلَا يُغْنِي عَنكَ شَيْئًا يَا أَبَتِ إِنِّي قَدْ جَاءنِي مِنَ الْعِلْمِ مَا لَمْ يَأْتِكَ فَاتَّبِعْنِي أَهْدِكَ صِرَاطًا سَوِيًّا يَا أَبَتِ لَا تَعْبُدِ الشَّيْطَانَ إِنَّ الشَّيْطَانَ كَانَ لِلرَّحْمَنِ عَصِيًّا يَا أَبَتِ إِنِّي أَخَافُ أَن يَمَسَّكَ عَذَابٌ مِّنَ الرَّحْمَن فَتَكُونَ لِلشَّيْطَانِ وَلِيًّا قَالَ أَرَاغِبٌ أَنتَ عَنْ آلِهَتِي يَا إِبْراهِيمُ لَئِن لَّمْ تَنتَهِ لَأَرْجُمَنَّكَ وَاهْجُرْنِي مَلِيًّا قَالَ سَلَامٌ عَلَيْكَ سَأَسْتَغْفِرُ لَكَ رَبِّي إِنَّهُ كَانَ بِي حَفِيًّا وَأَعْتَزِلُكُمْ وَمَا تَدْعُونَ مِن دُونِ اللَّهِ وَأَدْعُو رَبِّي عَسَى أَلَّا أَكُونَ بِدُعَاء رَبِّي شَقِيًّا" (Coran 19/41-48).
"وَمَا كَانَ اسْتِغْفَارُ إِبْرَاهِيمَ لِأَبِيهِ إِلاَّ عَن مَّوْعِدَةٍ وَعَدَهَا إِيَّاهُ فَلَمَّا تَبَيَّنَ لَهُ أَنَّهُ عَدُوٌّ لِله تَبَرَّأَ مِنْهُ إِنَّ إِبْرَاهِيمَ لأوَّاهٌ حَلِيمٌ" (Coran 9/114).
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On voit donc mal comment justifier le principe qui veut que le père d'un prophète ne saurait être mushrik...
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La seule solution dans le cas de Abraham serait d'avoir recours à une Ta'wîl désireuse de faire passer le terme "Abî-hi" (employé par Dieu quant à la parenté existant entre Abraham et Âzar) comme signifiant non pas : "son père", mais : "son oncle paternel".
Or, s'il est vrai que le terme "أب" peut parfois, au sens figuré, désigner "l'oncle paternel", dans le cas de Abraham cette tentative est erronée.
--- Primo parce que le Coran relate que Abraham a dit plusieurs fois à Âzar : "يا أبت" ; or ceci ne s'applique pas du tout à un oncle paternel.
--- Secundo, dans le cas du propos des fils d'Israël à leur père Jacob-Israël : "نَعْبُدُ إِلَهَكَ وَإِلَهَ آبَائِكَ إِبْرَاهِيمَ وَإِسْمَاعِيلَ وَإِسْحَقَ إِلَهًا وَاحِدًا" (Coran 2/133), ils ont certes compté Ismaël parmi les "آبَاء" de Jacob - alors qu'il est seulement l'oncle paternel de ce dernier -, mais cela aux côtés du père véritable de celui-ci - Isaac - ainsi que du grand-père paternel - Abraham ('alayhimu-s-salâm) ! Or ce n'est pas le cas dans le Coran pour Abraham, dont Âzar est bien dit : "son père" en étant mentionné seul.
La seule question qui se pose ici c'est de savoir comment le père de Abraham s'appelait-il : "Térah" (comme le dit la Torah) ? ou bien : "Âzar" (comme le dit le Coran) ?
En réponse :
--- certains commentateurs ont proposé que son nom était "Térah" alors que "Âzar" était son surnom (laqab / na't) ;
--- d'autres qu'il avait deux noms : "Térah" et "Âzar" ;
--- Cheikh Abd ur-Rahîm Vaniyambadi avance que les Arabes avaient, avant la venue de l'islam, opéré des transformations phoniques dans le nom "Térah", lequel était devenu chez eux : "Âzar", et c'est pourquoi le Coran a employé le nom qu'ils connaissaient (comme c'est ce qui est dit au sujet de "Yassû'" et "'Îssâ" : les Arabes avaient procédé à une transformation phonique : le qalb) ;
--- Abû Sa'da avance pour sa part que "Âzar" n'est que la traduction, en arabe, de la signification du nom hébreu "Térah" - "تارَح" ou "طارَح" - : ce dernier signifie en fait : "الحمول المُحمَّل", rendu dans le Coran par : "آزر" (avec la même racine que "أَزْر", qui signifie "dos").
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En tous cas, le Coran montre bien que le père de Abraham - Âzar / Térah - était mushrik et est mort mushrik.
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Voilà qui suffit à invalider l'idée que les parents d'un grand prophète ne peuvent pas être mushrik.
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Le prophète Muhammad (que Dieu le rapproche de Lui et le salue) aurait-il une particularité sur ce point précis ?
Certes, il arrive que le particulier ait une spécificité que celui qui est moins particulier n'a pas. En d'autres termes : Quelqu'un pourrait affirmer ici que le prophète Muhammad (sur lui soit la paix) a, contrairement au prophète Abraham (sur lui soit la paix), comme spécificité qu'il lui est garanti que ses parents, voire tous ses ancêtres, ne sont pas mushrik.
Or, si cela relève certes du domaine de ce qui est théoriquement possible, en revanche aucune spécificité de ce genre ne figure dans le Coran : il n'y est nulle part dit que les parents du prophète Muhammad (sur lui soit la paix) sont croyants.
S'il y a quelque chose, c'est la sabab un-nuzûl qui est relatée de Muhammad ibn Ka'b al-qurazî quant à une qirâ'ah du verset suivant : "إِنَّا أَرْسَلْنَاكَ بِالْحَقِّ بَشِيرًا وَنَذِيرًا وَلاَ تَسْأَلْ عَنْ أَصْحَابِ الْجَحِيمِ" (Coran 2/119), laquelle sabab un-nuzûl tendrait à induire, tout au contraire, que les parents du prophète Muhammad (sur lui soit la paix) étaient incroyants : "حدثنا أبو كريب قال، حدثنا وكيع، عن موسى بن عبيدة، عن محمد بن كعب قال، قال رسول الله صلى الله عليه وسلم: "ليت شعري ما فعل أبواي؟" فنزلت: {ولا تَسْأَلْ عن أصحاب الجحيم}. حدثنا الحسن بن يحيى قال، أخبرنا عبد الرزاق قال، أخبرنا الثوري، عن موسى بن عبيدة عن محمد بن كعب القرظي قال، قال رسول الله صلى الله عليه وسلم: "ليت شعري ما فعل أبواي؟ ليت شعري ما فعل أبواي؟ ليت شعري ما فعل أبواي؟" ثلاثا، فنزلت: {إنا أرسلناك بالحق بشيرا ونذيرا ولا تَسْأَلْ عن أصحاب الجحيم}. فما ذكرهما حتى توفاه الله" (Tafsîr ut-Tabarî, 1875 et 1876). Mais cette sabab un-nuzûl n'est pas établie : l'une des deux chaînes en est mu'dhal, et l'autre est de toutes façons mursal (voir la tahqîq de Cheikh Mash'hûr sur le sujet : note de bas de page sur Adillatu mu'taqadi Abî hanîfa, p. 65).
Certes, un hadîth rapporté par al-Bukhârî existe dont le Zâhir pourrait - d'après une de ses deux interprétations - signifier que tous les ancêtres du Prophète Muhammad - sur lui soit la paix - étaient croyants : "عن أبي هريرة رضي الله عنه أن رسول الله صلى الله عليه وسلم، قال: "بعثت من خير قرون بني آدم قرنا فقرنا حتى كنت من القرن الذي كنت فيه" : "J'ai été suscité [à chaque fois] parmi le meilleur des générations des fils de Adam, génération après génération, jusqu'à ce que je [naisse] dans la génération dans laquelle je suis" (al-Bukhârî 3364). Si on retient l'interprétation selon laquelle ce hadîth a ici parlé de génération dans le sens vertical du terme, à savoir les ascendants : "والمراد بالبعث تقلبه في أصلاب الآباء أبا فأبا قرنا فقرنا، حتى ظهر في القرن الذي وجد فيه، يعني انتقلت أولا من صلب ولد إسماعيل، ثم من كنانة، ثم من قريش، ثم من بني هاشم، فالفاء في قوله: "قرنا" للترتيب على سبيل الترقي من الآباء الأبعد إلى الأقرب فالأقرب" (Mirqât ul-mafâtîh, 10/419, n. é.) (et non pas l'interprétation selon laquelle ce hadîth a plutôt parlé de génération dans le sens horizontal, à savoir le groupe de ceux qui devaient devenir ses Compagnons), alors le Zâhir de ce hadîth pourrait signifier que les ancêtres du Prophète Muhammad (sur lui soit la paix) ont tous été "Khayr" au sens de "mu'min".
Le problème c'est que le même al-Bukhârî a rapporté un autre hadîth qui montre on ne peut plus clairement que la Milla de Abd ul-Muttalib, grand-père paternel du Prophète, était le Shirk : "حدثنا أبو اليمان، أخبرنا شعيب، عن الزهري، قال: أخبرني سعيد بن المسيب، عن أبيه، قال: لما حضرت أبا طالب الوفاة، جاءه رسول الله صلى الله عليه وسلم فوجد عنده أبا جهل وعبد الله بن أبي أمية بن المغيرة. فقال: "أي عم، قل: لا إله إلا الله، كلمة أحاج لك بها عند الله." فقال أبو جهل وعبد الله بن أبي أمية: "أترغب عن ملة عبد المطلب؟" فلم يزل رسول الله صلى الله عليه وسلم يعرضها عليه، ويعيدانه بتلك المقالة، حتى قال أبو طالب آخر ما كلمهم: "على ملة عبد المطلب"، وأبى أن يقول: لا إله إلا الله. قال: قال رسول الله صلى الله عليه وسلم: "والله لأستغفرن لك ما لم أنه عنك." فأنزل الله: {ما كان للنبي والذين آمنوا أن يستغفروا للمشركين} وأنزل الله في أبي طالب فقال لرسول الله صلى الله عليه وسلم: {إنك لا تهدي من أحببت ولكن الله يهدي من يشاء" (al-Bukhârî, 4494) (également rapporté par Muslim, 24).
Il n'est pas possible de arbitrairement rejeter un Hadîth rapporté par al-Bukhârî et étant explicite quant au fait que 'Abd ul-Muttalib était polycultiste, et ce parce que son contenu ne nous plaît pas, et, par contre, accepter un Hadîth rapporté par le même Bukhârî, seulement parce que son Zâhir - et encore, cela seulement d'après l'une des deux interprétations - pourrait aller dans le sens de ce que l'on recherche - "'Abd ul-Muttalib était monothéiste".
Ce qu'il faut plutôt faire, c'est interpréter celui de ces deux hadîths qui est Muhtamal (sujet à plusieurs interprétations) à la lumière de celui qui est Sarîh (explicite) : celui qui est Sarîh montre clairement que Abd ul-Muttalib avait comme Milla le Shirk ; dès lors, la Khayriyya évoquée dans le Muhtamal consiste seulement en les nobles qualités et la haute moralité dont Abd ul-Muttalib ainsi que tous les ascendants de ce dernier étaient dotés : "اعلم أن معنى الخيرية في هذا الحديث، والاصطفائية في الذي يليه، المذكورتين في حق القبائل، ليس باعتبار الديانة، بل باعتبار الخصائل الحميدة والشمائل السعيدة" (Mirqât ul-mafâtîh).
Par ailleurs, les ancêtres du Prophète étaient tous mariés : aucun de ces ascendants n'est un enfant résultant d'une union adultérine : cela aussi est garanti au Prophète Muhammad (sur lui soit la paix), comme cela ressort d'un ensemble d'autres hadîths dont le contenu est hassan, dit cheikh Mash'hûr ibn Hassan ibn Salmân (note de bas de page sur Addilatu mu'taqadi Abî Hanîfa, p. 116). "خرجت من نكاح ولم أخرج من سفاح من لدن آدم إلى أن ولدني أبي وأمي؛ لم يصبني من سفاح الجاهلية شيء" (Sahîh ul-Jâmi' is-saghîr, 3225) ; "خرجت من نكاح غير سفاح" (Ibid., 3224).
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Sur le hadîth de la visite du Prophète à la tombe de sa mère, an-Nassâ'ï a titré : "Du fait de visiter la tombe d'un mushrik" : "زيارة قبر المشرك" (Sunan un-Nassâ'ï).
An-Nassâ'ï a donc bien considéré Âmina, mère du Prophète (sur lui soit la paix), comme étant : "mushrika".
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Sur le plan rationnel :
Croire que les parents du prophète Muhammad (sur lui soit la paix) aient été mushrik, cela ne constitue aucun manque de respect au Prophète.
Cela de la même façon que croire que Âzar, père de Abraham (sur lui soit la paix), était mushrik, cela ne constitue aucun manque de respect au prophète Abraham.
Cela de la même façon que croire que l'un des fils de Noé (sur lui soit la paix), ainsi que l'épouse de Noé, étaient mushrik - ce qui est dit respectivement dans deux passages du Coran -, cela ne constitue aucun manque de respect au prophète Noé.
Les versets qui disent que Dieu "fait sortir le vivant du mort, et le mort du vivant" (par exemple : "تُخْرِجُ الْحَيَّ مِنَ الْمَيِّتِ وَتُخْرِجُ الَمَيَّتَ مِنَ الْحَيِّ"), le sens premier en est qu'Il fait sortir la plante du noyau / l'animal de la goutte, comme Il fait sortir le noyau de la plante / la goutte de l'animal ; un commentaire ayant recours à une considération de sens figuré dit que cela signifie aussi qu'Il fait naître un croyant d'un père incroyant, et un incroyant d'un père croyant : "ذكر المفسرون فيه وجوها: أحدها: يخرج المؤمن من الكافر، كإبراهيم من آزر، والكافر من المؤمن، مثل كنعان من نوح عليه السلام. والثاني: يخرج الطيب من الخبيث وبالعكس. والثالث: يخرج الحيوان من النطفة، والطير من البيضة، وبالعكس. والرابع: يخرج السنبلة من الحبة، وبالعكس، والنخلة من النواة، وبالعكس. قال القفال رحمه الله: والكلمة محتملة للكل: أما الكفر والإيمان فقال تعالى: {أومن كان ميتا فأحييناه} يريد كان كافرا فهديناه فجعل الموت كفرا والحياة إيمانا؛ وسمى إخراج النبات من الأرض إحياء: {وجعل قبل ذلك ميتة فقال يحي الأرض بعد موتها} وقال: {فسقناه إلى بلد ميت فأحيينا به الأرض بعد موتها} وقال: {كيف تكفرون بالله وكنتم أمواتا فأحياكم ثم يميتكم ثم يحييكم" (Tafsîr ur-Râzî).
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Pour ce qui est de la formule "Ahl ul-Fat'ra" :
Cette formule "Ahl ul-Fat'ra" découle du terme "Fat'ra" présent dans le Coran : "وَقَالَتِ الْيَهُودُ وَالنَّصَارَى نَحْنُ أَبْنَاء اللّهِ وَأَحِبَّاؤُهُ قُلْ فَلِمَ يُعَذِّبُكُم بِذُنُوبِكُم بَلْ أَنتُم بَشَرٌ مِّمَّنْ خَلَقَ يَغْفِرُ لِمَن يَشَاء وَيُعَذِّبُ مَن يَشَاء وَلِلّهِ مُلْكُ السَّمَاوَاتِ وَالأَرْضِ وَمَا بَيْنَهُمَا وَإِلَيْهِ الْمَصِيرُ يَا أَهْلَ الْكِتَابِ قَدْ جَاءكُمْ رَسُولُنَا يُبَيِّنُ لَكُمْ عَلَى فَتْرَةٍ مِّنَ الرُّسُلِ أَن تَقُولُواْ مَا جَاءنَا مِن بَشِيرٍ وَلاَ نَذِيرٍ فَقَدْ جَاءكُم بَشِيرٌ وَنَذِيرٌ وَاللّهُ عَلَى كُلِّ شَيْءٍ قَدِيرٌ" (Coran 5/18-19).
Ce terme "Fat'ra" signifie : "interruption", et désigne ici : "la période où il n'y a eu aucun prophète entre Jésus fils de Marie, et Muhammad (que la paix soit sur eux)".
--- Ceux à qui aucun message d'aucun prophète n'est parvenu - qu'ils aient vécu pendant cette période d'interruption, ou avant, ou après, leur cas est autre :
----- un avis est qu'ils seront mis à l'épreuve par Dieu le Jour du Jugement ;
----- un autre avis est qu'ils seront jugés pour leur adhésion ou non-adhésion au monothéisme et leur respect des normes universelles telles que l'interdiction d'assassiner, de voler, etc.
--- Par contre, ceux qui ont vécu pendant cette période de "Fat'ra" mais à qui un message antérieur est parvenu dans une version suffisamment originelle, ceux-là sont bien responsables de leur refus de toute adhésion à celui-ci, ou de leur adhésion à une version Muharraf Tahrîfan Ma'nawiyyan Sarîhan de ce message antérieur.
On ne peut que constater que le verset 5/19 s'adresse explicitement aux "Gens du Livre" (les Juifs et les Chrétiens) : ce sont donc des "Ahl ul-Fat'ra". Pourtant, qui douterait que les messages antérieurs leur étaient bien parvenus ? et qu'ils étaient déjà responsables de leur kufr avant que le Dernier Message leur parvienne, venu leur faire le rappel ? "لَمْ يَكُنِ الَّذِينَ كَفَرُوا مِنْ أَهْلِ الْكِتَابِ وَالْمُشْرِكِينَ مُنفَكِّينَ حَتَّى تَأْتِيَهُمُ الْبَيِّنَةُ رَسُولٌ مِّنَ اللَّهِ يَتْلُو صُحُفًا مُّطَهَّرَةً فِيهَا كُتُبٌ قَيِّمَةٌ" (Coran 98/1-3).
Eh bien c'est la même chose pour les Mushrikûn qui sont des Gens de la Fat'ra : si un message antérieur leur est parvenu dans une version suffisamment préservée, ils sont responsables de leur non-adhésion à celui-ci. Simplement, ils étaient, jusqu'à avant la venue de Muhammad (sur lui soit la paix), dans la ghaf'la, l'insouciance : "لِتُنذِرَ قَوْمًا مَّا أُنذِرَ آبَاؤُهُمْ فَهُمْ غَافِلُونَ" (Coran 36/6), et ce parce qu'aucun avertisseur n'avait été suscité parmi eux : "لِتُنذِرَ قَوْمًا مَّا أَتَاهُم مِّن نَّذِيرٍ مِّن قَبْلِكَ" (Coran 28/46 ; 32/3) ; Dieu leur a donc fait la faveur de susciter un Messager - et quel Messager ! - parmi eux-mêmes, afin de premièrement les extirper de leur shirk et de leur jahâla : "وَهَذَا كِتَابٌ أَنزَلْنَاهُ مُبَارَكٌ فَاتَّبِعُوهُ وَاتَّقُواْ لَعَلَّكُمْ تُرْحَمُونَ أَن تَقُولُواْ إِنَّمَا أُنزِلَ الْكِتَابُ عَلَى طَآئِفَتَيْنِ مِن قَبْلِنَا وَإِن كُنَّا عَن دِرَاسَتِهِمْ لَغَافِلِينَ أَوْ تَقُولُواْ لَوْ أَنَّا أُنزِلَ عَلَيْنَا الْكِتَابُ لَكُنَّا أَهْدَى مِنْهُمْ فَقَدْ جَاءكُم بَيِّنَةٌ مِّن رَّبِّكُمْ وَهُدًى وَرَحْمَةٌ فَمَنْ أَظْلَمُ مِمَّن كَذَّبَ بِآيَاتِ اللّهِ وَصَدَفَ عَنْهَا" (Coran 6/155-157) ; et, ensuite, les employer pour diffuser l'ultime message à toute l'humanité.
-- En commentaire du hadîth de Muslim n° 203 (celui cité en début de cet article), an-Nawawî souligne que ce hadîth implique que le message de Abraham et d'autres prophètes étaient bien parvenus au Père du prophète Muhammad (paix sur lui et tous les autres prophètes) : "Il y a dans ce hadîth que celui qui est mort, dans la Fat'ra, sur l'adoration des idoles que les Arabes pratiquaient, celui-là fait partie des Gens du Feu. Et cela ne consiste nullement en une sanction avant que la da'wa soit parvenue à la personne, car ces gens-là, la da'wa de Abraham et autres que lui parmi les prophètes - que les prières de Dieu et Ses salutations soient sur eux - leur était parvenue" : "وفيه أن من مات في الفترة على ما كانت عليه العرب من عبادة الأوثان، فهو من أهل النار. وليس هذا مؤاخذة قبل بلوغ الدعوة، فإن هؤلاء كانت قد بلغتهم دعوة إبراهيم وغيره من الأنبياء - صلوات الله تعالى وسلامه عليهم" (Shar'hu Muslim, 3/79). D'ailleurs, questionné au sujet de Abdullâh ibn Jud'ân [que le Prophète (sur lui soit la paix) avait rencontré (c'est lui l'instigateur du hilf ul-fudhûl), mais qui est mort avant la ba'tha muhammadiyya] : "Messager de Dieu, dans la Jâhiliyya, Ibn Jud'ân entretenait les liens familiaux et donnait à manger au pauvre. Est-ce que cela lui sera utile (dans l'autre monde) ?", le Prophète (sur lui soit la paix) a répondu : "Cela ne lui sera pas utile*, car pas un jour il n'avait dit : "Seigneur, pardonne-moi mes péchés au jour du Compte"**" : ''عن عائشة قلت: "يا رسول الله، ابن جدعان كان في الجاهلية يصل الرحم، ويطعم المسكين، فهل ذاك نافعه؟" قال: "لا ينفعه، إنه لم يقل يوما: رب اغفر لي خطيئتي يوم الدين" (Muslim, 214) ; * "pas utile" signifie ici : "pas utile pour être source de récompenses pour lui dans le Paradis, car son kufr akbar sera la cause de son admission dans la Géhenne perpétuelle" ; ** c'est-à-dire qu'il ne croyait pas en la résurrection et au jugement dernier.
-- Al-Bayhaqî écrit de même : "Comment ses deux parents et son grand-père ne seraient-ils pas ainsi dans l'autre monde, alors qu'ils adoraient l'idole jusqu'à leur mort et n'ont pas adhéré à la religion de Jésus fils de Marie, que la paix soit sur lui ? Leur état (que voilà) ne fait pas de tort à la filiation du Messager de Dieu - que Dieu le rapproche de Lui et le salue - puisque les mariages faits par les kâfir sont valides. Ne vois-tu pas que lorsque les maris se convertissent à l'islam avec leur épouse, renouveler leur mariage ne leur est pas demandé, ni quitter ces épouses, du moment que pareil mariage est valide en islam ?" : "وكيف لا يكون أبواه وجده بهذه الصفة في الآخرة، وكانوا يعبدون الوثن حتى ماتوا، ولم يدينوا دين عيسى ابن مريم عليه السلام؟ وأمرهم لا يقدح في نسب رسول الله صلى الله عليه وسلم، لأن أنكحة الكفار صحيحة. ألا تراهم يسلمون مع زوجاتهم، فلا يلزمهم تجديد العقد ولا مفارقتهن، إذا كان مثله يجوز في الإسلام" (Dalâ'ïl un-nubuwwa).
-- At-Tabarî a donné préférence à la qirâ'ah "وَلاَ تُسْأَلُ عَنْ أَصْحَابِ الْجَحِيمِ" sur celle "وَلاَ تَسْأَلْ عَنْ أَصْحَابِ الْجَحِيمِ" (Coran 2/119) ; ensuite il écrit : "Il y a dans l'impossibilité que le Messager - sur lui soit la paix - ait un doute quant au fait que les gens (morts dans) le shirk font partie des gens du Feu, et que ses deux parents faisaient partie des (gens du shirk), ce qui repousse la validité de ce que Muhammad ibn Ka'b a dit (si cela est établi de lui de façon authentique)" : "فإن ظن ظان أن الخبر الذي روي عن محمد بن كعب صحيح، فإن في استحالة الشك من الرسول - عليه السلام - في أن أهل الشرك من أهل الجحيم، وأن أبويه كانا منهم، ما يدفع صحة ما قاله محمد بن كعب - إن كان الخبر عنه صحيحا" (Tafsîr ut-Tabarî).
Wallâhu A'lam (Dieu sait mieux).