La formule "fî sabîl-illâh" veut littéralement dire "dans le chemin de Dieu".
Elle a été employée maintes fois dans le Coran et les Hadîths : on y lit ainsi : "dépenser dans le chemin de Dieu", "faire l'effort dans le chemin de Dieu".
Que signifient ces mots "dans le chemin de Dieu" ?
La réponse est que cette formule possède un sens large et un sens plus restreint.
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A) En son sens large, "dans le chemin de Dieu" signifie : "dans ce que Dieu agrée", ou encore : "dans le bien" :
"Dépenser dans le chemin de Dieu" veut ainsi dire : "dépenser dans ce que Dieu a rendu obligatoire ou recommandé".
Et "être dans le chemin de Dieu" veut dire : "être en train d'accomplir un acte que Dieu a rendu obligatoire ou recommandé".
Ainsi, donner de ses biens matériels pour n'importe quelle action de bien, c'est dépenser dans le chemin de Dieu.
Dépenser pour l'achat de ce que sa famille a besoin, c'est aussi dépenser dans le chemin de Dieu.
Se rendre à la mosquée, c'est être dans le chemin de Dieu.
Se rendre auprès d'un 'âlim (personne versée dans les sciences islamiques) pour obtenir la réponse à une question que l'on a, c'est être dans le chemin de Dieu.
C'est avec ce sens large que cette formule a été utilisée dans le récit suivant : "عن يزيد بن أبي مريم قال: لحقني عباية بن رافع وأنا ماش إلى الجمعة، فقال: أبشر، فإن خطاك هذه في سبيل الله؛ سمعت أبا عبس يقول: قال رسول الله صلى الله عليه وسلم: من اغبرت قدماه في سبيل الله فهو حرام على النار" : Yazîd ibn Abî Maryam raconte : "'Abâya ibn Râfi' me rattrapa alors que je me rendais à pied à la prière du vendredi et que lui était sur une monture. Il me dit : "Une bonne nouvelle pour toi : les pas que tu fais là sont dans le chemin de Dieu. (Et) j'ai entendu Abû 'Abs dire : "Le Prophète (sur lui la paix) a dit : "Celui dont les deux pieds se seront couverts de poussière dans le chemin de Dieu, le feu (de la géhenne) ne pourra le toucher""" (at-Tirmidhî 1632, an-Nassâ'ï 3116, avec Fat'h ul-bârî 2/503 ; une version voisine est rapportée par al-Bukhârî 865, 2656). Voyez : quand on se rend à la prière du vendredi, on est bien "dans le chemin de Dieu".
Un autre exemple encore : Un autre hadîth se lit ainsi : "Celui qui sort (de chez de lui) à la recherche de la connaissance est dans le chemin de Dieu jusqu'à ce qu'il rentre" (at-Tirmidhî 2647 ; ce hadîth est cependant dh'aîf d'après al-Albânî, suivant en cela al-'Uqaylî).
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B) La formule "dans le chemin de Dieu" a aussi, cependant, un sens plus restreint, qui fait qu'elle signifie alors : "pour aider le dîn de Dieu" :
C'est avec ce sens que la formule est utilisée après le terme "jihâd", comme dans ce verset coranique : "O vous qui avez apporté foi, craignez Dieu, cherchez le moyen qui (vous rapprochera) de Lui, et faites le jihâd dans Son chemin. Peut-être serez-vous alors de ceux qui réussissent" (Coran 5/35). "Faire le jihâd dans le chemin de Dieu" signifie donc : "faire le jihâd pour aider le dîn de Dieu". On rappelle que le terme jihâd signifie "faire l'effort" et n'a pas un sens spécifiquement militaire : pour en savoir plus, cliquez ici et ici (voir le point C, où est relaté le propos où an-Nadwî l'a de même rappelé). Al-Qaradhâwî, après avoir relaté ces deux sens que revêt la formule "dans le chemin de Dieu", l'a lui aussi rappelé (cf. Fiqh uz-zakât, pp. 702-705).
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Qui a exposé l'existence de ces deux sens à cette formule ?
C'est entre autres sous la plume de Ibn Hajar que l'on peut prendre connaissance de l'existence de ces deux sens de la formule "dans le chemin de Dieu", l'un large ("'âmm") et l'autre plus restreint : cf. Fat'h ul-bârî 4/144, 6/59, 6/61, 7/36.
En maints passages du Coran on trouve la formule "sadd 'an sabîl illâh" : "empêcher [les gens de suivre] le chemin de Dieu" (par exemple en 3/99, 4/167, 7/45, 8/36, 16/88, 47/1, etc.). Par rapport à ce verset 3/99, As-Suyûtî commente les mots "chemin de Dieu" s'y trouvant par : "religion de Dieu" (Tafsîr ul-Jalâlayn).
Dès lors :
– soit ce verset parle du fait d'empêcher les croyants de pratiquer le bien, ce qui renvoie clairement au sens A suscité ;
– soit ce verset parle d'empêcher les hommes d'adhérer, de leur choix libre et clairvoyant, à l'islam. Cela peut rejoindre alors ce même sens large – "A" –, dans la mesure où l'adhésion à l'islam est la première et la plus importante action agréée par Dieu puisque, pour toute personne qui a pris connaissance du message de Muhammad (sur lui la paix), elle constitue la condition pour l'acceptation par Dieu des autres actes de bien qu'elle fait. Mais cela peut aussi fournir un argument supplémentaire par rapport au sens B, dans la mesure où on y voit bien que "le chemin de Dieu" désigne "le dîn de Dieu".
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A') Serait-il possible de dire qu'il s'agit aussi de distinguer, au sein du sens général A, un sens nuancé, qui serait : "pour aider les pauvres" ?
Le fait est que dans certains textes la formule "dans le chemin de Dieu" a été employée à propos du fait de dépenser de ses biens matériels pour venir en aide aux démunis. Un verset dit ainsi : "Ceux qui dépensent (de) leurs biens dans le chemin de Dieu puis ne font suivre leur dépense d'aucun rappel ni d'un tort, auront leur récompense auprès de leur Seigneur, et il n'y aura nulle crainte sur eux et ils ne seront pas affligés" (Coran 2/261). Le "rappel" ("mann") qu'il est interdit de faire après avoir donné de son argent est le "rappel de faveur" que certains hommes ne peuvent s'empêcher de faire aux pauvres quelque temps après leur avoir donné quelque chose. Il ne peut donc être question, dans ce verset, que d'un don fait aux nécessiteux. On voit que pareil don a été décrit comme ayant été fait "dans le chemin de Dieu".
Serait-il alors possible de dire que c'est là un sens moins restreint que le sens B plus haut cité, mais plus restreint, plus nuancé par rapport au sens général A de "dans ce qui est une bonne action" ? Le fait est que dans certains hadîths on lit que le don fait aux pauvres est un don fait à Dieu Lui-même (ce qui donnerait une portée de circonstance et particulière à la formule "dépenser dans le chemin de Dieu").
Ainsi, dans un hadîth le Prophète (sur lui soit la paix) a dit : "Celui qui donne en aumône, à partir d'un acquis qui est bon – et Dieu n'accepte que ce qui est bon –, l'équivalent d'une datte, alors Dieu accepte ce (don) de Sa Main droite, puis S'occupe de lui – comme l'un de vous s'occupe de son poulain –, jusqu'à ce que cela devienne comme une montagne" (al-Bukhârî 1344, Muslim 1014, etc.).
Le Prophète nous informe par ailleurs que, le jour du jugement, Dieu dira :
"Fils d'Adam, J'étais tombé malade et tu n'étais pas venu me rendre visite. – O Pourvoyeur, dira le serviteur, comment pourrais-je Te rendre visite alors que tu es le Pourvoyeur des Mondes !" Dieu dira : "N'avais-tu pas su que Mon serviteur Untel était tombé malade ; tu ne lui avais pas rendu visite ! Ne sais-tu pas que si tu lui avais rendu visite, tu M'aurais trouvé auprès de lui !
Fils d'Adam, Je t'avais demandé à manger et tu ne M'avais pas donné à manger. – O Pourvoyeur, dira le serviteur, comment pourrais-je Te donner à manger alors que tu es le Pourvoyeur des Mondes !" Dieu dira : "N'avais-tu pas su que Mon serviteur Untel t'avait demandé à manger ; tu ne lui avais pas donné à manger ! Ne sais-tu pas que si tu lui avais donné à manger, tu aurais trouvé cela auprès de Moi !
Fils d'Adam, Je t'avais demandé à boire et tu ne M'avais pas donné à boire. – O Pourvoyeur, dira le serviteur, comment pourrais-je Te donner à boire alors que tu es le Pourvoyeur des Mondes !" Dieu dira : "N'avais-tu pas su que Mon serviteur Untel t'avait demandé à boire ; tu ne lui avais pas donné à boire ! Ne sais-tu pas que si tu lui avais donné à boire, tu aurais trouvé cela auprès de Moi !" (Muslim 2569).
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Une nuance :
Une lecture attentive de certains textes révèle cependant une nuance.
Que l'on se fonde sur le sens A, large (ce qui englobe le sens nuancé A', plus haut proposé), ou sur le sens B, plus restreint, de la formule "dans le chemin de Dieu", dans le regard des hommes, les actes qui remplissent les caractéristiques A ou B sont bien "dans le chemin de Dieu", puisque les hommes ne connaissent et ne peuvent connaître que l'apparence des actes.
Cependant, auprès de Dieu, seuls sont comptés comme étant réellement "dans le chemin de Dieu" les actes qui, d'une part, répondent aux caractéristiques apparentes voulues des sens A ou B mais qui, également et par ailleurs, sont faits sincèrement pour Sa Face. Ne sont donc pas comptés par Dieu comme étant "dans son Chemin" les actes que l'homme fait par recherche de la renommée (talab ul-jâh) ou (lorsque l'acte constitue une "qurba") par recherche du gain matériel (talab ul-mâl).
Cette nuance figure dans le hadîth où le Prophète a dit : "Toute personne qui aura été blessée dans le chemin de Dieu – et Dieu sait mieux qui est blessé dans Son Chemin – se présentera le jour de la résurrection avec [la représentation] de sa blessure qui coulera, la couleur étant celle du sang et le parfum celui du musc" (al-Bukhârî 2649, Muslim 1876). (On notera qu'il ressort du commentaire que an-Nawawî a fait de ce hadîth que celui-ci s'applique à un sens assez large de "chemin de Dieu" : cf. Shar'h Muslim.) Dans ce Hadîth, et ce comme l'ont souligné Ibn Hajar et an-Nawawî, la phrase "et Dieu sait mieux qui est blessé dans Son Chemin" signifie que la promesse suscitée est conditionnée au fait d'avoir fait l'action vertueuse uniquement pour Dieu, Dieu sachant parfaitement, Lui, qui fait l'action sincèrement pour Lui, et qui la fait pour autre chose que la recherche de Son agrément.
On voit que, auprès de Dieu, seuls sont comptés comme étant faits "dans Son chemin" les actes qui sont faits non pas seulement dans le cadre voulu (A ou B) mais aussi avec l'intention réelle de Lui plaire.
Wallâhu A'lam (Dieu sait mieux).