Trois articles à lire au préalable :
--- Cinq acceptions du terme "Naskh" (et donc de : "Mansûkh") (خمسة معان للفظ النسخ), seules 2 (sur les 5) constituant de l'abrogation véritable et définitive ;
--- Les 3 versets du Coran qui évoquent l'abrogation - Il existe, comme versets véritablement abrogés : le Mansûkh ut-tilâwa wa-l-hukm ; le Mansûkh ut-tilâwa dûn al-hukm ; et le Mansûkh ul-hukm dûn at-tilâwa ;
--- Le concept de l'abrogation d'une Norme (نسخ الحكم) ; seules deux (sur les 3) constituent de l'abrogation définitive.
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Au sujet du nombre exact de versets du Coran ayant connu une abrogation véritable, définitive et complète (mansûkh ul-hukm naskhan kulliyan) :
--- Ibn ul-'Arabî en a dénombré 21 ;
--- as-Suyutî : 20 (Al-Itqân, p. 712) ;
--- Shâh Waliyyullâh : 5 au sujet desquels on est certain (Al-Fawz ul-kabîr fi ussûl it-tafsîr, p. 60).
J'ai repris les travaux de Shâh Waliyyullâh, mais propose humblement un nombre légèrement plus élevé : 9 versets mansûkh ul-hukm nas'khan kulliyan...
Je pense qu'il y a, par ailleurs, 11 versets nâsikh.
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– En I sont exposés les 11 versets dont je crois qu'il induisent une abrogation, étant donc nâsikh...
--- En I.I sont cités les 9 versets que je crois être complètement abrogeants (nâsikh) d'un hukm induit par un verset coranique antérieur (lequel est donc devenu mansûkh naskhan kulliyyan) :
----- les 5 versets qui sont connus et reconnus tels : au point I.I.I ;
----- 2 autres au point I.I.II ;
----- 2 autres encore au point I.I.III : au sujet de ces 2 derniers, c'est l'avis de leur abrogation qui m'a paru plus pertinent.
--- Et en I.II sont mentionnés 2 autres versets qui sont eux aussi abrogeants (nâsikh), mais d'un hukm cette fois induit par la Sunna (et non plus par un verset antérieur du Coran).
– Ensuite, en II, nous verrons un verset dont le hukm (la restriction des interdits alimentaires à 4 choses) n'est certes plus en vigueur ; cependant, soit il n'y a pas eu abrogation, dans la mesure où la restriction énoncée tout d'abord était relative, étant formulée seulement en faisant allusion au fait que cela est vrai à ce moment de la révélation seulement ; dès lors, par la suite il n'y a eu qu'augmentation du nombre d'interdits, et ce par la Sunna (dans ce cas, le total des versets présents dans le texte coranique mais dont le hukm est abrogé serait bien de 9) ; soit il y a dûment eu abrogation (et ce par un autre verset coranique, révélé ultérieurement), ce qui porterait le total des versets présents dans le texte coranique mais dont le hukm est abrogé à 10.
– Enfin, en III, sont cités 4 versets au sujet desquels je suis l'avis qui dit que leur hukm n'est pas abrogé.
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– I) Cas où le verset induit une abrogation (cela étant soit un cas d'abrogation qui est reconnu à l'unanimité, soit un cas d'abrogation d'après une interprétation qui m'a paru être de poids) :
–--- I.I) Et c'est ce qui avait été institué par un verset du Coran qui a été abrogé par un verset du Coran révélé postérieurement (نسْخ القرآنِ الحكمَ الثابتَ بالقرآن) :
–----- I.I.I) Cas d'abrogation connus :
- 1) L'obligation de faire un testament en faveur de ses deux parents :
Un verset coranique dit qu'il est obligatoire de faire un testament en faveur de ses parents :
--- "كُتِبَ عَلَيْكُمْ إِذَا حَضَرَ أَحَدَكُمُ الْمَوْتُ إِن تَرَكَ خَيْرًا الْوَصِيَّةُ لِلْوَالِدَيْنِ وَالأقْرَبِينَ بِالْمَعْرُوفِ حَقًّا عَلَى الْمُتَّقِينَ" (Coran 2/180).
Or cette obligation a été abrogée : il n'y a plus obligation de faire un testament en faveur d'un ayant-droit parmi ceux qui héritent de nous.
C'est cet autre verset qui a abrogé cela :
--- "يُوصِيكُمُ اللّهُ فِي أَوْلاَدِكُمْ لِلذَّكَرِ مِثْلُ حَظِّ الأُنثَيَيْنِ فَإِن كُنَّ نِسَاء فَوْقَ اثْنَتَيْنِ فَلَهُنَّ ثُلُثَا مَا تَرَكَ وَإِن كَانَتْ وَاحِدَةً فَلَهَا النِّصْفُ وَلأَبَوَيْهِ لِكُلِّ وَاحِدٍ مِّنْهُمَا السُّدُسُ مِمَّا تَرَكَ إِن كَانَ لَهُ وَلَدٌ فَإِن لَّمْ يَكُن لَّهُ وَلَدٌ وَوَرِثَهُ أَبَوَاهُ فَلأُمِّهِ الثُّلُثُ فَإِن كَانَ لَهُ إِخْوَةٌ فَلأُمِّهِ السُّدُسُ مِن بَعْدِ وَصِيَّةٍ يُوصِي بِهَا أَوْ دَيْنٍ آبَآؤُكُمْ وَأَبناؤُكُمْ لاَ تَدْرُونَ أَيُّهُمْ أَقْرَبُ لَكُمْ نَفْعاً فَرِيضَةً مِّنَ اللّهِ إِنَّ اللّهَ كَانَ عَلِيما حَكِيمًا" (Coran 4/11).
Quant au hadîth suivant, il n'a fait que mettre cela en lumière : "عن أبي أمامة الباهلي قال: سمعت رسول الله صلى الله عليه وسلم يقول في خطبته عام حجة الوداع: "إن الله تبارك وتعالى قد أعطى لكل ذي حق حقه، فلا وصية لوارث" (at-Tirmidhî, 2120 ; Abû Dâoûd, 3565 ; la narration comporte encore d'autres phrases, non relatées ici) ; "عن عمرو بن خارجة، أن النبي صلى الله عليه وسلم خطب على ناقته وأنا تحت جرانها وهي تقصع بجرتها وإن لعابها يسيل بين كتفي، فسمعته يقول: "إن الله أعطى كل ذي حق حقه، ولا وصية لوارث" (at-Tirmidhî, 2121 : il y a une suite non relatée ici).
En tous cas, il y a eu ici un Naskh de type C.B.
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- 2) La consommation d'alcool :
D'abord la consommation d'alcool était demeurée "sous silence" (maskût 'anh) malgré son caractère répandu, ce qui lui faisait bénéficier (comme toute action relevant du domaine des affaires temporelles, al-'âdât), de la règle originelle de l'autorisation (al-jawâz ul-aslî).
--- "وَمِن ثَمَرَاتِ النَّخِيلِ وَالأَعْنَابِ تَتَّخِذُونَ مِنْهُ سَكَرًا وَرِزْقًا حَسَنًا" (Coran 16/67) ;
--- "يَسْأَلُونَكَ عَنِ الْخَمْرِ وَالْمَيْسِرِ قُلْ فِيهِمَا إِثْمٌ كَبِيرٌ وَمَنَافِعُ لِلنَّاسِ وَإِثْمُهُمَآ أَكْبَرُ مِن نَّفْعِهِمَا" (Coran 2/219).
C'est seulement à l'étape suivante que, pour la première fois, une interdiction a été formulée au sujet de l'alcool :
--- "يَا أَيُّهَا الَّذِينَ آمَنُواْ لاَ تَقْرَبُواْ الصَّلاَةَ وَأَنتُمْ سُكَارَى حَتَّىَ تَعْلَمُواْ مَا تَقُولُونَ" (Coran 4/43).
Elle n'a alors cependant touché que la consommation d'alcool provoquant l'ivresse et faite "à proximité des horaires des prières rituelles", sans dire non plus que sa consommation lors d'autres horaires serait alors "autorisée" : cela est seulement resté "sous silence". L'autorisation (due au silence de la révélation) d'être ivre à n'importe quel moment (autorisation encore présente après la révélation de 2/219) a été abrogée par ce verset 4/43 : il s'agit d'un Naskh de type B. Cette fois il y eut restriction partielle (Naskh Juz'î) : interdiction de l'ivresse seulement, et uniquement à certains moments de la journée.
--- Enfin, une nouvelle révélation est venue en interdire toute consommation, et à tout moment : "يَا أَيُّهَا الَّذِينَ آمَنُواْ إِنَّمَا الْخَمْرُ وَالْمَيْسِرُ وَالأَنصَابُ وَالأَزْلاَمُ رِجْسٌ مِّنْ عَمَلِ الشَّيْطَانِ فَاجْتَنِبُوهُ لَعَلَّكُمْ تُفْلِحُونَ إِنَّمَا يُرِيدُ الشَّيْطَانُ أَن يُوقِعَ بَيْنَكُمُ الْعَدَاوَةَ وَالْبَغْضَاء فِي الْخَمْرِ وَالْمَيْسِرِ وَيَصُدَّكُمْ عَن ذِكْرِ اللّهِ وَعَنِ الصَّلاَةِ فَهَلْ أَنتُم مُّنتَهُونَ" (Coran 5/90-91).
Vu que la restriction partielle induite par 4/43 (interdiction de l'ivresse seulement, et uniquement à certains moments de la journée) impliquait elle aussi l'autorisation - à cause du silence de la révélation - de tout le reste (c'est-à-dire d'être ivre à d'autres moments de la journée, ainsi que de consommer une quantité d'alcool insuffisante pour enivrer), cette autorisation de ces actions fut donc elle aussi abrogée par 5/90-91 : il s'agit donc, ici encore, d'un Naskh de type B. C'est cette fois qu'il s'est agi d'un Naskh Kullî, par le verset 5/90, du hukm induit par le verset 4/43.
Ibn Abbâs : "عن ابن عباس: قال: "{يا أيها الذين آمنوا لا تقربوا الصلاة وأنتم سكارى} و{يسألونك عن الخمر والميسر قل فيهما إثم كبير ومنافع للناس}: نسختهما التي في المائدة {إنما الخمر والميسر والأنصاب} الآية" : "Le verset qui se trouve dans (sourate) al-Mâ'ïda (...) [Coran 5/90] a fait Naskh des deux [versets coraniques 2/219 et 4/43]" (Abû Dâoûd, 3672).
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- 3) La disproportion à partir de laquelle abandonner sur le champ de bataille devient autorisé :
La règle de l'interdiction de fuir une fois sur le champ de bataille (cela concernant bien sûr le cas où il y a une bataille légale) est dite ici : "يَا أَيُّهَا الَّذِينَ آمَنُواْ إِذَا لَقِيتُمُ الَّذِينَ كَفَرُواْ زَحْفاً فَلاَ تُوَلُّوهُمُ الأَدْبَارَ. وَمَن يُوَلِّهِمْ يَوْمَئِذٍ دُبُرَهُ - إِلاَّ مُتَحَرِّفاً لِّقِتَالٍ أَوْ مُتَحَيِّزاً إِلَى فِئَةٍ - فَقَدْ بَاء بِغَضَبٍ مِّنَ اللّهِ وَمَأْوَاهُ جَهَنَّمُ وَبِئْسَ الْمَصِيرُ" (Coran 8/15-16). Or, il y a comme exception à cela le cas où il s'agit juste d'un repli tactique ; ou d'un repli avec intention de rejoindre les renforts, et, alors, de revenir : cela aussi est mentionné dans ce verset : "إِلاَّ مُتَحَرِّفاً لِّقِتَالٍ أَوْ مُتَحَيِّزاً إِلَى فِئَةٍ" (Coran 8/16). Un vrai abandon n'est possible que lorsqu'il s'agit d'un cas autre que l'invasion de la cité (il s'agit plutôt d'un cas de rencontre des deux armées en terrain "neutre") et qu'il y a une disproportion trop importante entre le nombre des combattants ennemis et celui de l'armée musulmane (il s'agit bien d'une armée, et non pas d'un individu musulman isolé à qui deux ressortissants ennemis s'en prennent : FB 8/397).
Or, d'abord Dieu avait fixé cette disproportion à : plus de 10 fois plus élevé :
--- "إِن يَكُن مِّنكُمْ عِشْرُونَ صَابِرُونَ يَغْلِبُواْ مِئَتَيْنِ وَإِن يَكُن مِّنكُم مِّئَةٌ يَغْلِبُواْ أَلْفًا مِّنَ الَّذِينَ كَفَرُواْ بِأَنَّهُمْ قَوْمٌ لاَّ يَفْقَهُونَ" (Coran 8/65). C'était donc seulement si l'ennemi est : plus de 10 plus nombreux qu'eux, que les Compagnons pouvaient abandonner le combat.
Ensuite, suite à la requête de ces derniers, Il a ramené cela à : plus de 2 fois plus élevé :
--- "الآنَ خَفَّفَ اللّهُ عَنكُمْ وَعَلِمَ أَنَّ فِيكُمْ ضَعْفًا فَإِن يَكُن مِّنكُم مِّئَةٌ صَابِرَةٌ يَغْلِبُواْ مِئَتَيْنِ وَإِن يَكُن مِّنكُمْ أَلْفٌ يَغْلِبُواْ أَلْفَيْنِ بِإِذْنِ اللّهِ وَاللّهُ مَعَ الصَّابِرِينَ" (Coran 8/66).
Attention : Cela ne concerne pas le cas où l'ennemi tente d'envahir la Dâr ul-islâm (le cas "B.1.a" dans mon article exposant les différents cas de combats, défensifs et offensifs), puisque à Uhud et lors de al-Ahzâb (où l'ennemi était venu jusqu'à Médine), bien que la proportion de l'ennemi était plus de 2 fois plus élevée, le Coran a adressé des reproches à ceux qui se sont dérobés.
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- 4) Le fait que les Mawla-l-Muwâlât héritent eux aussi :
--- "إِنَّ الَّذِينَ آمَنُواْ وَهَاجَرُواْ وَجَاهَدُواْ بِأَمْوَالِهِمْ وَأَنفُسِهِمْ فِي سَبِيلِ اللّهِ وَالَّذِينَ آوَواْ وَّنَصَرُواْ أُوْلَئِكَ بَعْضُهُمْ أَوْلِيَاء بَعْضٍ. وَالَّذِينَ آمَنُواْ وَلَمْ يُهَاجِرُواْ مَا لَكُم مِّن وَلاَيَتِهِم مِّن شَيْءٍ حَتَّى يُهَاجِرُواْ وَإِنِ اسْتَنصَرُوكُمْ فِي الدِّينِ فَعَلَيْكُمُ النَّصْرُ إِلاَّ عَلَى قَوْمٍ بَيْنَكُمْ وَبَيْنَهُم مِّيثَاقٌ. وَاللّهُ بِمَا تَعْمَلُونَ بَصِيرٌ" : "Ceux qui ont apporté foi, ont émigré et lutté par leurs biens et leurs personnes dans le Chemin de Dieu, ainsi qui ceux qui ont donné refuge et apporté aide, ceux-là sont Awliyâ' les uns des autres. Et (quant à) ceux qui ont apporté foi et n'ont pas émigré, vous n'avez rien de leur Wilâya jusqu'à ce qu'ils émigrent ; (...)" (Coran 8/72). Ici Wilâya a le sens d'héritage (Ibn Abbâs : cf. Bayân ul-Qur'ân). "وَأُوْلُواْ الأَرْحَامِ بَعْضُهُمْ أَوْلَى بِبَعْضٍ فِي كِتَابِ اللّهِ إِنَّ اللّهَ بِكُلِّ شَيْءٍ عَلِيمٌ" : "Et les gens de parenté, les uns sont plus méritants des autres, dans ce que Dieu a prescrit. Dieu est de toute chose Sachant" (Coran 8/75).
Depuis l'Emigration à Médine et jusqu'à la Conquête de La Mecque :
--- Si l'Emigrant défunt laissait des personnes de consanguinité qui étaient musulmanes mais n'avaient pas elles aussi émigré, ces personnes n'héritaient pas de lui : dans ce cas, c'était celui dont il avait été nommé "le frère" parmi les Auxiliaires (Ansâr) qui héritait de lui ;
--- Par contre, si l'Emigrant (muhâjirî) défunt laissait derrière lui des personnes de consanguinité étant musulmanes et ayant elles aussi émigré, elles héritaient de lui (en vertu de 8/75) ; quant à celui qui (et celui qui avait été désigné "frère" parmi les Auxiliaires n'héritait pas tout le legs de lui.
--- "وَلِكُلٍّ جَعَلْنَا مَوَالِيَ مِمَّا تَرَكَ الْوَالِدَانِ وَالأَقْرَبُونَ. وَالَّذِينَ عَقَدَتْ أَيْمَانُكُمْ فَآتُوهُمْ نَصِيبَهُمْ. إِنَّ اللّهَ كَانَ عَلَى كُلِّ شَيْءٍ شَهِيدًا" : "Et pour tout (bien matériel) de ce que les deux parents et les proches laissent, Nous avons assigné des Mawlâ. Et ceux avec qui vous avez noué vos serments, donnez-leur leur part" (Coran 4/33 ; traduction d'après l'un des commentaires existant). "Mawlâ" signifie : "héritiers" (Ibn Abbas : al-Bukhârî, kitâb ut-tafsîr). "Ceux avec qui vous avez noué vos serments" sont les Mawâli-l-Muwâlât (sing. : Mawla-l-Muwâlât). Auparavant, au cas où le défunt laissait aussi des proches parents ayant émigré, le Mawla-l-muwâlât touchait seulement 1/6ème du legs, et le reste allait à ces proches (et c'est en fait ce que le verset 4/33 dit : "وَالَّذِينَ عَقَدَتْ أَيْمَانُكُمْ فَآتُوهُمْ نَصِيبَهُمْ") ; c'est ainsi que Qatâda a commenté cette phrase (rapporté par at-Tabarî : Fat'h ul-bârî 8/314).
Puis même cette part de 1/6ème fut abrogée par le verset 33/6 :
--- "وَأُوْلُو الْأَرْحَامِ بَعْضُهُمْ أَوْلَى بِبَعْضٍ فِي كِتَابِ اللَّهِ مِنَ الْمُؤْمِنِينَ وَالْمُهَاجِرِينَ؛ إِلَّا أَن تَفْعَلُوا إِلَى أَوْلِيَائِكُم مَّعْرُوفًا كَانَ ذَلِكَ فِي الْكِتَابِ مَسْطُورًا" : "Et les détenteurs de lien de consanguinité ont, d'après le Décret de Dieu, priorité entre eux [dans le droit de succession] sur les (autres) croyants et émigrants. Sauf si vous faites quelque chose de bien en faveur de vos Awliyâ'..." (Coran 33/6) : ce "quelque chose de bien" est un testament en faveur des Mawla-l-Muwâlât (lequel testament ne peut cependant pas dépasser le tiers du legs).
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- 5) L'obligation de donner une aumône aux pauvres avant d'avoir une discussion privée avec le Prophète (sur lui soit la paix) :
"يَا أَيُّهَا الَّذِينَ آمَنُوا إِذَا نَاجَيْتُمُ الرَّسُولَ فَقَدِّمُوا بَيْنَ يَدَيْ نَجْوَاكُمْ صَدَقَةً ذَلِكَ خَيْرٌ لَّكُمْ وَأَطْهَرُ فَإِن لَّمْ تَجِدُوا فَإِنَّ اللَّهَ غَفُورٌ رَّحِيمٌ" (Coran 58/12).
Cette obligation fut abrogée par : "أَأَشْفَقْتُمْ أَن تُقَدِّمُوا بَيْنَ يَدَيْ نَجْوَاكُمْ صَدَقَاتٍ فَإِذْ لَمْ تَفْعَلُوا وَتَابَ اللَّهُ عَلَيْكُمْ فَأَقِيمُوا الصَّلَاةَ وَآتُوا الزَّكَاةَ وَأَطِيعُوا اللَّهَ وَرَسُولَهُ وَاللَّهُ خَبِيرٌ بِمَا تَعْمَلُونَ" (Coran 58/13).
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–----- I.I.II) Cas où c'est l'abrogation qui semble plus convaincante (bien qu'il existe une petite divergence sur le sujet) :
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- 6) L'obligation d'accomplir la prière rituelle de nuit (salât ut-tahajjud) :
Au tout début, accomplir la prière de nuit était soit obligatoire (fardh) (Zâd ul-massîr), soit fortement recommandé (mandûb mu'akkad) (Al-Fawz ul-kabîr, p. 60), pour le Prophète (sur lui soit la paix) et pour les croyants.
De plus, cette prière de nuit devait durer au moins le tiers de la nuit ; il était encore mieux qu'elle dure la moitié de la nuit, et, mieux encore, les deux tiers de la nuit (la nuit débutant au coucher du soleil et se terminant à l'aube). Et il était demandé de réciter lentement le Coran pendant cette longue prière :
--- "يَا أَيُّهَا الْمُزَّمِّلُ قُمِ اللَّيْلَ إِلَّا قَلِيلًا نِصْفَهُ أَوِ انقُصْ مِنْهُ قَلِيلًا أَوْ زِدْ عَلَيْهِ وَرَتِّلِ الْقُرْآنَ تَرْتِيلًا إِنَّا سَنُلْقِي عَلَيْكَ قَوْلًا ثَقِيلًا إِنَّ نَاشِئَةَ اللَّيْلِ هِيَ أَشَدُّ وَطْءًا وَأَقْوَمُ قِيلًا إِنَّ لَكَ فِي اَلنَّهَارِ سَبْحًا طَوِيلًا" (Coran 73/1-7). "نصفه}: هذا بدل من "الليل" (Zâd ul-massîr) ; "أو انقص منه قليلا} أي: من النصف، {أو زد عليه} أي: على النصف. قال المفسرون: "انقص من النصف إلى الثلث، أو زد عليه إلى الثلثين" (Ibid.). "وقال الزجاج: (...) والضمير في {منه} و{عليه} للنصف. المعنى: "قم نصف الليل، أو انقص من النصف قليلا إلى الثلث، أو زد عليه قليلا إلى الثلثين"؛ فكأنه قال: "قم ثلثي الليل أو نصفه أو ثلثه" (Tafsîr ul-Qurtubî).
Ensuite, suite à l'institution des 5 salâts, le caractère obligatoire de la salât ut-tahajjud fut abrogé par l'institution des 5 prières rituelles obligatoires bien connues, pour être ramené à une simple recommandation (nadb), et ce pour les Compagnons comme pour le Prophète lui-même (c'est l'un des commentaires : cf. les kutub ut-tafsîr, par exemple : Zâd ul-massîr).
Or c'est juste après le moment du voyage nocturne, lors duquel le Prophète reçut l'ordre que lui et sa Umma ont 5 prières rituelles obligatoires chaque jour, chose qu'il a retransmise à ses Compagnons verbalement, que le Coran est venu étayer le caractère obligatoire de ces prières dans le passage suivant (ce passage étant allusif, et n'évoquant pas textuellement 5 prières) :
--- "أَقِمِ الصَّلاَةَ لِدُلُوكِ الشَّمْسِ إِلَى غَسَقِ اللَّيْلِ وَقُرْآنَ الْفَجْرِ إِنَّ قُرْآنَ الْفَجْرِ كَانَ مَشْهُودًا وَمِنَ اللَّيْلِ فَتَهَجَّدْ بِهِ نَافِلَةً لَّكَ عَسَى أَن يَبْعَثَكَ رَبُّكَ مَقَامًا مَّحْمُودًا" (Coran 17/78-79). "كان شرع الصلوات الخمس للأمة ليلة الإسراء، كما ثبت في الحديث الصحيح. ولكنه كان غير مثبت في التشريع المتواتر، إنما أبلغه النبيء أصحابه؛ فيوشك أن لا يعلمه غيرهم ممن يأتي من المسلمين. وأيضا فقد عينت الآية أوقاتا للصلوات بعد تقرر فرضها. فلذلك جاءت هذه الآية في هذه السورة التي نزلت عقب حادث الإسراء، جمعا للتشريع الذي شرع للأمة أيامئذ، المبتدأ بقوله تعالى {وقضى ربك أن لا تعبدوا إلا إياه} الآيات. فالجملة استئناف ابتدائي" (At-Tahrîr wa-t-tanwîr).
Ces versets ont donc abrogé le caractère auparavant obligatoire de la prière de nuit (salât ut-tahajjud).
Ce fut plus tard que fut révélé le verset 73/20, ayant été inséré à la fin de sourate Al-Muzzammil, dans lequel Dieu vint leur dire : "Récitez donc [dans la salât ut-tahajjud], du Coran, ce qui (vous) est facile" (فَتَابَ عَلَيْكُمْ فَاقْرَؤُوا مَا تَيَسَّرَ مِنَ الْقُرْآنِ) ; finie, donc, la durée minimale d'un tiers de la nuit pour salât ut-tahajjud.
--- "إِنَّ رَبَّكَ يَعْلَمُ أَنَّكَ تَقُومُ أَدْنَى مِن ثُلُثَيِ اللَّيْلِ وَنِصْفِهِ* وَثُلُثِهِ* وَطَائِفَةٌ مِّنَ الَّذِينَ مَعَكَ وَاللَّهُ يُقَدِّرُ اللَّيْلَ وَالنَّهَارَ عَلِمَ أَن لَّن تُحْصُوهُ فَتَابَ عَلَيْكُمْ فَاقْرَؤُوا مَا تَيَسَّرَ مِنَ الْقُرْآنِ عَلِمَ أَن سَيَكُونُ مِنكُم مَّرْضَى وَآخَرُونَ يَضْرِبُونَ فِي الْأَرْضِ يَبْتَغُونَ مِن فَضْلِ اللَّهِ وَآخَرُونَ يُقَاتِلُونَ فِي سَبِيلِ اللَّهِ فَاقْرَؤُوا مَا تَيَسَّرَ مِنْهُ وَأَقِيمُوا الصَّلَاةَ وَآتُوا الزَّكَاةَ وَأَقْرِضُوا اللَّهَ قَرْضًا حَسَنًا وَمَا تُقَدِّمُوا لِأَنفُسِكُم مِّنْ خَيْرٍ تَجِدُوهُ عِندَ اللَّهِ هُوَ خَيْرًا وَأَعْظَمَ أَجْرًا وَاسْتَغْفِرُوا اللَّهَ إِنَّ اللَّهَ غَفُورٌ رَّحِيمٌ" (Coran 73/20) (* selon la qirâ'ah de Nâfi', Ibn 'Âmir, Abû 'Amr et Ya'qûb).
Or (d'après l'interprétation qui m'a davantage convaincu) ce fut à Médine que ce verset 73/20 fut révélé ; témoin la mention du fait que certains Compagnons devaient aller combattre, chose qui ne fut instituée qu'à Médine ("وقال ابن يسار ومقاتل: فيها آية مدنية، وهي قوله عز وجل: {إن ربك يعلم أنك تقوم}" : Zâd ul-massîr).
Et entre la révélation du début de cette sourate et ce dernier verset, ce furent 10 ans qui s'écoulèrent (c'est ce que Sa'îd ibn Jubayr affirme pour sa part : "عن سعيد، قال: "لما أنزل الله على نبيه: {يَا أَيُّهَا الْمُزَّمِّلُ} قال: مكث النبيّ ﷺ على هذا الحال عشر سنين يقوم الليل كما أمره الله، وكانت طائفة من أصحابه يقومون معه. فأنزل الله عليه بعد عشر سنين: {إِنَّ رَبَّكَ يَعْلَمُ أَنَّكَ تَقُومُ أَدْنَى مِنْ ثُلُثَيِ اللَّيْلِ وَنِصْفَهُ وَطَائِفَةٌ مِنَ الَّذِينَ مَعَكَ} إلى قوله: {وَأَقِيمُوا الصَّلاةَ}. فخفَّف الله عنهم بعد عشر سنين" : Tafsîr ut-Tabarî, 35032).
Comment cela s'articule-t-il donc avec l'abrogation du caractère obligatoire de salât ut-tahajjud depuis l'institution des 5 prières obligatoires, laquelle eut lieu à La Mecque, par Coran 17/78-79 ?
Je ne suis certain de rien.
Serait-il possible que l'explication soit la suivante :
"أُثبِتت بمكة فرضية قيام الليل مع تقديره بثلث الليل على الأقل.
ثم نُسِخ حكمه من الفرضية إلى الندب: بمكة؛ وذلك حين فُرِضت الصلوات الخمس.
ثم - وقد كان رسول الله (صلى الله عليه وسلم) وطائفة من أصحابه يقومون أقلّ من ثلث الليل بسبب عدم الإطاقة - بُيِّنَ لهم - وهم بالمدينة - أنّ تقدير صلاة القيام بثلث الليل: تاب الله عنهم فيه.
Avec l'institution du caractère obligatoire des 5 salâts quotidiennes, la salât ut-tahajjud fut ramenée au niveau "simplement recommandé" ; cependant, même devenue recommandée, rien ne fut spécifié quant à sa durée : devait-elle, pour être valide (bien que seulement recommandée), durer toujours au moins un tiers de la nuit ? ou bien maintenant elle pouvait être de n'importe quelle durée ?
Voici un cas voisin mais différent : Le jeûne du jour de 'âshûrâ' fut, en muharram de l'an 2 de l'hégire, obligatoire ; or, avec l'institution - quelques mois plus tard - du caractère obligatoire du jeûne de ramadan, le jeûne du jour de 'âshûrâ' fut ramené du niveau "obligatoire" au niveau "recommandé" ; cependant, même alors, ce jeûne devait bien, pour être considéré "accompli", durer le même laps de temps que le jeûne obligatoire. On note toutefois que le cas du jeûne est différent de celui de la prière rituelle, dans la mesure où le jeûne occupe tout son horaire, alors que la prière est accomplie pendant seulement un laps de temps de tout son horaire.
Pour en revenir à la salât ut-tahajjud, désormais, le Prophète et les Compagnons ne pouvaient parfois l'accomplir que pendant moindre que le tiers requis de façon minimale ; ils furent alors inquiets (شَقَّ عليهم).
Ce verset vint alors entériner ce qu'ils faisaient déjà depuis un moment malgré eux (pour cause de fatigue) concernant cette action de caractère "recommandé" ; il vint leur dire : le qiyâm ul-layl se fait à la longueur que l'on peut, et même : que l'on veut.
Serait-il possible que ce soit là le sens de ce verset 73/20 ?
Je ne suis certain de rien (لا أدري).
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- 7) La sanction exposée en Coran 4/15 :
--- "حَتَّىَ (...) يَجْعَلَ اللّهُ لَهُنَّ سَبِيلاً" (Coran 4/15).
--- C'est la Sunna qui est venue exposer la nouvelle règle, abrogeant l'antérieure (le hadîth en question a été rapporté par Muslim).
L'abrogation, par la Sunna, d'une règle induite par un verset du Coran, n'a été possible que parce qu'il s'agit d'une abrogation de type "C.A" : "بيان انتهاء المدة التي كان أعلن بها القرآن".
--- Il existe toutefois un commentaire différent de ce verset, selon lequel il n'y a pas eu, ici, Naskh : ce commentaire différent repose sur une autre interprétation du terme "sabîl" ici présent ; la détermination de l'action que le verset désigne s'en trouve elle aussi affectée (cf. Al-Bah'r ul-muhît : al-Gharnâtî l'a relatée, mais a donné préférence à l'interprétation classique). C'est bien cette interprétation classique que j'ai retenue ci-dessus.
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–----- I.I.III) Cas que certains ulémas ont considéré comme constituant une abrogation, d'autres pas (et c'est l'avis d'abrogation qui m'a paru être plus pertinent) :
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- 8) Coran 2/183-184 et Coran 2/185 :
--- "يَا أَيُّهَا الَّذِينَ آمَنُواْ كُتِبَ عَلَيْكُمُ الصِّيَامُ كَمَا كُتِبَ عَلَى الَّذِينَ مِن قَبْلِكُمْ لَعَلَّكُمْ تَتَّقُونَ أَيَّامًا مَّعْدُودَاتٍ فَمَن كَانَ مِنكُم مَّرِيضًا أَوْ عَلَى سَفَرٍ فَعِدَّةٌ مِّنْ أَيَّامٍ أُخَرَ وَعَلَى الَّذِينَ يُطِيقُونَهُ فِدْيَةٌ طَعَامُ مِسْكِينٍ فَمَن تَطَوَّعَ خَيْرًا فَهُوَ خَيْرٌ لَّهُ وَأَن تَصُومُواْ خَيْرٌ لَّكُمْ إِن كُنتُمْ تَعْلَمُونَ" (Coran 2/183-184).
– Selon l'un des deux avis relatés de Ibn Abbâs, la phrase "وَعَلَى الَّذِينَ يُطِيقُونَهُ فِدْيَةٌ طَعَامُ مِسْكِينٍ" signifie : "Et ceux qui n'ont pas la capacité de (jeûner) doivent une compensation : nourrir un pauvre" (Coran 2/184). Cela n'a alors pas été abrogé.
– Par contre, pour Salama ibn ul-Akwa', Ibn Omar, Ibn Mas'ûd, Mu'âdh ibn Jabal, 'Alqama, az-Zuhrî, d'autres encore, ainsi que l'un des deux avis relatés de Ibn Abbâs, ces 2 versets signifiaient que lorsque le ramadan fut rendu obligatoire, vu que les Arabes n'étaient pas habitués à pratiquer le jeûne (Tafsîr ut-Tabarî, 2725), au début il fut donné aux musulmans l'autorisation de remplacer chaque jour de jeûne par une compensation donnée à un pauvre : ceux qui avaient la capacité de payer cela pouvaient, s'ils le voulaient, y avoir recours ; la suite du verset précisait malgré tout : "Et que vous jeûniez est mieux, si vous saviez" (cf. Zâd ul-massîr).
Mais ensuite cette autorisation fut abrogée par l'obligation absolue de jeûner (seuls les malades et les voyageurs - ainsi que ceux se trouvant en cas comparable, à l'instar des femmes enceintes ou allaitant - pouvant depuis lors reporter l'accomplissement du jeûne à d'autres jours) :
--- "شَهْرُ رَمَضَانَ الَّذِيَ أُنزِلَ فِيهِ الْقُرْآنُ هُدًى لِّلنَّاسِ وَبَيِّنَاتٍ مِّنَ الْهُدَى وَالْفُرْقَانِ فَمَن شَهِدَ مِنكُمُ الشَّهْرَ فَلْيَصُمْهُ وَمَن كَانَ مَرِيضًا أَوْ عَلَى سَفَرٍ فَعِدَّةٌ مِّنْ أَيَّامٍ أُخَرَ يُرِيدُ اللّهُ بِكُمُ الْيُسْرَ وَلاَ يُرِيدُ بِكُمُ الْعُسْرَ وَلِتُكْمِلُواْ الْعِدَّةَ وَلِتُكَبِّرُواْ اللّهَ عَلَى مَا هَدَاكُمْ وَلَعَلَّكُمْ تَشْكُرُونَ" (Coran 2/185). "عن سلمة، قال: "لما نزلت: {وعلى الذين يطيقونه فدية طعام مسكين}، كان من أراد أن يفطر ويفتدي. حتى نزلت الآية التي بعدها فنسختها" (al-Bukhârî, 4237, Muslim, 1145).
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- 9) Coran 2/240 et Coran 2/234 :
--- "وَالَّذِينَ يُتَوَفَّوْنَ مِنكُمْ وَيَذَرُونَ أَزْوَاجًا وَصِيَّةً لِّأَزْوَاجِهِم مَّتَاعًا إِلَى الْحَوْلِ غَيْرَ إِخْرَاجٍ فَإِنْ خَرَجْنَ فَلاَ جُنَاحَ عَلَيْكُمْ فِي مَا فَعَلْنَ فِيَ أَنفُسِهِنَّ مِن مَّعْرُوفٍ وَاللّهُ عَزِيزٌ حَكِيمٌ" (Coran 2/240).
--- "وَالَّذِينَ يُتَوَفَّوْنَ مِنكُمْ وَيَذَرُونَ أَزْوَاجًا يَتَرَبَّصْنَ بِأَنفُسِهِنَّ أَرْبَعَةَ أَشْهُرٍ وَعَشْرًا فَإِذَا بَلَغْنَ أَجَلَهُنَّ فَلاَ جُنَاحَ عَلَيْكُمْ فِيمَا فَعَلْنَ فِي أَنفُسِهِنَّ بِالْمَعْرُوفِ وَاللّهُ بِمَا تَعْمَلُونَ خَبِيرٌ" (Coran 2/234).
– D'après la majorité des mujtahidûn, la règle induite par Coran 2/240 était l'obligation, pour la femme devenue veuve, d'observer 1 an de viduité. En fait, il n'y avait alors pas de part d'héritage pour la veuve, et il fallait que, de son vivant, le mari fasse un testament, en vertu duquel la veuve allait pouvoir bénéficier du logis pendant un an - si elle le désirait -, ainsi que de de l'entretien (elle serait nourrie et vêtue) pendant un an, à partir de ce que le mari allait laisser de legs.
Des versets postérieurs ayant attribué à chaque proche sa part d'héritage ayant été révélés, cette règle de l'obligation de tester en faveur de son épouse fut abrogée (Zâd ul-massîr, tome 1 pp. 251-252).
Quant au délai de viduité de 1 an, il fut abrogé par la règle induite par Coran 2/234, ayant été ramenée alors à 4 mois et 10 nuits (ce verset 2/234 étant antérieur au verset 2/240 dans l'ordonnancement du texte coranique, mais postérieur à lui dans l'ordre de révélation au Prophète).
– Pour Mujâhid ibn Jab'r, cependant, les choses ne sont pas ainsi : le verset 2/234 induit l'obligation d'observer un délai de viduité de 4 mois et 10 nuits. Quant au verset 2/240, il n'est pas abrogé, car il expose la possibilité (mashrû'iyya), pour le mari qui va mourir, de faire comme testament que son épouse demeurera dans la maison qu'il va laisser pendant encore 7 mois et 20 nuits après son décès : elle a alors la possibilité de rester ce laps de temps supplémentaire dans la maison conjugale, ou ne pas profiter de ce testament, et partir au bout des 4 mois de 10 nuits. D'après Mujâhid, pareil testament demeure toujours possible. "عن ابن أبي نجيح، عن مجاهد، {والذين يتوفون منكم ويذرون أزواجا} قال: "كانت هذه العدة تعتد عند أهل زوجها واجبا، فأنزل الله: {والذين يتوفون منكم ويذرون أزواجا وصية لأزواجهم متاعا إلى الحول غير إخراج فإن خرجن فلا جناح عليكم فيما فعلن في أنفسهن من معروف}". قال: "جعل الله لها تمام السنة سبعة أشهر وعشرين ليلة وصية، إن شاءت سكنت في وصيتها، وإن شاءت خرجت. وهو قول الله تعالى: {غير إخراج فإن خرجن فلا جناح عليكم}. فالعدة كما هي واجب عليها". زعم ذلك عن مجاهد" (al-Bukhârî, 5029 ; 4257).
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–--- I.II) Et c'est non pas ce qui avait été institué par un verset du Coran qui a été abrogé par un autre verset, mais ce qui avait été institué par la Sunna pendant un laps de temps qui a été abrogé par un verset du Coran (نسْخ القرآن الحكمَ الثابت بالسُنّة) :
- 10) Le changement de Qibla, passée de Bayt ul-Maqdis à la Kaaba :
Qatâda a dit : "وقال قتادة: كان الناس يتوجهون إلى أي جهة شاؤوا، بقوله: {ولله المشرق والمغرب}. ثم أمرهم باستقبال بيت المقدس" (Zâd ul-massîr). Ce propos de Qatâda, on peut le développer comme suit (même si la référence que Qatâda fait ici au verset 2/115 est discutable, j'y reviendrai plus bas, au point 13)...
--- Au début de l'islam, il n'y avait pas obligation de se tourner vers une Qibla : chacun s'orientait (Wij'ha) dans la direction (Jiha) qu'il voulait pour accomplir la prière rituelle et se prosterner devant Dieu (c'est l'avis de Qatâda, et aussi, relate Abû Hayyân, de al-Hassan) (sauf qu'il ne fallait bien sûr pas se prosterner devant une statue ou chose semblable). [Bien sûr, quand ils se trouvaient devant la Kaaba, les musulmans se tournaient naturellement vers elle pour la prière, mais cela n'était pas obligatoire. D'ailleurs, se trouvant ailleurs que devant la Kaaba, le Prophète - sur lui soit la paix - se tournait parfois vers Bayt ul-Maqdis.]
--- Puis, lorsque le Prophète - sur lui soit la paix - émigra à Yathrib (Médine) :
----- soit ordre lui fut donné de la part de Dieu, mais pas dans le Coran (wah'y ghayr matlû), de prendre Bayt ul-Maqdis comme Qibla ;
----- soit ijtihâd lui-même il fit, et il pensa qu'il y avait maintenant plus de Maslaha à se tourner vers Bayt ul-Maqdis ; il ordonna donc à tous ses Compagnons de suivre ce qu'il avait pensé suite à son ijtihâd (Shâh Waliyyullâh est d'avis que ce fut un ijtihâd de sa part : Hujjat ullâh il-bâligha, 1/356-357 ; 1/550-551).
--- Enfin, 17 mois plus tard, et alors que le Prophète lui-même le désirait, ordre lui fut donné, par quelque chose du Coran (wah'y matlû), de prendre la Kaaba comme Qibla : "قَدْ نَرَى تَقَلُّبَ وَجْهِكَ فِي السَّمَاء فَلَنُوَلِّيَنَّكَ قِبْلَةً تَرْضَاهَا فَوَلِّ وَجْهَكَ شَطْرَ الْمَسْجِدِ الْحَرَامِ وَحَيْثُ مَا كُنتُمْ فَوَلُّواْ وُجُوِهَكُمْ شَطْرَهُ" (Coran 2/144).
L'ordre communiqué par la Sunna de se tourner vers Bayt ul-Maqdis fut ainsi abrogé par ce verset du Coran ordonnant de se tourner désormais vers la Kaaba.
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- 11) Le changement de l'horaire du début du jeûne :
Au début, lors des nuits du jeûne, une fois qu'on s'était endormi, il devenait interdit de manger, boire et avoir des relations intimes : c'était à cette heure que le jeûne débutait [par contre, si on ne dormait pas du tout, alors le jeûne débutait depuis l'aube].
--- Cette interdiction était établie par la Sunna (conformément à l'un des deux avis existant : "قوله تعالى: {أحل لكم ليلة الصيام الرفث إلى نسائكم} إلى قوله تعالى: {كذلك يبين الله آياته للناس لعلهم يتقون}. اتفقوا على أن هذه الآية ناسخة، واختلفوا في المنسوخ هل كان ثابتًا بالسنة، أو القرآن؟ فذهب بعضهم إلى أنهم كانوا في أول الإسلام إذا نام أحدهم ليلة الصيام، لم يحل له الأكل ولا الجماع بعد ذلك، فنسخ ذلك هذه الآية" : Ahkâm ul-qur'ân, Ibn ul-Faras) (ces deux avis ont aussi été cités dans Al-Itqân, as-Suyûtî, p. 708).
--- Cette interdiction fut ensuite abrogée par ce verset du Coran : "أُحِلَّ لَكُمْ لَيْلَةَ الصِّيَامِ الرَّفَثُ إِلَى نِسَآئِكُمْ هُنَّ لِبَاسٌ لَّكُمْ وَأَنتُمْ لِبَاسٌ لَّهُنَّ عَلِمَ اللّهُ أَنَّكُمْ كُنتُمْ تَخْتانُونَ أَنفُسَكُمْ فَتَابَ عَلَيْكُمْ وَعَفَا عَنكُمْ فَالآنَ بَاشِرُوهُنَّ وَابْتَغُواْ مَا كَتَبَ اللّهُ لَكُمْ وَكُلُواْ وَاشْرَبُواْ حَتَّى يَتَبَيَّنَ لَكُمُ الْخَيْطُ الأَبْيَضُ مِنَ الْخَيْطِ الأَسْوَدِ مِنَ الْفَجْرِ ثُمَّ أَتِمُّواْ الصِّيَامَ إِلَى الَّليْلِ" (Coran 2/187).
"عن أبي إسحاق، عن البراء رضي الله عنه، قال: "كان أصحاب محمد صلى الله عليه وسلم إذا كان الرجل صائما، فحضر الإفطار، فنام قبل أن يفطر، لم يأكل ليلته ولا يومه حتى يمسي. وإن قيس بن صرمة الأنصاري كان صائما. فلما حضر الإفطار أتى امرأته، فقال لها: "أعندك طعام؟" قالت: "لا، ولكن أنطلق فأطلب لك"؛ وكان يومه يعمل، فغلبته عيناه. فجاءته امرأته، فلما رأته قالت: "خيبة لك". فلما انتصف النهار، غشي عليه. فذكر ذلك للنبي صلى الله عليه وسلم، فنزلت هذه الآية: {أحل لكم ليلة الصيام الرفث إلى نسائكم}، ففرحوا بها فرحا شديدا؛ ونزلت: {وكلوا واشربوا حتى يتبين لكم الخيط الأبيض من الخيط الأسود" (al-Bukhârî, 1816).
"عن كعب بن مالك، قال: كان الناس في رمضان، إذا صام الرجل فأمسى فنام، حرم عليه الطعام والشراب والنساء حتى يفطر من الغد. فرجع عمر بن الخطاب من عند النبي صلى الله عليه وسلم ذات ليلة، وقد سهر عنده، فوجد امرأته قد نامت، فأرادها، فقالت: "إني قد نمت"، قال: "ما نمت"، ثم وقع بها. وصنع كعب بن مالك مثل ذلك. فغدا عمر إلى النبي صلى الله عليه وسلم فأخبره. فأنزل الله تعالى: {علم الله أنكم كنتم تختانون أنفسكم فتاب عليكم وعفا عنكم" (Ahmad, 15795).
"عن أبي إسحاق، قال: سمعت البراء رضي الله عنه: "لما نزل صوم رمضان، كانوا لا يقربون النساء رمضان كله؛ وكان رجال يخونون أنفسهم. فأنزل الله {علم الله أنكم كنتم تختانون أنفسكم فتاب عليكم وعفا عنكم" (al-Bukhârî, 4238).
Ce que Ibn Abbâs relate sur le sujet est légèrement différent : lui expose que c'est après avoir accompli la salât ul-'ishâ' qu'ils ne devaient alors plus manger ni boire (Abû Dâoûd, 2313).
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– II) Cas où soit il n'y a pas du tout eu abrogation de ce que le Coran a induit : la Sunna a seulement rajouté d'autres interdits à ceux qui avaient été énoncés par le Coran (زيادة السنة على ما جاء في القرآن) ; soit il y a bien eu abrogation de la restriction induite par un verset du Coran, et ce par un autre verset, révélé ultérieurement :
- 12) Le fait que seuls 4 aliments étaient interdits au moment de la révélation du verset coranique 6/145 :
"قُل لاَّ أَجِدُ فِي مَا أُوْحِيَ إِلَيَّ مُحَرَّمًا عَلَى طَاعِمٍ يَطْعَمُهُ إِلاَّ أَن يَكُونَ مَيْتَةً أَوْ دَمًا مَّسْفُوحًا أَوْ لَحْمَ خِنزِيرٍ فَإِنَّهُ رِجْسٌ أَوْ فِسْقًا أُهِلَّ لِغَيْرِ اللّهِ بِهِ فَمَنِ اضْطُرَّ غَيْرَ بَاغٍ وَلاَ عَادٍ فَإِنَّ رَبَّكَ غَفُورٌ رَّحِيمٌ" : "Dis : "Je ne trouve, dans ce qui m'a été révélé, aucune chose interdite pour un mangeur (voulant) la manger, excepté que ce soit une bête morte, du sang répandu, de la chair de porc – car c'est une souillure –, ou ce par quoi, par mal, autre que Dieu a été invoqué." (...)" (Coran 6/145).
Ce verset 6/145 exprime explicitement une restriction des interdits alimentaires aux 4 choses qu'il mentionne.
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Or la Sunna a interdit bien d'autres nourritures au musulman : entre autres la chair de l'âne domestique, des animaux carnassiers (loup, lion, chien, chat, etc.), des oiseaux de proie, etc. (lire : Quels aliments ne sont pas autorisés pour le musulman, et pourquoi ?).
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– Soit il n'y a pas eu ici abrogation (car un hadîth n'abroge jamais à lui seul le hukm induit de façon inconditionnelle - mutlaqan - par un verset du Coran).
Ce qu'il y a ici c'est que ce verset 6/145 avait été révélé quand le Prophète vivait encore à La Mecque. Et il ne dit pas : "Il n'existe pas, auprès de Dieu, de chose interdite pour un consommateur (voulant) la consommer, excepté...", mais seulement : "Dis : "Je ne trouve pas, dans ce qui m'a été révélé, de chose interdite..." : ces termes font allusion à une certaine relativité dans le temps, cela eu égard au caractère connu d'étalement de la révélation, et de progressivité dans l'institution des règles (التدريج في التشريع).
La phrase signifie donc seulement ceci : "Je ne trouve pas, dans ce qui m'a été révélé [jusqu'à présent], de (chose) interdite pour un consommateur (voulant) la consommer, excepté...".
Après cela, une fois à Médine, le Prophète a reçu, par révélation non-coranique (wah'y ghayr matlû), la communication d'autres interdits encore pour la catégorie des choses consommables.
Cela est voisin (quoique différent) du cas "C.A" : le Coran disait seulement, à ce moment-là, que, pour le moment, il n'y a pas d'interdit alimentaire autre que les 4 cités ; cependant (et c'est ce qui fait la différence avec le cas "C.A"), il ne disait pas si plus tard d'autres interdits allaient être rajoutés, ou pas. Et, de fait, plus tard, la Sunna a procédé à des Ziyâda 'alâ kitâb illâh ("f"), ce qui ne constitue pas du Naskh.
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– Soit il y a bien, eu, ici abrogation de la restriction induite par Coran 6/145, mais cela le fut par un autre verset du Coran : le 4/43.
Le fait est que le verbe ici employé ("طعِم") s'emploie certes en premier lieu pour les aliments, mais aussi, par extension, pour la boisson (la preuve en est ce verset : "فَلَمَّا فَصَلَ طَالُوتُ بِالْجُنُودِ قَالَ إِنَّ اللّهَ مُبْتَلِيكُم بِنَهَرٍ فَمَن شَرِبَ مِنْهُ فَلَيْسَ مِنِّي وَمَن لَّمْ يَطْعَمْهُ فَإِنَّهُ مِنِّي" : Coran 2/249 ; et cet autre : "لَيْسَ عَلَى الَّذِينَ آمَنُواْ وَعَمِلُواْ الصَّالِحَاتِ جُنَاحٌ فِيمَا طَعِمُواْ إِذَا مَا اتَّقَواْ وَّآمَنُواْ وَعَمِلُواْ الصَّالِحَاتِ ثُمَّ اتَّقَواْ وَّآمَنُواْ ثُمَّ اتَّقَواْ وَّأَحْسَنُواْ وَاللّهُ يُحِبُّ الْمُحْسِنِينَ" : Coran 5/93, ce dernier faisant allusion à ceux qui avaient bu de l'alcool avant qu'il soit déclaré interdit). Et à La Mecque, l'alcool n'était pas encore déclaré illicite, et le verset 6/145 n'en interdisait pas la consommation, restreignant les choses consommables illicites au nombre de 4. Or, à Médine, l'alcool fut lui aussi ajouté à la liste des choses de consommation rendues illicites : "يَا أَيُّهَا الَّذِينَ آمَنُواْ إِنَّمَا الْخَمْرُ وَالْمَيْسِرُ وَالأَنصَابُ وَالأَزْلاَمُ رِجْسٌ مِّنْ عَمَلِ الشَّيْطَانِ فَاجْتَنِبُوهُ لَعَلَّكُمْ تُفْلِحُونَ" (Coran 5/90).
La restriction des interdits, induite par le verset 6/145, à 4 choses seulement, connut donc une abrogation par ce verset 5/90 aussi. Certes, l'interdiction complète de l'alcool n'eut lieu qu'en l'an 8 de l'hégire, alors même que dès l'an 7, le Prophète (sur lui soit la paix) disait à Khaybar que la chair de l'âne domestique est illicite ; cependant, une restriction de la consommation d'alcool avait commencé avant son interdiction complète : un verset était déjà venu interdire l'ivresse à proximité des horaires des prières rituelles : "يَا أَيُّهَا الَّذِينَ آمَنُواْ لاَ تَقْرَبُواْ الصَّلاَةَ وَأَنتُمْ سُكَارَى حَتَّىَ تَعْلَمُواْ مَا تَقُولُونَ" (Coran 4/43). Ce verset 4/43 avait donc induit une abrogation de la restriction énoncée en Coran 5/90.
"وقيل: أي لا أجد فيما أوحي إلي أي في هذه الحال حال الوحي ووقت نزوله؛ ثم لا يمتنع حدوث وحي بعد ذلك بتحريم أشياء أخر" (Tafsîr ul-Qurtubî 7/116) ; "والآية مكية. ولم يكن في الشريعة في ذلك الوقت محرم غير هذه الأشياء. ثم نزلت سورة المائدة بالمدينة، وزيد في المحرمات كالمنخنقة والموقوذة والمتردية والنطيحة والخمر وغير ذلك؛ وحرم رسول الله صلى الله عليه وسلم بالمدينة أكل كل ذي ناب من السباع وكل ذي مخلب من الطير" (Ibid. 7/115).
"قوله تعالى: {على طعام} الطعام يطلق على ما يطعم ويشرب: قال الله تعالى: {ومن لم يطعمه فإنه مني}، وقال: {ليس على الذين آمنوا وعملوا الصالحات جناح فيما طعموا} أي: ما شربوه من الخمر - على ما يأتي بيانه" (Tafsîr ul-Qurtubî, 1/422) ; "الخامسة: قوله تعالى: {طعموا} أصل هذه اللفظة في الأكل، يقال: "طعم الطعام وشرب الشراب". لكن قد تجوز في ذلك فيقال: "لم أطعم خبزا ولا ماء ولا نوما" (Ibid., 6/296) ; "الرابعة- قوله تعالى: {ومن لم يطعمه فإنه مني} يقال: "طعمت الشيء" أي ذقته. و"أطعمته الماء" أي أذقته. ولم يقل: "ومن لم يشربه" لأن من عادة العرب إذا كرروا شيئا أن يكرروه بلفظ آخر. ولغة القرآن أفصح اللغات، فلا عبرة بقدح من يقول: لا يقال: "طعمت الماء" (Ibid., 3/252).
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– III) Cas de quatre versets que certains ulémas ont considérés comme étant abrogés de hukm, d'autres pas (et c'est l'avis de leur non-abrogation qui m'a paru être plus pertinent) :
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- 13) Le verset "فَأَيْنَمَا تُوَلُّواْ فَثَمَّ وَجْهُ اللّهِ" : "Où que vous vous tourniez, là est la Face de Dieu" (Coran 2/115) a-t-il été abrogé par Coran 2/144 ?
Plus haut, au point 10, nous avions vu que le verset 2/144 vint abroger ce que la Sunna avait institué une fois le Prophète à Médine : se tourner vers Bayt ul-maqdis. Depuis la révélation de "قَدْ نَرَى تَقَلُّبَ وَجْهِكَ فِي السَّمَاء فَلَنُوَلِّيَنَّكَ قِبْلَةً تَرْضَاهَا؛ فَوَلِّ وَجْهَكَ شَطْرَ الْمَسْجِدِ الْحَرَامِ؛ وَحَيْثُ مَا كُنتُمْ فَوَلُّواْ وُجُوِهَكُمْ شَطْرَهُ" (Coran 2/144), prendre la direction de la Kaaba pour "se prosterner devant Dieu lors de la prière rituelle obligatoire" est désormais nécessaire, et le fait de se tourner vers Bayt ul-Maqdis est depuis lors abrogé.
En ce point 10, nous avions vu aussi qu'au début, à La Mecque, il y avait latitude pour la Wij'ha.
Cependant, est-ce que cette latitude fut évoquée par : "فَأَيْنَمَا تُوَلُّواْ فَثَمَّ وَجْهُ اللّهِ" : "Où que vous vous tourniez, là est la Face de Dieu" (Coran 2/115) (comme le pense Qatâda) ? ou bien fut-elle induite par la façon de faire du Prophète (sur lui soit la paix), qui prenait à La Mecque tantôt la Kaaba, et tantôt Bayt ul-maqdis comme Qibla (le verset 2/115 signifiant pour sa part tout autre chose) ?
En fait, de façon plus précise : Ce verset 2/115 a-t-il été révélé :
--- avant le passage 2/142-152 (lequel ordonne de prendre la Kaaba comme Qibla) ?
--- ou bien après ce passage ?
Si le 2/115 a été révélé avant ce passage, son contenu a-t-il été abrogé par ce que ce passage 2/142-152 est venu ordonner (c'est ce que pense Qatâda) ? ou bien ce que ce verset 2/115 induit est-il toujours valable ?
Différentes causes de révélations (asbâb un-nuzûl) ont été relatées de ce verset 2/115. On peut les voir dans Tafsîr ut-Tabarî, dans Zâd ul-massîr, et dans An-Nâssikh wa-l-Mansûkh (de Ibn ul-'Arabî). Parmi ces relations, :
--- certaines montrent que ce verset 2/115 fut révélé avant le verset 2/144 ;
--- d'autres que ce verset 2/115 fut révélé après le verset 2/144 (donc alors que la nécessité de prendre la Kaaba comme Qibla pour prier avait déjà été instituée).
En fait, "فَأَيْنَمَا تُوَلُّواْ" signifie :
--- A) soit : "Quelle que soit la direction vers laquelle vous tournez votre être pendant l'accomplissement de la prière rituelle" : "فَإلى أَيْنَمَا تُوَلُّوا وجوهكم لأداء الصلاة" ;
--- B) soit : "Quelle que soit la direction vers laquelle vous tournez votre être pour invoquer Dieu (du'â')" : "فَإلى أَيْنَمَا تُوَلُّوا وجوهكم لدعاء الله" ;
--- C) soit : "Quel que soit le lieu dans lequel vous vous trouvez sur Terre" : "فَأَيْنَمَا تذهبوا في الأرض".
Et dans "فَثَمَّ وَجْهُ اللَّهِ", "waj'h-ullâh" désigne :
--- a) soit : "sifat ullâh al-ma'rûfa" / ou encore : "Allah" : "وقال آخرون: معنى قول الله عز وجل: {فَثَمَّ وَجْهُ اللَّهِ}: فثم الله تبارك وتعالى" (Tafsîr ut-Tabarî) ;
--- b) soit : "qiblat-ullâh" : "عن مجاهد في قول الله عز وجل: {فأينما تولوا فثم وجه الله}، قال: "قبلة الله، فأينما كنت من شرق أو غرب فاستقبلها". (...) عن مجاهد قال: "حيثما كنتم، فلكم قبلة تستقبلونها؛ قال: الكعبة" (Tafsîr ut-Tabarî, 1836 et 1837) ;
--- c) soit : "ridha-llâh" : "وقال آخرون: معنى قوله: {فَثَمَّ وَجْهُ اللَّهِ}: "فثم تدركون بالتوجه إليه رضا الله، الذي له الوجه الكريم" (Tafsîr ut-Tabarî).
Si on retient le a, alors il n'y a ici nulle abrogation (car le naskh ne concerne pas les akhbâr) : il est toujours vrai que, où quelle que soit la direction que l'on prend pour accomplir la prière, Dieu se trouve véritablement dans cette direction, vu que Dieu est au-dessus du ciel et que ce dernier est sphérique.
C'est si on retient le b ou le c que la question se pose de savoir si le contenu du verset 2/115 est abrogé, ou pas...
--- D'après Qatâda (Tafsîr ut-Tabarî, 1827), ce verset 2/115 induisait de façon générale le hukm de pouvoir accomplir la prière rituelle tourné où l'on veut (c'est ainsi que at-Tabarî a présenté l'avis de Qatâda). Puis cette latitude fut abrogée : Qatâda a dit que le nâsikh est l'ordre de se tourner vers la Kaaba (at-Tabarî, 1826, 1827). Il pense donc que les 16 ou 17 mois passés à Médine à se tourner vers Bayt ul-Maqdis s'inscrivaient tout simplement au sein de cette latitude. On en déduit que lui aussi est de l'avis qui dit que le Prophète a alors agi par ijtihâd personnel (et pas sur la base d'une nouvelle révélation, wah'y ghayr matlû) ; ce qui entraîne que, même chez Qatâda, il n'y a pas eu ici abrogation, par un hadîth du Prophète, d'une latitude induite dans le Coran (en 2/115) : selon lui, le hukm induit par le 2/115 a été abrogé par un autre verset du Coran : le 2/144. En tous cas, selon Qatâda, le verset 2/115 a été révélé avant le 2/114 ; de plus, le 2/115 induisait une latitude, et celle-ci a été abrogée (mansûkh) par le 2/144.
--- Par contre, au sein de la "combinaison" A.b ou du A.c, d'autres commentaires existent encore : selon eux, ce verset 2/115 est venu évoquer :
--- soit le fait d'avoir, sur ordre de Dieu, pris auparavant Bayt ul-Maqdis comme Qibla, et maintenant la Kaaba (Ibn Abbâs : at-Tabarî, 1824) ; le verset signifie alors : "Quelle que soit la direction que vous avez prise pour accomplir la prière en suivant l'ordre de Dieu, là se trouve la Qibla agréée par Dieu" ;
--- soit le cas de la prière rituelle surérogatoire accomplie sur une monture hors de la ville (cette prière pouvant être effectuée dans la direction dans laquelle la monture se tourne, même si ce n'est pas celle de la Kaaba) : "عن ابن عمر قال: كان رسول الله يصلي وهو مقبل من مكة إلى المدينة على راحلته حيث كان وجهه. قال: وفيه نزلت {فأينما تولوا فثم وجه الله}" (Muslim, 700) ;
--- soit le cas de ceux qui, étant en voyage, ont accompli la prière lors d'une nuit très obscure en ayant fait les recherches nécessaires quant à la la direction de la Kaaba, mais se sont aperçues ensuite qu'ils s'étaient trompés : "عن عبد الله بن عامر بن ربيعة، عن أبيه قال: "كنا مع النبي صلى الله عليه وسلم في سفر في ليلة مظلمة، فلم ندر أين القبلة، فصلى كل رجل منا على حياله؛ فلما أصبحنا، ذكرنا ذلك للنبي صلى الله عليه وسلم، فنزل: "{فأينما تولوا فثم وجه الله" (at-Tirmidhî, 345, 2957) ;
--- soit le cas du Négus, auquel l'ordre de se tourner vers la Kaaba n'était pas du tout parvenu et qui continuait d'accomplir la prière tourné vers Bayt ul-Maqdis (at-Tabarî, 1835).
D'après ces autres commentaires, le hukm du verset 2/115 n'est nullement abrogé.
--- Il y a encore l'une des deux interprétations relatées de Mujâhid (lequel a retenu la "combinaison" C.b) : ce verset 2/115 évoque seulement, comme Qibla : la Kaaba (at-Tabarî, 1836, 1837) ; il a donc été révélé après le verset 2/144. Et ce verset 2/115 signifie seulement : "Où que vous soyez, vous pouvez aisément prendre la direction de la Kaaba, tel que cela vous a été prescrit" : "عن مجاهد في قول الله عز وجل: {فأينما تولوا فثم وجه الله}، قال: "قبلة الله، فأينما كنت من شرق أو غرب فاستقبلها". (...) عن مجاهد قال: "حيثما كنتم، فلكم قبلة تستقبلونها؛ قال: الكعبة" (Tafsîr ut-Tabarî, 1836 et 1837). Le hukm du verset 2/115 n'est, ici non plus, pas abrogé.
Lire d'autres commentaires encore de ce verset 2/115 dans notre article : La Wij'ha (وِجهة) (l'orientation) pendant la Salât (prière rituelle) était d'abord laissée libre....
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- 14) Le verset interdisant de combattre, dans le Haram, celui qui est ennemi - le seul combat alors autorisé étant le purement défensif - (Coran 2/191), son hukm est-il abrogé ?
Une phrase de ce verset 2/191 se lit ainsi : "وَلاَ تُقَاتِلُوهُمْ عِندَ الْمَسْجِدِ الْحَرَامِ حَتَّى يُقَاتِلُوكُمْ فِيهِ فَإِن قَاتَلُوكُمْ فَاقْتُلُوهُمْ كَذَلِكَ جَزَاء الْكَافِرِينَ فَإِن قَاتَلُوكُمْ فَاقْتُلُوهُمْ" : "Et ne les combattez pas auprès de la Mosquée Sacrée [= dans le Haram Makkî] tant qu'ils ne vous combattent pas là ; s'ils vous combattent [là], alors tuez-les ; ainsi est la rétribution de [ces] kâfir" (Coran 2/191). Ici il est dit ici que le seul cas de combat autorisé dans le territoire sacré de La Mecque est le combat purement défensif (soit le cas "B.1.a" dans mon article exposant les différents cas de combats, défensifs et offensifs).
Or :
--- Qatâda est d'avis que l'interdiction de combattre de façon offensive sur le territoire du Haram est abrogée (Tafsîr ut-Tabarî, 3095, 3096). Ibn Khuwayzi-mandâd aussi (Tafsîr ul-Qurtubî, 2/352). An-Nawawî est d'avis que combattre le bâghî installé dans le Haram est institué (Shar'h Muslim, 9/124-125). D'ailleurs le Prophète (sur lui soit la paix) a, en l'an 8 de l'hégire, attaqué de façon offensive La Mecque.
--- Par contre, selon Mujâhid (Tafsîr ut-Tabarî, 3098), l'interdiction de combattre de façon offensive sur le territoire du Haram est toujours en vigueur ; c'est également l'avis de Ibn ul-'Arabî (An-Nâssikh wa-l-mansûkh, p. 40) ; c'est aussi l'avis de Ibn ul-Jawzî (Zâd ul-massîr). Combattre de façon offensive est ainsi toujours interdit d'après certains malikites et certains shafi'ites (parmi lesquels al-Qaffâl as-saghîr) (Fat'h ul-bârî, 4/63) ; c'est aussi l'avis de at-Tabarî et de Ibn Dadîd il-'Îd (Ibid.).
----- Cet avis trouve appui sur le zâhir et le 'umûm des hadîths suivants : en ramadan de l'an 8, immédiatement après avoir conquis La Mecque par une offensive faisant suite à ce qui fut considéré comme une rupture du traité de paix, par une assistance à l'attaque de la part des Quraysh (il s'agit cette fois du cas "B.2.c" dans mon article exposant les cas de combats), le Prophète (sur lui soit la paix) précisa que c'est de façon vraiment exceptionnelle que attaquer la cité de La Mecque lui avait été autorisé, et que cette autorisation ne lui avait été accordée que pour un moment de la journée (le caractère sacré - et donc interdit - étant revenu juste après, comme il était auparavant) : "عن ابن عباس رضي الله عنهما، عن النبي صلى الله عليه وسلم قال: "حرم الله مكة، فلم تحل لأحد قبلي، ولا لأحد بعدي: أحلت لي ساعة من نهار. لا يختلى خلاها ولا يعضد شجرها، ولا ينفر صيدها، ولا تلتقط لقطتها إلا لمعرف" (al-Bukhârî, 1284 ; Muslim, 1353) ; "عن أبي هريرة: أن خزاعة قتلوا رجلا من بني ليث - عام فتح مكة - بقتيل منهم قتلوه. فأخبر بذلك النبي صلى الله عليه وسلم، فركب راحلته فخطب، فقال: "إن الله حبس عن مكة القتل، أو الفيل" - قال أبو عبد الله: كذا قال أبو نعيم: واجعلوه على الشك: الفيل أو القتل؛ وغيره يقول: الفيل - "وسلط عليهم رسول الله صلى الله عليه وسلم والمؤمنين. ألا وإنها لم تحل لأحد قبلي، ولم تحل لأحد بعدي، ألا وإنها حلت لي ساعة من نهار. ألا وإنها ساعتي هذه حرام، لا يختلى شوكها، ولا يعضد شجرها، ولا تلتقط ساقطتها إلا لمنشد. فمن قتل فهو بخير النظرين: إما أن يعقل، وإما أن يقاد أهل القتيل". فجاء رجل من أهل اليمن فقال: "اكتب لي يا رسول الله"، فقال: "اكتبوا لأبي فلان". فقال رجل من قريش: "إلا الإذخر يا رسول الله، فإنا نجعله في بيوتنا وقبورنا؟" فقال النبي صلى الله عليه وسلم: "إلا الإذخر إلا الإذخر" (al-Bukhârî, 112, Muslim, 1355) ; "عن أبي شريح، أنه قال لعمرو بن سعيد - وهو يبعث البعوث إلى مكة -: "ائذن لي أيها الأمير، أحدثك قولا قام به النبي صلى الله عليه وسلم الغد من يوم الفتح، سمعته أذناي ووعاه قلبي، وأبصرته عيناي حين تكلم به. حمد الله وأثنى عليه، ثم قال: "إن مكة حرمها الله، ولم يحرمها الناس. فلا يحل لامرئ يؤمن بالله واليوم الآخر أن يسفك بها دما، ولا يعضد بها شجرة. فإن أحد ترخص لقتال رسول الله صلى الله عليه وسلم فيها، فقولوا: "إن الله قد أذن لرسوله ولم يأذن لكم". وإنما أذن لي فيها ساعة من نهار، ثم عادت حرمتها اليوم كحرمتها بالأمس. وليبلغ الشاهد الغائب". فقيل لأبي شريح: "ما قال عمرو؟" قال: "أنا أعلم منك يا أبا شريح: لا يعيذ عاصيا ولا فارا بدم ولا فارا بخربة" (al-Bukhârî, 104, Muslim, 1354).
Et cet ordre de conquérir La Mecque - cette attaque constituant, le Prophète l'a dit, une exception temporaire au hukm de Coran 2/191 -, cela lui a été communiqué par trois versets du Coran, les 9/13-15 ; voici une partie du premier : "أَلاَ تُقَاتِلُونَ قَوْمًا نَّكَثُواْ أَيْمَانَهُمْ وَهَمُّواْ بِإِخْرَاجِ الرَّسُولِ وَهُم بَدَؤُوكُمْ أَوَّلَ مَرَّةٍ" : "Ne combattrez-vous pas un peuple qui a rompu son pacte, qui a voulu expulser le Messager, et qui ont (lancé l'offensive) contre vous une première fois ?" (Coran 9/13). D'après at-Thânwî, ce verset a été révélé après que les Quraysh eurent rompu le traité de paix et avant que le Prophète aille les combattre (cf. Bayân ul-qur'ân, commentaire de ce verset). C'est ce que semble vouloir dire as-Sa'dî lui aussi, lui qui écrit : "وَهُمْ بَدَءُوكُمْ أَوَّلَ مَرَّةٍ} حيث نقضوا العهد وأعانوا عليكم، وذلك حيث عاونت قريش ـ وهم معاهدون ـ بني بكر حلفاءهم على خزاعة حلفاء رسول اللّه ـ صلى الله عليه وسلم ـ وقاتلوا معهم، كما هو مذكور مبسوط في السيرة" (Tafsîr us-Sa'dî) ; "وهم بدؤوكم أول مرة} بالقتال، يعني: فعلهم ذلك يوم بدر؛ وقيل: قتالهم حلفاء رسول الله صلى الله عليه وسلم من خزاعة" (Tafsîr ut-Tabarî).
----- Quant à l'allégeance que le Prophète a prise de ses Compagnons à al-Hudaybiya sur le fait qu'ils ne fuiraient pas au combat (al-Bukhârî, 2800, Muslim, 1860), elle était due au fait qu'il s'agissait de parer à toute éventualité par rapport aux Quraysh, si ceux-ci attaquaient : cela aurait donc été un combat purement défensif, autorisé par Coran 2/191. Et cette allégeance s'est faite suite à une escarmouche s'étant déclenchée entre quelques-uns des musulmans stationnés à al-Hudaybiya, et certains des polycultistes mecquois venus à leur rencontre (al-Bayhaqî dans Dalâ'ïl un-nubuwwa ; mursal 'an 'urwa ; dha'îf à cause de Ibn Lahî'a). Les musulmans se trouvaient alors à l'extérieur du Haram (puisque le verset dit : "هُمُ الَّذِينَ كَفَرُوا وَصَدُّوكُمْ عَنِ الْمَسْجِدِ الْحَرَامِ وَالْهَدْيَ مَعْكُوفًا أَن يَبْلُغَ مَحِلَّهُ" : Coran 48/25) (une partie de al-Hudaybiya se trouve en effet à l'extérieur du Haram : Al-Hidâya, 1/256). Ce que la suite de ce verset dit : "وَلَوْلَا رِجَالٌ مُّؤْمِنُونَ وَنِسَاء مُّؤْمِنَاتٌ لَّمْ تَعْلَمُوهُمْ أَن تَطَؤُوهُمْ فَتُصِيبَكُم مِّنْهُم مَّعَرَّةٌ بِغَيْرِ عِلْمٍ لِيُدْخِلَ اللَّهُ فِي رَحْمَتِهِ مَن يَشَاء لَوْ تَزَيَّلُوا لَعَذَّبْنَا الَّذِينَ كَفَرُوا مِنْهُمْ عَذَابًا أَلِيمًا" (Coran 48/25) est justement que sans cet élément empêchant (mâni'), Dieu aurait donné l'autorisation [exceptionnelle] de conquérir La Mecque dès l'an 6 : "أن تطؤوهم} أي تقتلوهم مع الكفار لو أذن لكم في الفتح - بدل اشتمال من هم - {فتصيبكم منهم معرة} أي إثم {بغير علم} منكم به. وضمائر الغيبة للصنفين بتغليب الذكور. وجواب لولا محذوف أي لأذن لكم في الفتح؛ لكن لم يؤذن فيه حينئذ {ليدخل الله في رحمته من يشاء} كالمؤمنين المذكورين؛ {لو تزيلوا} تميزوا عن الكفار {لعذبنا الذين كفروا منهم} من أهل مكة حينئذ بأن نأذن لكم في فتحها {عذابا أليما} مؤلما" (Tafsîr ul-Jalâlayn) ; "فتصيبكم منهم معرة بغير علم}: قال ابن زيد: معرة: إثم. وقال ابن إسحاق: غرم الدية. وقيل: الكفارة لأن الله أوجب على قاتل المؤمن في دار الحرب إذا لم يعلم إيمانه الكفارة دون الدية، فقال الله عز وجل: {فإن كان من قوم عدو لكم وهو مؤمن فتحرير رقبة مؤمنة}. وقيل: هو أن المشركين يعيبونكم ويقولون "قتلوا أهل دينهم". والمعرة المشقة" (Tafsîr ul-Baghawî). "قلت: قد يجوز قتل الترس ولا يكون فيه اختلاف إن شاء الله، وذلك إذا كانت المصلحة ضرورية كلية قطعية" (Tafsîr ul-Qurtubî, 16/287).
Oui, combattre dans le Haram le muhârib utilisant une partie du Haram comme base, cela est institué ; mais, il s'agit là de l'application d'une peine, suite à un crime commis sur le sol même du Haram. D'ailleurs il est également institué que l'exécutif applique, dans le Haram, la peine légale à celui qui y commet une jinâya.
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- 15) Les versets parlant des 4 mois sacrés (Coran 5/2 et Coran 2/217), leur hukm est-il abrogé ?
Le verset 5/2 disant de ne pas considérer licite (tahlîl) un mois sacré :
--- Qatâda et d'autres ulémas pensent qu'il induisait l'interdiction d'entreprendre tout combat offensif pendant ces mois, mais qu'ensuite cette interdiction a été abrogée ;
--- 'Atâ pense qu'il induit l'interdiction d'entreprendre tout combat offensif pendant ces mois, et que cette interdiction est toujours en vigueur ; Ibn ul-'Uthaymîn trouve cet avis plus pertinent ;
--- enfin, Shâh Waliyyullâh pense qu'il n'induisait pas l'interdiction d'entreprendre, pendant ces mois, un combat offensif (contre celui qui était déjà ennemi), mais rappelait simplement qu'entreprendre une action en soi interdite pendant l'un de ces mois aggravait encore plus le péché ainsi commis, en vertu du caractère sacré de ces laps de temps.
Je suis de ce dernier avis.
Pour plus de détails, lire mon article : Que signifie que quatre mois sont sacrés ?.
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- 16) L'interdiction faite au Prophète (sur lui soit la paix) de prendre d'autres épouses que celles qu'il avait alors (Coran 33/52) a-t-elle été abrogée par Coran 33/50 ?
--- "يَا أَيُّهَا النَّبِيُّ إِنَّا أَحْلَلْنَا لَكَ أَزْوَاجَكَ اللَّاتِي آتَيْتَ أُجُورَهُنَّ وَمَا مَلَكَتْ يَمِينُكَ مِمَّا أَفَاء اللَّهُ عَلَيْكَ وَبَنَاتِ عَمِّكَ وَبَنَاتِ عَمَّاتِكَ وَبَنَاتِ خَالِكَ وَبَنَاتِ خَالَاتِكَ اللَّاتِي هَاجَرْنَ مَعَكَ وَامْرَأَةً مُّؤْمِنَةً إِن وَهَبَتْ نَفْسَهَا لِلنَّبِيِّ إِنْ أَرَادَ النَّبِيُّ أَن يَسْتَنكِحَهَا خَالِصَةً لَّكَ مِن دُونِ الْمُؤْمِنِينَ - قَدْ عَلِمْنَا مَا فَرَضْنَا عَلَيْهِمْ فِي أَزْوَاجِهِمْ وَمَا مَلَكَتْ أَيْمَانُهُمْ - لِكَيْلَا يَكُونَ عَلَيْكَ حَرَجٌ وَكَانَ اللَّهُ غَفُورًا رَّحِيمًا
تُرْجِي مَن تَشَاء مِنْهُنَّ وَتُؤْوِي إِلَيْكَ مَن تَشَاء وَمَنِ ابْتَغَيْتَ مِمَّنْ عَزَلْتَ فَلَا جُنَاحَ عَلَيْكَ ذَلِكَ أَدْنَى أَن تَقَرَّ أَعْيُنُهُنَّ وَلَا يَحْزَنَّ وَيَرْضَيْنَ بِمَا آتَيْتَهُنَّ كُلُّهُنَّ وَاللَّهُ يَعْلَمُ مَا فِي قُلُوبِكُمْ وَكَانَ اللَّهُ عَلِيمًا حَلِيمًا
لَا يَحِلُّ لَكَ النِّسَاء مِن بَعْدُ وَلَا أَن تَبَدَّلَ بِهِنَّ مِنْ أَزْوَاجٍ وَلَوْ أَعْجَبَكَ حُسْنُهُنَّ إِلَّا مَا مَلَكَتْ يَمِينُكَ وَكَانَ اللَّهُ عَلَى كُلِّ شَيْءٍ رَّقِيبًا" (Coran 33/50-52).
Au verset 33/50, Dieu confirme avoir rendu licites pour le Prophète les femmes qui étaient alors déjà ses épouses, ainsi que les femmes-esclaves qu'il possédait ; Il lui dit aussi que sont licites pour lui ses cousines ayant émigré à Médine [avant la conquête de La Mecque] (cela s'il désire en épouser une) ; ainsi que toute femme qui se proposerait à lui comme épouse, sans douaire. Et, au verset 33/51, Dieu dit au Prophète qu'il est libre d'accorder son tour à celle qu'il le veut parmi toutes ses épouses, et de ne pas accorder son tour à une autre de ses épouses ; il a le choix sur le sujet, contrairement aux autres croyants.
Or, au verset 33/52, Dieu dit ceci : "Après cela, les femmes ne sont pas licites pour toi, ni (n'est licite pour toi) que tu remplaces les (épouses actuelles) par d'autres épouses, même si leur beauté te plaît ; (tu) ne pourrais que (prendre une femme esclave) dont ta main deviendrait propriétaire" (Coran 33/52).
– Certes, certains commentateurs sont d'avis que le verset 33/52, postérieur dans le texte, a été en fait révélé avant, et le verset 33/50 après : l'interdiction présente dans le verset 33/52 a donc été abrogée par l'autorisation de prendre d'autres épouses (induite par le verset 33/50).
– Cependant, l'avis qui semble pertinent est que ce passage a été révélé dans le même ordre que celui dans lequel on le lit : 33/50, puis 33/51, enfin 33/52. Le verset 33/52 vint donc seulement compléter le 33/50 :
----- d'après al-Hassan al-Basrî et d'autres, le verset 33/52 veut dire : "Il ne t'est pas licite d'épouser une nouvelle femme, en sus des 9 qui sont tiennes actuellement - car ayant choisi de demeurer auprès de toi quand tu leur a donné le choix. Il ne t'est pas non plus licite de répudier une de tes épouses actuelles pour en prendre une autre à la place, parce que cette autre te plaît. Seule t'est licite une nouvelle femme-esclave dont tu deviendrais propriétaire" (Zâd ul-massîr) ;
----- d'après Ubayy ibn Ka'b et d'autres, le verset 33/52 signifie : "Ne t'est pas licite une femme ne remplissant pas les conditions énumérées au verset 33/50. Quant à celles qui sont déjà tes épouses, tu ne peux pas répudier l'une d'elles pour en prendre une autre à la place, parce que cette autre te plaît" (Fat'h ul-bârî 8/668) (c'est ce commentaire que Cheikh Thânwî a retenu dans Bayân ul-qur'ân). Par contre, le Prophète pouvait-il répudier l'une de celles qui étaient ses épouses à ce moment-là, sans que ce soit pour en prendre une autre à la place ? D'après Cheikh Thânwî : Oui (Bayân ul-qur'ân). Et le Prophète pouvait-il répudier l'une de ces épouses pour en prendre d'autres à la place, mais sans que ce soit pour cause de plus grande beauté de cette autre, mais parce que la vie conjugale avec la première était devenue trop difficile, conformément à ce que dit le verset de sourate at-Tahrîm : "عَسَى رَبُّهُ إِن طَلَّقَكُنَّ أَن يُبْدِلَهُ أَزْوَاجًا خَيْرًا مِّنكُنَّ مُسْلِمَاتٍ مُّؤْمِنَاتٍ قَانِتَاتٍ تَائِبَاتٍ عَابِدَاتٍ سَائِحَاتٍ ثَيِّبَاتٍ وَأَبْكَارًا" (Coran 66/5) ? Je ne sais pas (لا أدري) si ce verset 66/5 a été révélé avant le 33/52 (cas où il serait possible que dernier l'ait alors abrogé, et que la réponse à cette question soit alors soit Oui, soit Non), ou après le 33/52 (cas où la réponse à cette question serait alors forcément Oui).
Il faut ici préciser que, dans le réel, il y a bien eu des femmes qui se sont proposées en mariage au Prophète sans douaire, mais il a décliné toutes ces propositions, et ne s'est marié à aucune d'elles : c'est ce que Ibn Hajar a retenu (FB 8/667) ; "عن عروة قال: كانت خولة بنت حكيم من اللائي وهبن أنفسهن للنبي صلى الله عليه وسلم. فقالت عائشة: "أما تستحي المرأة أن تهب نفسها للرجل؟". فلما نزلت: {ترجئ من تشاء منهن}، قلت: "يا رسول الله، ما أرى ربك إلا يسارع في هواك" (al-Bukhârî, 4823). Par ailleurs, après la révélation de ce passage (laquelle a eu lieu après le takhyîr, d'après ce que al-Wâhidî relate : FB 8/667, lequel takhyîr a eu lieu en l'an 9 de l'hégire), dans le réel le Prophète (sur lui soit la paix) ne s'est marié avec aucune nouvelle femme (FB 8/668), même si cela lui était autorisé d'après le commentaire de Ubayy ibn Ka'b, et d'après, aussi, cette parole de Aïcha : "قالت عائشة: "ما مات رسول الله صلى الله عليه وسلم حتى أحل له النساء" (at-Tirmidhî, 3216).
Par ailleurs encore, Sawda bint Zam'a a bien offert le tour lui revenant à Aïcha (que Dieu les agrée), mais ce qui est établi c'est que c'est parce qu'elle voulait contenter davantage le Prophète (sur lui soit la paix) : "عن عائشة رضي الله عنها، قالت: "كان رسول الله صلى الله عليه وسلم إذا أراد سفرا أقرع بين نسائه، فأيتهن خرج سهمها خرج بها معه. وكان يقسم لكل امرأة منهن يومها وليلتها، غير أن سودة بنت زمعة وهبت يومها وليلتها لعائشة زوج النبي صلى الله عليه وسلم، تبتغي بذلك رضا رسول الله صلى الله عليه وسلم" (al-Bukhârî, 2453) ; cela parce qu'elle se savait être devenue âgée, et et qu'elle savait que le Prophète aimait particulièrement Aïcha. Par contre il n'est pas établi de façon authentique que le Prophète avait dans un premier temps répudié Sawda, et qu'elle l'a alors prié de la reprendre, fût-ce sans lui accorder son tour, qu'elle offrait à Aïcha (islamqa.info).
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– Il existe encore, par ailleurs, des cas de Naskh Juz'î (Abrogation Partielle) d'un hukm précédemment révélé dans le Coran :
–--- Soit l'abrogation porte sur seulement certains des sujets de l'action qui est mahkûm 'alayh. Cela a eu lieu avec le verset 24/4 : alors que le hukm que ce verset induit concernait d'abord tout le monde, il a ensuite été abrogé en ce qui concerne le mari par les versets 24/6-10.
–--- Soit l'abrogation porte sur seulement certains des objets de l'action. Ainsi, le hukm induit par le verset 5/2 concernait "ceux qui ont pour objectif la Maison Sacrée" parmi les musulmans et les non-musulmans (c'est l'une des possibilités évoquées dans Tafsîr ut-Tabarî) ; mais ce hukm a été ensuite abrogé en ce qui concerne les polycultistes seulement (hors du Haram, car dans le Haram ce n'est de toutes façons pas possible), et ce par des versets de la sourate 9 ; le hukm demeure donc en vigueur par rapport aux musulmans.
Dans le cas des versets autorisant d'abord (par silence) la consommation d'alcool, il y a eu aussi, ensuite, abrogation partielle de l'autorisation antérieurement induite. Cependant, la dernière fois a pour sa part induit une abrogation complète ; c'est en vertu de cette dernière abrogation que ce cas a été cité plus haut parmi ce dont le hukm a été complètement abrogé.
Wallâhu A'lam (Dieu sait mieux).