Quand on dit qu'il s'agit de faire "عبادة الله", de "faire la 'Ibâda d'Allah", d'"adorer Dieu", que signifie "adorer Dieu" ?
La 'ibâdat ullâh a en fait 2 sens :
- primo : le concept d'adorer Dieu ;
- secundo : le moyen par lequel on adore Dieu.
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Primo : Pour ce qui est du concept même de "'ibâdat ullâh" :
La meilleure définition que je puisse en fournir est celle-ci : "عبادة الله هي الخضوع له تعالى على وجه التقرب إليه، بما يرضاه، مع غاية المحبة له" : "Se soumettre à Dieu avec l'extrême amour pour Lui, cela dans une perspective de rapprochement spirituel avec Lui, et cela par le biais de ce qu'Il agrée" (cette définition s'inspire beaucoup de celle de Khâlid Abdul-Latîf, laquelle s'inspire elle-même de ce que Ibn Taymiyya a écrit sur le sujet).
Et cette 'Ibâdat ullâh (au sens de concept) possède en fait 2 niveaux :
--- Aslu 'Ibâdat illâh (dont l'absence constitue du kufr akbar) : diviniser Dieu ;
--- Kamâlu 'Ibâdat illâh (dont l'absence constitue du fisq asghar) : obéir à Dieu dans ses actions aussi.
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Secundo : Pour ce qui est des moyens par lesquels la "'ibâdat ullâh" voit le jour :
Par "moyens", on entend ce qui suit : la prière fait partie de l'adoration de Dieu, cela est certain ; mais le fait de travailler pour gagner honnêtement sa vie, l'est-ce lui aussi ?
Quels sont donc ces moyens que Dieu agrée, et qui doivent être vécus ou pratiqués ("الوسائل الشروعة لحصول التقرب إلى الله للعامل بها") (ou encore : "المتعبَّد به" d'après la formule de Ibn ul-Uthaymîn : Al-Qawl ul-mufîd, p. 5) pour que l'adoration de Dieu voit le jour ?
Cette fois, le sens de cette formule "adorer Dieu" (au sens de : "moyens pour adorer Dieu") est plus ou moins étendu...
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– Au sens général du terme (sens "Gén."), "la 'Ibâda d'Allâh" désigne : "l'action que Dieu agrée pour soi, et se préserver de faire l'action que Dieu n'agrée pas pour soi ; que cette action soit croyance, pensée volontaire, action action intérieure ou action visible (vis-à-vis de Dieu, ou vis-à-vis de sa propre personne, de ses proches, de toutes les autres personnes et de toutes les créatures)" :
Ce sens général inclut mais aussi dépasse tous les sens particuliers que nous allons voir jusqu'à la fin de cet article.
'Ibâdat ullâh (en ce sens général) possède en fait 2 constituants :
--- Aslu 'Ibâdat illâh (dont l'absence constitue du kufr akbar) ;
--- Kamâlu 'Ibâdat illâh (dont l'absence constitue du fisq asghar).
C'est avec le sens général que ce terme a été défini dans ce célèbre écrit de Ibn Taymiyya :
"العبادة [أي عبادة الله] هي اسم جامع لما يحبه الله ويرضاه، من الأقوال والأعمال الباطنة والظاهرة.
فالصلاة والزكاة والصيام والحج وصدق الحديث وأداء الأمانة وبر الوالدين وصلة الأرحام والوفاء بالعهود والأمر بالمعروف والنهي عن المنكر والجهاد للكفار والمنافقين والإحسان إلى الجار واليتيم والمسكين وابن السبيل والمملوك من الآدميين والبهائم والدعاء والذكر والقراءة وأمثال ذلك: من العبادة.
وكذلك حب الله ورسوله وخشية الله والإنابة إليه وإخلاص الدين له والصبر لحكمه والشكر لنعمه والرضا بقضائه والتوكل عليه والرجاء لرحمته والخوف لعذابه وأمثال ذلك هي: من العبادة لله.
وذلك أن العبادة لله هي الغاية المحبوبة له والمرضية له، التي خلق الخلق لها كما قال تعالى: {وما خلقت الجن والإنس إلا ليعبدون}، وبها أرسل جميع الرسل" :
"La 'Ibâda [d'Allah], cela est un terme qui englobe ce que Dieu aime et agrée, que cela soit d'entre les paroles ou d'entre les actes, et que ceux-ci soient intérieurs ou extérieurs" (Al-'Ubûdiyya, p. 23 : Majmû' ul-fatâwâ, 10/149-236). Suit toute une liste de telles actions ("paroles et actes, intérieurs et extérieurs") faisant ainsi partie de cette 'Ibâda d'Allah, et que nous allons exposer ci-après.
Ibn Taymiyya a cité ainsi : la prière, la zakât, le jeûne, le pèlerinage, le fait d'invoquer (du'â) Dieu, de L'évoquer (dhikr), et de réciter le Coran.
Mais il a aussi cité : le fait de dire la vérité et de ne pas mentir, d'être honnête et de respecter ses engagements ; le fait de bien agir envers ses deux parents et de garder de bonnes relations avec les autres membres de sa parenté ; le fait d'être bienfaisant vis-à-vis du voisin, de l'orphelin, du pauvre, du voyageur, de l'esclave et des animaux.
Il a également cité : aimer Dieu et Son Messager, craindre Dieu, se tourner vers Lui, garder sa pratique sincère pour Lui, faire preuve de patience devant Sa décision, Lui être reconnaissant pour Ses bienfaits, être heureux de Son jugement, s'en remettre à Lui, espérer Sa Miséricorde et redouter Son châtiment.
Il a enfin mentionné : le fait d'ordonner le bien et d'interdire le mal [cliquez ici pour comprendre correctement ce concept], de faire le jihâd [cliquez ici pour comprendre correctement cet autre concept].
Tout cela fait partie, écrit Ibn Taymiyya, de la 'Ibâdatullâh.
Ce sont là des Hassanât.
On doit ajouter à cela que, ce que Dieu déteste comme action humaine (intérieure ou extérieure, vis-à-vis de Lui ou vis-à-vis d'autrui) (et qui sont donc des Sayyi'ât), le fait de s'en préserver sciemment constitue aussi de la 'Ibâdatullâh.
On doit enfin ajouter à tout cela que fait également partie de la 'Ibâdat-ullâh : les moyens par lesquels on fait Aslu 'Ibâdat-illlâh, c'est-à-dire on reconnaît le caractère divin de Dieu ; de même que le fait de s'abstenir de diviniser autre que Lui ; de même que le fait de reconnaître et d'adhérer au message que Dieu a révélé pour que les hommes sachent comment L'adorer de Kamâlu 'Ibâdat-illâh ; etc.
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Il faut noter ici que pour ce qui est des actions extérieures, certaines de ces actions, de la part de l'individu, ne sont agréées par Dieu que par rapport à un lieu, à un moment et à une situation précises ; et pas en un autre lieu, un autre moment ou une autre situation.
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– Et puis il y a "'Ibâdat ullâh" dans l'un de ses sens particuliers ("P") :
--- Dans un sens particulier "P.1", "faire la 'Ibâda d'Allâh" signifie seulement : "Aslu 'Ibâdat illah" : "diviniser Dieu (bi-t-ta'lîh il-akbar), c'est-à-dire : reconnaître Son caractère divin" :
C'est avec ce sens que ce terme 'Ibâdat ullâh a été employé dans la formule "تعبد الله و لا تشرك به شيئا" ("Tu fais la 'Ibâda de Dieu et ne lui associes rien") lorsque, présente dans de nombreux hadîths, elle est suivie d'autres actions :
- dans le hadîth dit "du bédouin" : "تعبد الله ولا تشرك به شيئا، وتقيم الصلاة المكتوبة، وتؤدي الزكاة المفروضة، وتصوم رمضان" : "Tu fais la 'Ibâda de Dieu et ne Lui associes rien ; tu accomplis la prière rituelle (salât) obligatoire ; tu donnes l'aumône obligatoire (zakât) ; et tu jeûnes pendant le (mois de) ramadan" (al-Bukhârî 1332, Muslim 13) ;
- dans le hadîth dit "de Mu'adh" : "تعبد الله ولا تشرك به شيئا، وتقيم الصلاة، وتؤتي الزكاة، وتصوم رمضان، وتحج البيت" : "Tu fais la 'Ibâda de Dieu et ne Lui associes rien ;tu accomplis la prière rituelle (salât) ; tu donnes l'aumône obligatoire (zakât) ; tu jeûnes pendant le (mois de) ramadan ; et tu pars en pèlerinage à la Maison (de Dieu)" (at-Tirmidhî 2616).
Dans ces 2 hadîths, le fait que, après : "Tu fais la 'Ibâda de Dieu", il a été fait mention, de façon distincte, de ces 3 ou 4 actions visibles : "tu accomplis la prière rituelle (salât) ; tu donnes l'aumône obligatoire (zakât) ; tu jeûnes pendant le (mois de) ramadan ; et tu pars en pèlerinage à la Maison (de Dieu)", cela montre que, ici :
– "تعبد الله" ("tu fais la 'Ibâda de Dieu") signifie seulement : "تُؤَلِّهُ الله تأليها أكبر" : "tu divinises Dieu bi-t-Ta'lîh il-Akbar" (il s'agit de ce sens : P.1), et "ولا تشرك به شيئا" ("tu ne Lui associes rien") signifie : "ولا تشرك بالله شيئًا في ألوهيته شركًا أكبر" : "tu ne Lui associes rien dans le caractère divin" (c'est-à-dire que tu ne divinises rien d'autre que Lui) ;
– quant à "وتقيم الصلاة، وتؤتي الزكاة، وتصوم رمضان، وتحج البيت" ("tu accomplis la prière rituelle (salât) ; tu donnes l'aumône obligatoire (zakât) ; tu jeûnes pendant le (mois de) ramadan ; et tu pars en pèlerinage à la Maison (de Dieu)"), ce sont des actions qui relèvent pour leur part de "P.2", Kamâlu 'Ibâdat illâh (et même de : "P.2.a" : "actions spirituelles", comme nous allons le voir plus bas).
En fait, ce sens de 'Ibâdat ullâh, "diviniser Dieu" (P.1), correspond au sens de base du terme 'Ibâda tout court : "diviniser" : al-'Ibâda al-kub'râ. Et on trouve ce terme employé avec ce sens de "divinisation" dans le hadîth dit "de 'Adî ibn Hâtim" : 'Adî ibn Hâtim, lorsque encore chrétien, fut intrigué par le contenu du verset coranique : "اتَّخَذُواْ أَحْبَارَهُمْ وَرُهْبَانَهُمْ أَرْبَابًا مِّن دُونِ اللّهِ وَالْمَسِيحَ ابْنَ مَرْيَمَ وَمَا أُمِرُواْ إِلاَّ لِيَعْبُدُواْ إِلَهًا وَاحِدًا لاَّ إِلَهَ إِلاَّ هُوَ سُبْحَانَهُ عَمَّا يُشْرِكُونَ" : "ils ont pris leurs érudits et leurs moines, ainsi que le Messie fils de Marie, comme des rabb en dehors de Dieu" (Coran 9/31). 'Adî était intrigué parce qu'il n'avait pas le sentiment d'avoir divinisé des docteurs et des saints reconnus dans le christianisme. Il exprima donc son incompréhension, par rapport à ce verset, au prophète Muhammad (sur lui la paix) :
"عن عدي بن حاتم قال: أتيت رسول الله صلى الله عليه وسلم وفي عنقي صليب من ذهب، فقال: "يا عدي، اطرح هذا الوثن من عنقك!" قال: فطرحته. وانتهيت إليه وهو يقرأ في "سورة براءة"، فقرأ هذه الآية: (اتخذوا أحبارهم ورهبانهم أربابا من دون الله). قال قلت: "يا رسول الله، إنا لسنا نعبدهم!" فقال: "أليس يحرمون ما أحل الله فتحرمونه، ويحلون ما حرم الله فتحلونه؟" قال: قلت: "بلى!" قال: "فتلك عبادتهم"!".
L'objection qu'il fit fut : "Nous ne les divinisons pas !".
Le Prophète lui répondit alors : "N'y a-t-il pas que (lorsque) ils déclarent illicite ce que Dieu a déclaré licite, vous le considérez (désormais) illicite, et (lorsque) ils déclarent licite ce que Dieu a déclaré illicite, vous le considérez (désormais) licite ? – Si. – C'est là les diviniser ('ibâda) !" (at-Tabarî dans son Tafsîr, n° 16332).
Ce qu'il faut pour diviniser (Ta'lîh Akbar / 'Ibâda Kub'râ) Dieu au minimum requis (Aslu Ta'lîh illâh), cela a été exposé dans notre article parlant de ce qu'est la divinisation.
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--- Dans un sens "P.2", "faire la 'Ibâda d'Allah" signifie : "faire Kamâlu 'Ibâdat illâh" : "se conformer à ce que Dieu agrée et qui ne relève pas de Aslu 'Ibâdat illah" :
Cela recouvre le fait, pour l'homme, d'obéir à Dieu en se conformant à tout hukm shar'î ne relevant pas de Aslu 'Ibâdat illah : que ce hukm soit en relation avec une action du domaine spirituel, ou avec une action du domaine temporel ; que ce hukm consiste en le fait de faire quelque chose, ou en le fait de se préserver de quelque chose.
Ainsi, à propos de l'ensemble des ahkâm communiqués par le Coran et la Sunna et qui font l'objet d'interprétations divergentes entre les mujtahidûn, voici ce que Ibn Taymiyya écrit :
"وولي الأمر إن عرف ما جاء به الكتاب والسنة، حكم بين الناس به. وإن لم يعرفه وأمكنه أن يعلم ما يقول هذا وما يقول هذا حتى يعرف الحق، حكم به. وإن لم يمكنه لا هذا ولا هذا، ترك المسلمين على ما هم عليه كل يعبد الله على حسب اجتهاده؛ وليس له أن يلزم أحدا بقبول قول غيره وإن كان حاكما" :
"Le détenteur de l'autorité :
--- s'il est capable de connaître ce que dit le Coran et la Sunna, il fera appliquer ce qu'ils disent ;
--- s'il n'en est pas capable (directement) mais est capable de comprendre ce que tel (mujtahid) dit et ce que tel autre dit jusqu'à discerner ce qui est le correct, alors il fera appliquer ce qui est correct ;
--- et s'il n'est capable ni de cela ni de ceci, alors il doit laisser les musulmans sur ce qu'ils sont, chacun faisant la 'Ibâda de Dieu selon son ijtihâd : il n'a pas à imposer à l'un d'accepter le propos de l'autre, (ce dernier) fût-il juge" (MF 35/387).
Pour toute action de ce type P.2 ne relevant pas également du sous-type P.2.a, l'action elle-même est instituée pour un avantage temporel (et pas pour une avancée spirituelle), mais c'est le fait pour l'homme de faire cette action en se conformant (إطاعة) à ce que Dieu agrée (hukm shar'î) qui constitue de la Ibâdat ullah.
Et il faut justement rappeler que, pour que le fait de se conformer à un hukm shar'î soit dûment considéré par Dieu comme constituant Sa 'Ibâda, il faut que, en sus de la forme de l'action, l'intention et la perception que l'on a en la faisant soient également conformes à ce qu'elles doivent être :
--- Quand on accomplit une action des 'âdât qui est "obligatoire" ou "recommandée", quelle intention faut-il avoir pour que cela rapproche réellement de Dieu ?.
Il faut également rappeler ici qu'il est certaines actions qui font l'objet d'un hukm shar'î au niveau de tous les éléments pouvant les constituer, tandis que certaines autres ne le sont qu'au niveau global (kullî) seulement. Pour ces dernières, la 'Ibâdat ullâh ne peut se faire que par la pratique de ce niveau global :
--- Quelle est la différence, quant au fait de "faire une action donnée", entre : "a) la faire avec l'objectif de Ta'abbud" / "b) la faire avec l'objectif de Maslaha Shar'iyya" / "c) la faire par 'Âdah Shakhsiyya, habitude ou goût personnels" ? - ما الفرق بين مباشرة العمل بقصد التعبّد، وبقصد المصلحة، وبقصد العادة ؟ - Par ailleurs : Lorsqu'on accomplit une action purement autorisée (Mubâh), peut-on avoir l'intention que cela rapproche de Dieu ?.
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----- Dans un sens désignant une réalité constituant partie du sens précédent (donc un sens plus restreint que le précédent), un sens : "P.2.a", "faire la 'Ibâda d'Allah" signifie : "faire les actions visibles qui n'ont été instituées que pour permettre le développement spirituel de l'homme vis-à-vis de Dieu" :
C'est avec ce sens que le terme est employé dans les phrases où on distingue les "'ibâdât" des "'âdât" et "mu'âmalât". Lire : La distinction entre "'ibâdât" et "'âdât" en islam.
C'est le cas dans cet écrit de Ibn Taymiyya : "الوجه الثالث: أن تصرفات العباد من الأقوال والأفعال نوعان: عبادات يصلح بها دينهم، وعادات يحتاجون إليها في دنياهم. فباستقراء أصول الشريعة، نعلم أن العبادات التي أوجبها الله أو أحبها لا يثبت الأمر بها إلا بالشرع؛ وأما العادات فهي ما اعتاده الناس في دنياهم مما يحتاجون إليه، والأصل فيه عدم الحظر، فلا يحظر منه إلا ما حظره الله سبحانه وتعالى. (...). ولهذا كان أحمد وغيره من فقهاء أهل الحديث يقولون: إن الأصل في العبادات: التوقيف، فلا يشرع منها إلا ما شرعه الله تعالى (...)؛ والعادات الأصل فيها: العفو، فلا يحظر منها إلا ما حرمه. (...) وهذه قاعدة عظيمة نافعة. وإذا كان كذلك، فنقول: البيع والهبة والإجارة وغيرها هي من العادات التي يحتاج الناس إليها في معاشهم، كالأكل والشرب واللباس؛ فإن الشريعة قد جاءت في هذه العادات بالآداب الحسنة: فحرمت منها ما فيه فساد، وأوجبت ما لا بد منه، وكرهت ما لا ينبغي، واستحبت ما فيه مصلحة راجحة، في أنواع هذه العادات ومقاديرها وصفاتها. وإذا كان كذلك، فالناس يتبايعون ويستأجرون كيف شاءوا ما لم تحرم الشريعة؛ كما يأكلون ويشربون كيف شاءوا ما لم تحرم الشريعة؛ وإن كان بعض ذلك قد يستحب أو يكون مكروها؛ وما لم تحد الشريعة في ذلك حدًا، فيبقون فيه على الإطلاق الأصلي" (MF 29/16-18).
Avec ce sens particulier, "'Ibâdât" signifie donc : "actions visibles qui n'ont été instituées que pour permettre le développement spirituel de l'homme vis-à-vis de Lui".
C'est avec ce sens particulier que le terme 'Ibâdat ullâh a été employé dans le récit bien connu où il est dit : "جاء ثلاثة رهط إلى بيوت أزواج النبي صلى الله عليه وسلم، يسألون عن عبادة النبي صلى الله عليه وسلم. فلما أخبروا كأنهم تقالوها" : Trois Compagnons allèrent s'enquérir, auprès d'épouses du Prophète, de la 'Ibâdat (ullâh) que le Prophète faisait quand il était chez lui ("عبادته في السر"). Quand ils en furent informés, il semble qu'ils aient considéré cette ('Ibâdât ullâh) comme étant de petite quantité. Ils ont alors dit : "Quelle est notre statut par rapport à celui du Prophète, lui dont Dieu a pardonné les fautes antérieures et futures !"" (al-Bukhârî 4776, Muslim 1401, an-Nassâ'ï 3217, Ahmad).
Quelle est donc cette "'Ibâdat ullâh" que le Prophète faisait en sa demeure, dont ces 3 Compagnons étaient venus s'enquérir, et qu'ensuite ils considérèrent de petite quantité :
– son souci de ne manger que du halal ? (puisque cela est aussi, dans la mesure qui est nécessaire pour rester en vie et en bonne santé, acte de 'Ibâdat ullâh au sens P.2 du terme : voir plus haut) ;
– son comportement exemplaire avec ses épouses ? (ce qui relève encore une fois de la 'Ibâdat ullâh au sens P.2 du terme : voir plus haut le propos de Ibn Taymiyya) ;
– s'il prenait soin de son physique en ne se laissant pas aller à faire ce qui est nocif pour le corps ?
– sa droiture dans ses transactions privées ?
Non !
Ce dont ils étaient allés s'enquérir ce furent : le nombre et la longueur des prières facultatives, ainsi que le nombre de jeûnes surérogatoires (et peut-être aussi la quantité de récitation du Coran chaque jour). C'est bien pourquoi l'un de ces Compagnons dit ensuite que lui il consacrerait dorénavant toutes ses nuits à prier sans interruption, et un autre qu'il jeûnerait toute l'année sans interruption. Ce sont donc bien ces actes que ceux qui ont relaté ce récit ont décrits par la formule : "la 'ibâda que le Prophète faisait" : il s'agit de ce sens P.2.a. (Lire aussi notre article détaillé ayant été consacré à ce hadîth et à d'autres de la même veine.)
Les 'Ibâdât ullâh (en ce sens P.2.a) qui sont dûment instituées dans la Shar' apportée par le prophète Muhammad (sur lui soit la paix) sont les actions suivantes :
– la prononciation des formules d'évocations de Dieu (adhkâr lissâniyya), d'invocations d'éloge de Dieu (du'â uth-thanâ') et d'invocations de demandes adressées à Dieu (du'â ul-mas'ala) (cliquez ici) ; la récitation cultuelle du texte de la Parole de Dieu (tilâwat ul-qur'ân) ;
– en termes de postures et gestes, il y a le fait de lever les mains devant soi, ce qui peut être fait quand on invoque Dieu (raf' ul-yadayn waqt ad-du'â) ; il y a aussi la prosternation seule (sajda mujarrada), qui est instituée après la récitation de versets coraniques évoquant cette action, ainsi que (d'après certains ulémas) pour remercier Dieu ; il y a la prière rituelle (salât), qui consiste en une combinaison de plusieurs actions cultuelles (présence de cœur, prononciation, postures) ; il y a encore le pèlerinage à la Maison de Dieu (hajj) ;
– il y a également l'aumône (sadaqa) (lire un autre article) ; le sacrifice (tadh'hiya) de certains animaux au Nom de Dieu ;
– les actions de délaissement (tark) momentané, pour Dieu, de certaines des choses qui font naturellement le plaisir de l'homme : il y a ainsi le jeûne (siyâm) (cliquez ici) ; il y a encore la retraite spirituelle (i'tikâf) dans une "maison de Dieu" (une mosquée).
Ici aussi, bien sûr, l'intérieur est nécessaire en même temps que le fait de passer par ces formes instituées : --- Quand on accomplit une action des 'ibâdât, quelle intention et quelle disposition intérieure faut-il avoir pour que cela rapproche de Dieu ?
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------- Dans un sens désignant une réalité constituant partie du sens précédent (donc un sens plus restreint encore), un sens : "P.2.a.b", "faire la 'Ibâda d'Allâh" désigne : "faire l'action spirituelle où on ne demande rien à Dieu pour soi, mais où on Lui "présente", on lui "offre" quelque chose" :
C'est avec ce sens que ce terme a été employé dans cet autre écrit de Ibn Taymiyya : "والدعاء لله وحده؛ سواء كان دعاء العبادة، أو دعاء المسألة والاستعانة" (MF 1/69) (voir aussi MF 10/237-238 ; 15/10 ; et bien d'autres passages).
Ici, on a un parallélisme entre :
– la Isti'âna billâh, qui désigne : "l'action spirituelle de demande à Dieu" ;
– et la 'Ibâdat ullâh, qui désigne pour sa part : "l'action spirituelle que l'on "présente à", que l'on "offre à" Dieu sans que cela consiste également à Lui demander quelque chose pour soi".
Nous en avons parlé de façon détaillée dans notre article traitant des 2 types d'invocation de Dieu (Du'â).
Or il arrive que certains hommes aient un attachement à l'un de ces deux pôles, mais aient un manquement dans l'autre (dans le cas d'incroyants, le manquement concerne le fondement lui-même, tandis que dans le cas de croyants, le manquement concerne la perfection obligatoire). Certains hommes se contentent ainsi de s'acquitter scrupuleusement de toutes les obligations que Dieu a fixées pour eux, mais ne Lui demandent presque jamais ce dont ils ont besoin :
"إذا تقرر هذا الأصل فالإنسان في هذين الواجبين لا يخلو من أحوال أربعة هي القسمة الممكنة: إما أن يأتي بهما، وإما أن يأتي بالعبادة فقط، وإما أن يأتي بالاستعانة فقط، وإما أن يتركهما جميعا. ولهذا كان الناس في هذه الأقسام الأربعة؛ بل أهل الديانات هم أهل هذه الأقسام، وهم المقصودون هنا بالكلام.
قسم يغلب عليه قصد التأله لله ومتابعة الأمر والنهي والإخلاص لله تعالى واتباع الشريعة في الخضوع لأوامره وزواجره وكلماته الكونيات، لكن يكون منقوصا من جانب الاستعانة والتوكل، فيكون إما عاجزا وإما مفرطا، وهو مغلوب إما مع عدوه الباطن وإما مع عدوه الظاهر؛ وربما يكثر منه الجزع مما يصيبه والحزن لما يفوته. وهذا حال كثير ممن يعرف شريعة الله وأمره ويرى أنه متبع للشريعة وللعبادة الشرعية، ولا يعرف قضاءه وقدره وهو حسن القصد طالب للحق لكنه غير عارف بالسبيل الموصلة والطريق المفضية.
وقسم يغلب عليه قصد الاستعانة بالله والتوكل عليه وإظهار الفقر والفاقة بين يديه والخضوع لقضائه وقدره وكلماته الكونيات، لكن يكون منقوصا من جانب العبادة وإخلاص الدين لله؛ فلا يكون مقصوده أن يكون الدين كله لله وإن كان مقصوده ذلك فلا يكون متبعا لشريعة الله عز وجل ومنهاجه؛ بل قصده نوع سلطان في العالم إما سلطان قدرة وتأثير وإما سلطان كشف وإخبار، أو قصده طلب ما يريده ودفع ما يكرهه بأي طريق كان، أو مقصوده نوع عبادة وتأله بأي وجه كان همته في الاستعانة والتوكل المعينة له على مقصوده فيكون إما جاهلا وإما ظالما تاركا لبعض ما أمره الله به راكبا لبعض ما نهى الله عنه. وهذه حال كثير ممن يتأله ويتصوف ويتفقر ويشهد قدر الله وقضاءه ولا يشهد أمر الله ونهيه ويشهد قيام الأكوان بالله وفقرها إليه وإقامته لها، ولا يشهد ما أمر به وما نهى عنه وما الذي يحبه الله منه ويرضاه وما الذي يكرهه منه ويسخطه. ولهذا يكثر في هؤلاء من له كشف وتأثير وخرق عادة، مع انحلال عن بعض الشريعة ومخالفة لبعض الأمر. (...)
وقسم ثالث معرضون عن عبادة الله وعن الاستعانة به جميعا. وهم فريقان: أهل دنيا، وأهل دين. فأهل الدين منهم هم أهل الدين الفاسد الذين يعبدون غير الله ويستعينون غير الله بظنهم وهواهم {إن يتبعون إلا الظن وما تهوى الأنفس ولقد جاءهم من ربهم الهدى}. وأهل الدنيا منهم الذين يطلبون ما يشتهونه من العاجلة بما يعتقدونه من الأسباب. واعلم أنه يجب التفريق بين من قد يعرض عن عبادة الله والاستعانة به، وبين من يعبد غيره ويستعين بسواه" (MF 14/10-12).
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Enfin, voici l'essence de la 'Ibâdat ullâh, essence que l'on doit garder à l'esprit afin de chercher à la vivre lorsqu'on met en pratique tous les moyens (toutes les actions du cœur, de l'esprit et des autres membres) qui constituent cette 'Ibâdat ullâh :
Ibn Taymiyya écrit :
"الوجه الثاني: أن الله خلق الخلق لعبادته، الجامعة لمعرفته والإنابة إليه ومحبته والإخلاص له. فبذكره تطمئن قلوبهم؛ وبرؤيته في الآخرة تقر عيونهم. ولا شيء يعطيهم في الآخرة أحب إليهم من النظر إليه؛ ولا شيء يعطيهم في الدنيا أعظم من الإيمان به. وحاجتهم إليه في عبادتهم إياه وتألههم كحاجتهم وأعظم في خلقه لهم وربوبيته إياهم؛ فإن ذلك هو الغاية المقصودة لهم؛ وبذلك يصيرون عاملين متحركين. ولا صلاح لهم ولا فلاح، ولا نعيم ولا لذة، بدون ذلك بحال. بل من أعرض عن ذكر ربه فإن له معيشة ضنكا ونحشره يوم القيامة أعمى" :
"Dieu a créé la création [= les hommes et les djinns] pour qu'ils fassent Sa 'ibâda, ce qui englobe qu'ils Le connaissent, se tournent vers Lui, L'aiment et agissent sincèrement pour Lui. Par Son évocation (dhikr) leurs cœurs s'apaisent, et par le fait de Le voir dans l'au-delà leurs yeux se rafraîchiront. Il n'y a rien qu'Il leur donnera dans l'au-delà qui leur sera plus aimé que de Le regarder, et il n'y a rien qu'Il leur donne en ce monde qui soit plus grand que d'avoir foi en Lui. (…) Sans cela ils n'auront ni bien (salâh) ni réussite, ni bonheur ni plaisir ; au contraire, celui qui s'est détourné du souvenir de son Rabb, celui-là aura une existence étroite et (Dieu) le ressuscitera le jour de la résurrection aveugle" (Majmû' ul-fatâwâ, 1/23).
Ici il s'agit toujours d'une définition de la 'Ibâdat ullâh, mais non plus dans la perspective des moyens détaillés par lesquels on se rapproche de Dieu (comme dans le sens Général), mais cette fois dans la perspective de l'essence ; du dénominateur commun de tous ces moyens, et en même temps de la finalité vers laquelle tous ces moyens doivent converger : connaître Dieu, se tourner vers Lui, L'aimer et agir sincèrement pour Lui.
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Ces différents "recouvrements" de la formule "faire la 'ibâda de Dieu" correspondent à différents commentaires d'un verset du Coran :
Dieu dit : "وَمَا خَلَقْتُ الْجِنَّ وَالْإِنسَ إِلَّا لِيَعْبُدُونِ" : "Et Je n'ai créé les djinns et les humains que pour qu'ils M'adorent" (Coran 51/56).
De cette dernière préposition il existe (comme cela a été détaillé dans un autre article) les 3 commentaires suivants :
– le commentaire de al-Kalbî : "لِيُوَحِّدُوْنِيْ" : "pour qu'ils ne divinisent que Moi Seul" ;
– le commentaire de 'Ik'rima : "لِيُطِيْعُوْنِيْ" : "pour qu'Ils M'obéissent" ;
– le commentaire relaté de Mujâhid, et relaté aussi de Qatâda et de Ibn Jurayj : "ليعْرِفُونِيْ": "pour qu'ils Me connaissent".
On constate que :
– le commentaire de al-Kalbî correspond au "sens P.1" plus haut cité ;
– le commentaire de 'Ik'rima correspond pour sa part au "sens P.2" ;
– enfin, le commentaire relaté de Mujâhid correspond à ce que nous avons exposé comme étant l'essence de la 'Ibâdat ullâh.
Wallâhu A'lam (Dieu sait mieux).
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