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La Causalité (Tassabbub) entraînant une responsabilité morale (par rapport à la rétribution dans l'autre monde) et/ou juridique (par rapport à un devoir de réparation en ce monde), cela se vérifie dans les 4 cas suivants :
- A) la Tassabbub par invitation (da'wah) donnée à quelqu'un à faire le bien, ou au contraire le mal ;
- B) la Tassabbub par le fait d'avoir donné une fatwa (autorisant, ou au contraire, interdisant l'action) à la personne qui avait posé la question de savoir s'il peut faire cette action, ou pas, et qui envisageait donc déjà l'éventualité d'avoir recours à cette action ;
- C) la Tassabbub par fourniture à la personne X de ce que cette personne avait déjà l'intention d'employer dans le bien, ou dans le mal (que cela soit interdit vis-à-vis des droits de Dieu, comme fournir à autrui l'alcool qu'il a l'intention de boire ; ou interdit vis-à-vis des droits d'une créature, comme fournir, à celui qui est en guerre contre notre pays, des armes) ;
- D) la Tassabbub par le fait d'avoir fait un acte qui a entraîné une situation qui, à son tour, a entraîné une personne à bénéficier de quelque chose, ou à subir un tort. Et ce, que l'on avait l'intention, ou pas, de faire bénéficier cette personne de cela, ou de lui faire subir ce tort.
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A) Il y a la Tassabbub par invitation (da'wah) donnée à quelqu'un à faire le bien, ou au contraire le mal :
Ce genre d'invitation constitue une dharî'a.
"عن أبي هريرة، أن رسول الله صلى الله عليه وسلم، قال: "من دعا إلى هدى، كان له من الأجر مثل أجور من تبعه، لا ينقص ذلك من أجورهم شيئا. ومن دعا إلى ضلالة، كان عليه من الإثم مثل آثام من تبعه، لا ينقص ذلك من آثامهم شيئا" : "Celui qui invite à une guidance aura, en récompense, chose semblable à la récompense de qui le suivront, cela ne diminuant rien de leur récompense à eux. Et celui qui invite à un égarement aura, en péché, chose semblable au péché de qui le suivront, cela ne diminuant rien de leur péché à eux" (Muslim, 2674).
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B) Il y a la Tassabbub par le fait d'avoir donné une fatwa (autorisant, ou au contraire, interdisant l'action) à la personne qui avait posé la question de savoir s'il peut faire cette action, ou pas, et qui envisageait donc déjà l'éventualité d'avoir recours à cette action :
Si la fatwa est juste, alors on aura une récompense égale à celui qui agit selon cette fatwa ; si on n'a pas les compétences suffisantes pour le faire et que la fatwa qu'on a délivrée est fausse, on aura le péché de celui qui agit selon notre fatwa.
"عن أبي هريرة قال: قال رسول الله صلى الله عليه وسلم: "من أُفْتِيَ بغير علم كان إثمه على من أفتاه" : "Celui à qui l'avis a été délivré sans (que cet avis soit fondé sur) une connaissance (véritable), alors son péché reviendra à celui qui lui aura délivré l'avis" (Abu Dâoûd, 3657).
--- Le musulman qui, par ignorance, a adopté une croyance erronée ou pratiqué une action cultuelle innovée, et est mort sans se repentir de cela (puisqu'il le croyait juste), se peut-il qu'il soit puni pour cela par Dieu dans l'autre monde, ou cela lui sera-t-il systématiquement pardonné par Dieu ?.
--- Chaque croyance pure, ainsi que le statut de chaque action, cela est fixe (muta'ayyan) auprès de Dieu. Le ijtihad consiste à faire l'effort de trouver cela, éventuellement en interaction avec le Réel - Mais possèdes-tu les compétences nécessaires pour te prononcer au sujet de la question quant à laquelle tu donnes un avis (que ce soit une question de Tafsîr du Coran, des Ussûl ul-hadîth, de la 'Aqîda pure ou du Fiqh, etc.) ?.
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C) Il y a la Tassabbub par fourniture à la personne X de ce que cette personne avait déjà l'intention d'employer dans le bien, ou dans le mal (que cela soit interdit vis-à-vis des droits de Dieu, comme fournir à autrui l'alcool qu'il a l'intention de boire ; ou interdit vis-à-vis des droits d'une créature, comme fournir, à celui qui est en guerre contre notre pays, des armes) :
Ce genre de fourniture constitue une muqaddima : on a fourni, à celui qui avait l'intention de faire l'action interdite, le 'ayn par lequel il a fait cette action.
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Pendant la période médinoise, où il y avait des campagnes militaires, le Prophète (sur lui soit la paix) a dit : "Celui qui fournit l'équipement de celui qui part en campagne, celui-là est (considéré comme ayant participé à cette) campagne" : "عن زيد بن خالد رضي الله عنه أن رسول الله صلى الله عليه وسلم قال: "من جهز غازيا في سبيل الله، فقد غزا. ومن خلف غازيا في سبيل الله بخير، فقد غزا" (al-Bukhârî, 2688, Muslim, 1895).
De même, dans un célèbre hadîth, le Prophète (sur lui la paix) a déclaré qu'étaient éloignés de la miséricorde divine :
- non pas seulement "شاربها", "celui qui boit de l'alcool",
- mais aussi (entre autres) :
--- "بائعها" : "celui qui le vend" ;
--- "حاملها" : "celui qui le transporte" ;
--- "ساقيها" : "celui qui le sert à boire" :
"عن أنس بن مالك قال: لعن رسول الله صلى الله عليه وسلم فى الخمر عشرة: عاصرها ومعتصرها وشاربها وحاملها والمحمولة إليه وساقيها وبائعها وآكل ثمنها والمشترى لها والمشتراة له" (at-Tirmidhî, n° 1295).
Lire :
--- Puis-je fournir à autrui ce dont il fera une utilisation illicite ? (مَسْألَةُ الإعانَة عَلي الحَرَام) ?.
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D) Il y a enfin la Tassabbub par le fait d'avoir fait un acte qui a entraîné une situation qui, à son tour, a entraîné une personne à bénéficier de quelque chose, ou à subir un tort. Et ce, que l'on avait l'intention, ou pas, de faire bénéficier cette personne de cela, ou de lui faire subir ce tort. De même, et ce, que cela ait vu le jour sans acte aucun de la part de cette personne, ou au contraire suite à un acte que cette personne a fait naturellement, sans savoir ce que cela entraînerait pour elle (par exemple on a creusé un fossé derrière sa porte d'entrée, et c'est par le fait d'avoir ouvert sa porte et d'avoir fait un pas en avant qu'elle est tombée dans ce fossé et s'y est cassé une jambe) :
L'acte qu'on a fait là constitue une dharî'a.
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Le musulman qui passe dans un lieu public avec un objet contondant doit tenir cet objet de façon telle qu'il n'atteigne personne. Celui qui n'a pas pris les précautions nécessaires et a blessé quelqu'un sans le vouloir, est responsable de cette blessure. Ainsi, dans le cas d'un homicide involontaire, en sus de dédommager la famille, l'auteur de l'homicide doit s'acquitter d'une expiation (kaffâra) : "وَمَن قَتَلَ مُؤْمِنًا خَطَئًا فَتَحْرِيرُ رَقَبَةٍ مُّؤْمِنَةٍ وَدِيَةٌ مُّسَلَّمَةٌ إِلَى أَهْلِهِ إِلاَّ أَن يَصَّدَّقُواْ فَإِن كَانَ مِن قَوْمٍ عَدُوٍّ لَّكُمْ وَهُوَ مْؤْمِنٌ فَتَحْرِيرُ رَقَبَةٍ مُّؤْمِنَةٍ وَإِن كَانَ مِن قَوْمٍ بَيْنَكُمْ وَبَيْنَهُمْ مِّيثَاقٌ فَدِيَةٌ مُّسَلَّمَةٌ إِلَى أَهْلِهِ وَتَحْرِيرُ رَقَبَةٍ مُّؤْمِنَةً فَمَن لَّمْ يَجِدْ فَصِيَامُ شَهْرَيْنِ مُتَتَابِعَيْنِ تَوْبَةً مِّنَ اللّهِ وَكَانَ اللّهُ عَلِيمًا حَكِيمًا" (Coran 4/29). Or, d'après l'un des commentaires, ce "تَوْبَةً مِّنَ اللّهِ" ("en guise de repentir accordé par Dieu") exprime bien que l'homicide, fût-il involontaire, est un péché, car, par rapport à tout ce qui pourrait mettre en jeu la sécurité physique d'autrui, l'homme a le devoir d'agir avec extrême prudence (Tafsîr ul-Qurtubî, Tafsîr ur-Râzî), une prudence plus grande - avec bien plus d'attention et de concentration que pour bien d'autres domaines, par rapport auxquels la prudence est certes de mise - elle l'est en toutes circonstances - ("قال: "ولا إثم فيه" يعني في الوجهين. قالوا: المراد: إثم القتل*؛ فأما في نفسه، فلا يعرى** عن الإثم من حيث ترك العزيمة والمبالغة في التثبت في حال الرمي، إذ شرع الكفارة يؤذن باعتبار هذا المعنى. "ويحرم عن الميراث"؛ لأن فيه إثما فيصح تعليق الحرمان به" : Al-Hidâya, 2/545) (*أي إثم قصد القتل ; et **أي القتل الخطأ).
C'est bien parce que l'homme doit être extrêmement prudent quand il a en mains quoi que ce soit qui risque de blesser autrui, que la Sunna a enseigné de bien tenir en main les parties tranchantes d'objets que l'on transporte (elle parlait de flèches), afin de ne blesser personne, même involontairement : "عن أبي موسى رضي الله عنه قال: قال رسول الله صلى الله عليه وسلم: "إذا مر أحدكم في مسجدنا وفي سوقنا ومعه نبل فليمسك على نصالها أن يصيب أحدا من المسلمين منها بشيء" (al-Bukhârî, 6664, Muslim, 2615) ; et de ne jamais faire de geste avec une arme vers son frère : "عن أبي هريرة رضي الله عنه قال: قال رسول الله صلى الله عليه وسلم: "لا يشيرُ أحدكم على أخيه بالسلاح، فإنه لا يدري لعل الشيطان ينزع في يده، فيقع في حفرة من النار" (al-Bukhârî, 6661, Muslim, 2617).
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Celui qui insulte les parents d'un homme, s'il conduit cet homme à insulter ses parents à lui, il porte la responsabilité morale de cette dernière insulte aussi : "عن عبد الله بن عمرو بن العاص أن رسول الله صلى الله عليه وسلم قال: "من الكبائر شتم الرجل والديه". قالوا: "يا رسول الله، وهل يشتم الرجل والديه؟" قال: "نعم. يسب أبا الرجل، فيسب أباه؛ ويسب أمه، فيسب أمه" (Muslim, 90). Cela car il a été la cause du fait que cet homme insulte ses parents à lui : cela était prévisible (quoique interdit).
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Il y a encore ce hadîth : Le musulman qui plante un arbre ou un autre plant (culture vivrière) a des récompenses à chaque fois que des humains [à qui il offre des produits de ce plant ou de cet arbre] mangent de ces produits, mais aussi à chaque fois que des oiseaux ou des quadrupèdes mangent de ses produits, et même à chaque fois que des humains dérobent de ses produits et les mangent : "عن جابر، قال: قال رسول الله صلى الله عليه وسلم: "ما من مسلم يغرس غرسا إلا كان ما أكل منه له صدقة؛ وما سرق منه له صدقة؛ وما أكل السبع منه فهو له صدقة؛ وما أكلت الطير فهو له صدقة؛ ولا يرزؤه أحد إلا كان له صدقة" (Muslim, 1552) ; "عن أنس، قال: قال رسول الله صلى الله عليه وسلم: "ما من مسلم يغرس غرسا أو يزرع زرعا، فيأكل منه طير، أو إنسان، أو بهيمة، إلا كان له به صدقة" (Muslim, 1553). Or, souligne en substance Cheikh Thânwî, quel planteur d'arbres fruitiers a-t-il l'intention de faire profiter les animaux des fruits de ses arbres ? Tout au contraire, le propriétaire de ces arbres cherche à en éloigner les oiseaux et autres animaux : il ne veut donc pas que ceux-ci en mangent. Le fait qu'il soit ici récompensé dans ces cas aussi est en fait dû, poursuit l'érudit indien, au fait qu'il a été la cause (sabab) de cela.
On n'est donc récompensé pour une action de bien que si cette action a été faite délibérément (et aussi si, d'après un des deux avis, si on a alors eu espoir d'être récompensé par Dieu) ; cependant, on sera alors récompensé non pas seulement pour cette action, mais aussi pour tout bien que cette action aura causée (sabab), même si de cet autre bien on n'aura pas eu l'intention (Fiqh-é hanafî ké ussûl-o-dhawâbit, p. 165).
Le cas de la plantation d'un arbre, fournissant ainsi des fruits à mêmes des oiseaux et à des voleurs, cela relève apparemment de ce cas D.
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En fait il y a deux personnes qui sont susceptibles d'endosser la responsabilité juridique d'un dommage subi par autrui : le Mubâshir et le Mutassabbib :
C'est le Mutassabbib qui relève de ce cas D.
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– Le Mubâshir est en fait le Sabab Mubâshir, c'est-à-dire : l'homme qui est la Cause Immédiate du dommage subi par autrui (même si c'est l'outil, al-Âlah, que cet homme utilise - et qui est inerte ou qui est un animal - qui est la cause directe de ce dommage). Quelqu'un a par exemple, conduisant son moyen de locomotion, percuté un passant. Ou bien quelqu'un a tiré à l'arc, et a involontairement atteint quelqu'un d'une flèche. Ou encore quelqu'un a visé intentionnellement quelqu'un de son pistolet, et l'a tué. Ce sont là des Mubâshir.
Le Mubâshir est responsable de tout dommage qu'il cause ; la seule exception concerne les cas de légitime défense ; ou encore le cas où il n'y est absolument pour rien (par exemple c'est la personne ayant subi le dommage qui s'est jetée d'elle-même devant le moyen de locomotion juste au moment où il passait ; certes, il doit garder l'entière maîtrise de son véhicule, mais si l'enquête établit qu'il a conduit celui-ci selon les règles de l'art mais que c'est une personne qui s'est jetée devant son véhicule et qu'il ne pouvait rien faire, là il n'est pas responsable ; sinon il est bel et bien responsable).
– Le Mutassabbib est pour sa part le Sabab Ghayr Mubâshir, c'est-à-dire : l'homme qui est la Cause Médiate du dommage ; il s'agit de celui qui a installé un objet auquel, ultérieurement, la victime s'est - de par son propre geste - exposée sans savoir le danger, ce qui lui a fait subir un dommage.
Le Mutassabbib est responsable des dommages qu'il a indirectement causés seulement s'il a dépassé les limites de ses droits ou a manqué à un devoir qui lui incombait (إذا كان ما فعله تعدّيًا) ; par contre, si, tout en demeurant à l'intérieur du cadre de ce qu'il a pleinement le droit de faire, n'ayant manqué par ailleurs à aucun devoir d'indication, il a causé indirectement des dommages, il n'est pas responsable, juridiquement, des dommages subis par autrui.
Quelqu'un a par exemple installé chez lui un toit, lequel dépasse de sa propriété en hauteur et déborde sur l'espace de la rue ; or cette partie du toit s'est un jour effondrée, tombant sur un passant : le propriétaire est alors responsable. Ou encore quelqu'un a creusé un fossé dans l'espace commun, sans l'autorisation de l'autorité publique responsable de cet espace, et un passant a ensuite chuté dans ce fossé : celui qui a creusé ce fossé est alors responsable. Ou bien un homme a exhorté une personne à assassiner un tiers, et cette personne est passée à l'acte : cette seconde personne est le Mubâshir de cet assassinat, mais le premier homme en est alors Mutassabbib, ayant une part de responsabilité.
Par contre, si quelqu'un possède chez lui un chien mordeur, et une personne s'est introduite chez lui sans son autorisation et, alors, s'est fait mordre, le propriétaire du chien n'est pas responsable de ce dommage subi par cette personne, bien qu'en étant Mutassabbib.
Mustafâ' az-Zarqâ' a formulé la différence entre le Mubâshir et le Mutassabbib en les termes suivants (dans le principe 29, j'ai rajouté quelques mots, mais suivant en cela ce que az-Zarqâ' lui-même a écrit en commentaire ; dans le principe 30, j'ai - plus encore - procédé à une véritable modification de certains termes, mais, là aussi, suivant ce qu'il a écrit en commentaire) :
– "Le Mubâshir d'une action causant un dommage à autrui est responsable de ce dommage, même s'il n'a pas eu l'intention de le causer, et même s'il n'a pas eu d'excès par rapport à ses droits, ni de manquement par rapport à ses devoirs" : "المباشر (عملًا مُضِرًّا بغيره) ضامن وإن لم يتعمد الإضرار" (d'après Al-Mad'khal ul-fiq'hî al-'âmm, p. 1045 : principe numéro 29) ; "ففِعْله ذلك العمل المضرّ بالغير: تعدٍّ في نفسه، وإن لم يقصد ذلك الإضرار؛ فيضمن فاعله. وعدم الضمان لا يكون إلا إذا كان فعل الفاعل ذلك دفعًا للصائل عليه". Sauf s'il a agi en situation de légitime défense, ou si c'est la personne ayant subi le dommage qui s'est jetée devant lui alors que, par exemple, il tirait, ou conduisait son moyen de locomotion.
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– "Le Mutassabbib d'une action causant un dommage à autrui est responsable de ce dommage s'il a eu un excès par rapport à ses droits, ou un manquement par rapport à ses devoirs - même s'il n'a pas eu l'intention de causer ce dommage -" : "المتسبب (لضرر الغير) لا يضمن إلا بالتعدي في الفعل" (d'après Al-Mad'khal ul-fiq'hî al-'âmm, p. 1046 : principe numéro 30) ; "فإذا كان ذلك العمل تعدّيًا، ضمن عامله - وإن لم يقصد الإضرار به. أما إذا لم يكن العمل تعديًا، لم يضمن".
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Mustafâ' az-Zarqâ' écrit que le pivot de la responsabilité civile par rapport aux dommages causés aux droits d'autrui (huqûq ul-'ibâd), c'est le fait d'avoir attenté à la personne ou aux biens d'autrui : on appelle cela "le Ta'addî". Quant à l'intention de nuire, elle n'est pas ici déterminante pour être responsable du dommage causé (même si la présence d'une telle intention constitue un facteur aggravant) :
"يستخلص مما تقدم في هذه القاعدة والتي قبلها أن التعدي هو الأساس الملحوظ للتضمين في حالتي المباشرة والتسبب على السواء، وأن التعدي يكون:
إما بتجاوز الفاعل على الشخص المضرور أو على حقوقه رأسًا، كما في حالة المباشرة؛
وإما بتجاوز الحدود المأذون بها شرعًا حتى تفضي إلى ضرر الغير، كما في حالة التسبب.
ومتى وُجِد التعدي، لا يُنظَر بعد ذلك إلى التعمد والقصد، لأن حقوق الغير مضمنة شرعًا في حالتي العمد والخطأ بل حتى في حالة الاضطرار المبيح للمحظورات، كما تقدم" (Al-Mad'khal ul-fiq'hî al-'âmm, pp. 1046-1047).
Ibn Taymiyya a lui aussi exposé la différence entre les 'Ibâdât (Actes Cultuels) et les 'Uqûd (Contrats) - où l'intention est prise en considération jusqu'à un certain degré - et la Dhamân, Responsabilité Civile - laquelle est établie même sans qu'il y ait eu intention de causer le dommage - :
"والمقصود هنا أن القلب هو الأصل في جميع الأفعال والأقوال. فما أمر الله به من الأفعال الظاهرة فلا بد فيه من معرفة القلب وقصده. وما أمر به من الأقوال وكل ما تقدم، والمنهي عنه من الأقوال والأفعال، إنما يعاقب عليه إذا كان بقصد القلب. وأما ثبوت بعض الأحكام كضمان النفوس والأموال إذا أتلفها مجنون أو نائم أو مخطئ أو ناس، فهذا من باب العدل في حقوق العباد، ليس هو من باب العقوبة" (MF 14/120).
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Mustafâ' az-Zarqâ' a énoncé les deux principes suivants aussi :
– "Lorsque [par rapport au dommage commis à autrui], à la fois un Mubâshir et un Mutassabbib sont présents, ce qui a été fait est attribué au Mubâshir" : "إذا اجتمع المباشر والمتسبب، يضاف الحكم إلى المباشر" (Al-Mad'khal ul-fiq'hî al-'âmm, p. 1046 : principe numéro 31).
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– "L'action est attribuée à celui qui l'a faite, et pas à celui qui la lui a ordonnée, tant que ce dernier n'a pas exercé de contrainte sur le premier" : "يضاف الفعل إلى الفاعل، لا إلى الآمِر، ما لم يكن مُجبِرا" (Al-Mad'khal ul-fiq'hî al-'âmm, p. 1046 : principe numéro 28).
En fait, dans ce principe numéro 28, "celui qui a fait l'action" ("الفاعل") est Mubâshir ("مباشر"), tandis que "celui qui la lui a ordonnée" ("الآمِر") est Mutassabbib ("متسبب").
Pour autant, cette exception "tant que ce dernier n'a pas exercé de contrainte sur le premier" ("ما لم يكن مُجبِرا") est vérifiée chez certains des Mujtahidûn : en effet, dans ce cas de figure de "إجبار" (contrainte), chez Abû Hanîfa et Muhammad ibn ul-Hassan, celui qui a exercé la contrainte ("آمِر مجبِر") sera pleinement responsable, et pas celui qui a agi sous la contrainte ("مأمور مجبور") ; tandis que chez Mâlik et un des avis présents chez les Shafi'ites et les Hanbalites, les deux seront pleinement responsables.
Par contre, cette exception "tant que ce dernier n'a pas exercé de contrainte sur le premier" n'est pas du tout vérifiée chez Zufar et Ibn Hazm : d'après eux, dans ce cas de figure, c'est celui qui a agi sous la contrainte ("مأمور مجبور") qui est seul pleinement responsable. Nous reviendrons plus bas sur la responsabilité de chacun en cas de meurtre commis par un homme parce que celui-ci a agi sous la contrainte.
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Pour formuler les choses différemment : le Âlah /Outil utilisé par quelqu'un est : soit un objet inerte, soit un humain, soit un animal :
–--- Si le Âlah est un objet inerte, alors le Mubâshir est celui qui utilise cet Âlah pour faire le geste nocif.
–--- Si le Âlah est doué de raison, alors le Mubâshir du geste nocif est cet Âlah doué de raison, tandis que celui qui l'utilise pour que le geste nocif voit le jour, lui en devient le Mutassabbib.
–--- Entre les deux se trouve le cas où le Âlah est un animal : d'une part l'animal a sa volonté propre "البهيمة مختارة في فعلها" (Al-Hidâya, 2/598), mais d'autre part l'animal domestique obéit à son maître - c'est d'ailleurs pourquoi l'animal de chasse est considéré comme le prolongement du bras du chasseur - ; ou du moins son maître est responsable de lui. C'est ce qui fait qu'on trouve, chez différents Mujtahidûn, différents avis au sujet de l'animal qui cause un dommage à autrui, par rapport à la responsabilité de son propriétaire ou de son responsable ; nous allons le voir plus bas.
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Quelques développements supplémentaires :
Dans le domaine des causes (Asbâb), il existe la Cause immédiate à un Effet donné (Mubâshir), mais il existe aussi des Causes Médiates (Mutassabbib) à cet Effet.
--- Cela est souvent vérifié dans la perspective de l'Invisible : Dieu est, ainsi, la Cause des Causes. Parfois Il ordonne à un ange d'intervenir et de provoquer telle chose.
--- Et cela est parfois vrai dans la perspective visible : la Cause Immédiate a un Effet donné, mais il existe aussi des Causes Médiates et Indirectes, qui, elles-mêmes, agissent sur cette Cause Immédiate.
Cela nous conduit à la classification suivante...
A) Le Âlah /Wassîla est de trois types :
--- A.1) le Âlah /Wassîla n'ayant aucune volonté propre (comme une scie, ou une flèche, ou aujourd'hui une voiture) ;
--- A.2) le Âlah /Wassîla ayant une volonté qui lui est propre (الفاعل المختار) (comme un homme) ;
--- A.3) le Âlah /Wassîla étant à mi-chemin entre les deux : l'animal.
B) Et le Sabab est lui aussi de deux types :
--- B.1) le Sabab (par rapport à l'Objet sur lequel il exerce son effet) qui n'est le Âlah /Wassîla d'aucun Sabab lui étant en amont, car nul ne lui est supérieur. Dieu Seul est ainsi ;
--- B.2) le Sabab (il s'agit bien d'un Sabab Mu'atthir, affectant l'Objet sur lequel il exerce son Effet) qui est en même temps le Âlah /Wassîla d'un autre Sabab, ce dernier lui étant en amont. Cet Âlah exerce donc son effet sur cet Objet :
----- B.2.1) soit à cause de la contrainte qu'il reçoit de la part de ce Sabab en amont, l'entraînant - lui, le Âlah - à exercer cet effet sur cet Objet ;
----- B.2.2) soit à cause d'une causalité conséquente mise en branle par ce Sabab en amont, l'entraînant - lui, le Âlah - à exercer cet effet sur cet Objet ;
----- B.2.3) soit à cause d'une simple exhortation verbale adressée par ce Sabab en amont, l'entraînant - lui, le Âlah - à exercer cet effet sur cet Objet.
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Le A.1 (le Âlah /Wassîla n'ayant aucune volonté propre) relève :
--- soit du B.2.1 : cet Âlah exerce son effet à cause de la contrainte mécanique qu'il subit de la part du Sabab lui étant en amont. C'est le cas de la scie subissant la pression manuelle du menuisier, et provoquant alors la coupure du morceau de bois qu'elle touche ainsi. C'est aussi le cas de la voiture qui percute un piéton : elle n'est qu'un outil entre les mains et les pieds de son conducteur ;
--- soit du B.2.2 : cet Âlah exerce son effet sur autrui à cause du fait que cet autrui est venu jusqu'à lui, mais ce parce que l'homme a été la cause, Sabab, que cet Âlah se trouve sur son passage. C'est le cas du fossé creusé par quelqu'un dans un lieu appartenant à une tierce personne, laquelle ne lui en a pas donné l'autorisation, ou dans un lieu public alors que l'autorité ne lui en a pas donné l'autorisation : celui qui l'a creusé est responsable des dommages causés à quelqu'un qui chuterait dans ce fossé et s'y casserait une jambe ;
--- soit du B.2.3 : cet Âlah exerce son effet sur autrui à cause du fait que cet autrui est venu jusqu'à lui, mais ce parce que l'homme a été la cause, Sabab, que cet autrui se rende jusqu'à cet Âlah. C'est le cas du précipice vers lequel un homme oriente - sciemment - la personne lui demandant son chemin : celui qui l'a ainsi conseillée est responsable de la chute que cette personne fera dans ce précipice.
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Quant au A.2 (le Âlah /Wassîla ayant une volonté propre), il relève :
--- soit du B.2.1 : cet Âlah exerce son effet sur l'Objet à cause d'une contrainte par chantage, qu'il subit de la part du Sabab lui étant en amont. Si quelqu'un contraint un musulman à tuer un innocent, le musulman ne peut que refuser d'obéir ; il doit faire preuve de courage et de patience face aux éventuels torts que son refus pourrait lui causer. Mais si ce musulman ayant subi cette contrainte a, malgré l'interdiction shar'î, cédé, et a eu recours au meurtre dudit innocent, alors il aura à rendre compte de cet acte le jour du jugement ; de plus, en ce monde, si cela a lieu en pays musulman, s'exposera(ont) au talion, prononcé par le juge compétent : ----- soit l'assassin seul (c'est l'avis de Zufar et de Ibn Hazm) ; ----- soit celui qui l'a contraint seul (c'est l'avis de Abû Hanîfa et de Muhammad ibn ul-Hassan) ; ----- soit les deux (c'est l'avis de Mâlik et l'avis retenu chez les Shafi'ites et les Hanbalites) ; ----- soit aucun des deux (c'est l'avis de Abû Yûssuf) (Al-Fiqh ul-islâmî wa adillatuh, pp. 4446-4447) (celui de ces deux hommes qui, d'après tel et tels avis, n'est pas concerné par le talion, celui-là aura une sanction de type ta'zîr, laissée à l'appréciation du juge) ;
--- soit du B.2.2 : Cet Âlah exerce son effet sur cet Objet à cause du stimuli qu'il a reçu de la part d'un Sabab lui étant en amont. La personne qui entend un homme dire du mal de ses parents d'une personne risque de réagir en disant à son tour du mal des parents de cet homme ; cette personne n'avait pas le droit de faire cela (il fallait dire du mal de cet homme, et pas des parents de celui-ci), mais si elle le fait quand même, l'autre homme obtient aussi le péché de ce mal prononcé au sujet de ses propres parents, vu qu'il a été la cause très prévisible de cela ;
--- soit du B.2.3 : cet Âlah exerce son effet sur cet Objet à cause de l'exhortation verbale qu'il a reçue de la part d'un Sabab lui étant en amont. La personne qu'un homme exhorte verbalement à en assassiner une autre ne doit pas passer à l'acte : s'il le fait, alors : celui qui l'y aura exhorté aura à rendre compte de sa parole le jour du jugement ; de plus, en ce monde, si cela a lieu en pays musulman, s'exposera(ont) au talion, prononcé par le juge compétent : ----- soit l'assassin seul (c'est l'avis de la plupart des mujtahidûn) ; ----- soit les deux (c'est l'avis de Mâlik) (Al-Mughnî, 11/526) (l'autre de ces deux hommes, qui, d'après certains de ces avis, n'est pas concerné par le talion, celui-là aura une sanction de type ta'zîr, laissée à l'appréciation du juge). La même chose peut être dite si, pendant qu'une personne assassinait un homme, un autre homme a maintenu celui-ci : il s'agit cette fois d'une assistance (i'âna).
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Reste le A.3 : l'animal :
--- Le stimuli que le Sabab exerce sur l'animal peut être ramené à un cas de quasi-contrainte :
------- Le cheval qu'un homme pique pendant le passage d'une tierce personne, va flanquer une ruade, ce qui va s'effectuer sur cette tierce personne : le premier homme est alors responsable de ce qu'il a causé (tassabbub), étant considéré Mubâshir de ce dommage.
------- Si quelqu'un envoie un animal attaquer quelqu'un et que cet animal le fait dans la foulée (على فوره), alors ce quelqu'un est le Mubâshir : il est donc responsable de ce que l'animal cause de dommages.
--- Si quelqu'un conduit l'animal, ou s'il le monte, il est responsable du dommage que l'animal cause (selon l'avis de nombreux Mujtahidûn : d'après l'école hanafite et hanbalite, ce que l'animal de monte cause par sa patte arrière, le conducteur ou l'accompagnateur n'en est pas responsable ; d'après l'école shafi'ite, par contre, patte arrière ou patte avant, il en est responsable ; se référer aux ouvrages de Fiqh pour découvrir les différents cas de figure, et les avis divergents des Mujtahidûn).
--- Si l'animal appartenant à quelqu'un s'est déplacé seul et a causé du tort, ce tort fait-il l'objet de responsabilité de la part du propriétaire dudit animal ?
------- Si cet animal a causé du tort à des plantations : Oui systématiquement d'après al-Layth (Al-Mughnî 12/481) ; Oui si cela s'est passé de nuit, mais pas si cela s'est passé de jour - car il est de coutume que les animaux domestiques se déplacent de jour mais sont enfermés de nuit, et c'est donc à la responsabilité des propriétaires de champs de protéger leurs champs de jour par un enclos, et à la responsabilité des propriétaires d'animaux de les garder la nuit - d'après les 3 écoles, et ce sur la base de ce hadîth : "عن حرام بن محيصة، عن أبيه، أن ناقة للبراء بن عازب دخلت حائط رجل فأفسدته عليهم، فقضى رسول الله صلى الله عليه وسلم على أهل الأموال حفظها بالنهار، وعلى أهل المواشي حفظها بالليل" (Abû Dâoûd, 3569), "حدثني يحيى، عن مالك، عن ابن شهاب، عن حرام بن سعد بن محيصة، أن ناقة للبراء بن عازب دخلت حائط رجل فأفسدت فيه. فقضى رسول الله صلى الله عليه وسلم أن على أهل الحوائط حفظها بالنهار، وأن ما أفسدت المواشي بالليل ضامن على أهلها" (Mâlik dans son Muwatta', 1239) ; Non systématiquement d'après l'école hanafite.
------- Et si cet animal a causé du tort à un humain : S'il s'agit d'un animal habituel : Non d'après les Mujtahidûn, en vertu de l'application du hadîth : "العجماء جرحها جبار" (al-Bukhârî, Muslim). Sauf que l'école hanbalite précise que s'il s'agit d'un chien mordeur, le propriétaire est responsable si cet animal mord quelqu'un à l'extérieur de sa demeure ; de même qu'à l'intérieur de sa demeure si ce quelqu'un y est entré avec l'autorisation du propriétaire : "أو اقتنى كلبا عقورا، فعقر، أو خرق ثوبا، ضمن) نص عليه؛ لأنه متعد باقتنائه. (إلا أن يكون دخل منزله بغير إذنه) في رواية؛ لأنه متعد بالدخول، فلم يضمنه المقتني؛ وظاهره أنه لو دخل بإذنه فإنه يضمنه الآذن لأنه تسبب إلى تلفه" (Al-Mubdi').
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Wallâhu A'lam (Dieu sait mieux).