Voulant que les hommes possèdent des orientations et des limites ne les laissant pas tomber dans le "tout relatif", l'islam leur a communiqué les textes (nussûss) du Coran et des Hadîths. Les règles (ahkâm) présentes dans ces textes traitent d'une part des modes et modalités du culte de Dieu (al-'ibâdât), mais aussi d'autre part des limites et des orientations concernant les affaires temporelles (al-'âdât), c'est-à-dire les affaires de la vie de tous les jours. Dans le domaine de ces affaires temporelles aussi, les règles stipulées ("man'sûs" ou "mantûq bih") par le Coran ou les Hadîths soit rendent obligatoire, soit recommandent, soit déconseillent, soit interdisent, la règle première étant la permission.
Or, si dans le domaine purement cultuel (al-'ibâdât) aucune nouvelle forme n'a besoin d'être rajoutée à celles enseignées et pratiquées par le Prophète (sur lui la paix) (le faire constituerait de la bid'a) (cliquez ici), il n'en est pas de même pour ce qui est des autres domaines, puisque de nouvelles possibilités techniques apparaissent, de nouveaux objets permettant à l'homme de faire d'autres actions sont créés, certaines règles sociales changent, etc. Dans le domaine temporel, rester fidèle aux textes demande donc non pas de vivre exactement comme il y a 14 siècles, mais d'appliquer aux données d'aujourd'hui les règles et les principes édictés par le Prophète à son époque. Aussi, des actions qui n'avaient pas cours à l'époque du Prophète et dont les textes n'ont rien dit ("maskût 'anh") peuvent très bien être pratiquées par les musulmans dès lors qu'elles respectent les limites (matérialisées par ce qui est "interdit" et "déconseillé") et les orientations (mises en valeur par ce qui est "obligatoire" et "recommandé").
Cependant, ces limites et orientations seront à découvrir à partir des cas qui, eux, sont stipulés dans les textes ("mansûs 'alayh"). L'exercice qui rend ceci possible est le raisonnement par analogie, lequel constitue un des types d'ijtihad.
Le raisonnement par analogie consiste à "transmettre" la règle stipulée dans les textes à propos d'un élément particulier, à un autre élément particulier – dont les textes n'ont rien dit –, et ce parce que ce dernier est semblable au premier dans la mesure où il contient lui aussi ce qui justifiait la règle.
En fait, d'après la majorité des ulémas – zahirites exceptés –, une règle énoncée dans un verset ou un hadîth renferme quelque chose qui en constitue la justification, le pivot ; il s'agit de la Ratio Legis, du "principe motivant" : de la "'illa" (Hujjatullâh il-bâligha 1/ 272-277), ou "manât".
L'une des définitions de la 'Illa / Manât est : "ce qui a une incidence sur la règle, celle-ci lui étant liée" ("المؤثر، والمراد بالمؤثر ما به وجود الشيء، كالشمس للضوء والنار للإحراق" (At-Tawdhîh, 2/145).
Dès lors, la règle s'appliquant à un acte stipulé (man'sûs ou mantûq bih) par un verset ou un hadîth est également applicable à tout acte dont Coran et Sunna n'ont rien dit – et qui est donc "sous silence" (maskût anh) – mais où est présent(e) le même principe motivant ('illa) que celui qui est présent dans l'acte à propos duquel la règle a été énoncée. L'absence de tout principe motivant (illa), en revanche, laissera cet acte qui est "sous silence" demeurer dans la permission originelle (ibâha asliyya) s'il relève du domaine temporel ('âdât) et non purement cultuel ('ibâdât), et ce même si le Prophète ne l'avait pas pratiqué à son époque.
Le tout est cependant de découvrir quel est le principe ('illa) qui constitue le pivot de la règle ; car s'il arrive que les textes le mentionnent explicitement, cela n'est pas courant ; la plupart du temps, au contraire, le savant doit faire un effort intellectuel – c'est le sens premier de ijtihâd – pour tenter de le découvrir.
De plus :
– soit il existe, dans les textes des sources, un cas particulier (juz'î) concerné par une règle et auquel le nouveau cas – celui à propos duquel on a en général posé une question – peut être comparé ;
– soit on ne trouve dans les textes aucun cas particulier auquel le nouveau cas pourrait s'apparenter parce qu'il contient le même principe motivant ('illa), et on peut seulement affilier ce nouveau cas à un principe qui est le moyen de protéger un des objectifs supérieurs des enseignements de l'islam, donc à une maslaha ou une mafsada mursala.
Cette double possibilité engendre deux types d'analogie : le "Qiyâs ut-Tamthîl" et le "Qiyâs ul-Maslaha".
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1) Le "Qiyas ut-tamthîl" :
Le "Qiyâs ut-tamthîl" repose sur le fait que, recherchant quel est le caractère juridique applicable au cas non stipulé dans les textes et dont question lui a été posée, le mujtahid a trouvé dans les textes un cas particulier qui présente un principe motivant que l'on retrouve dans ce cas nouveau, ce qui permet l'application à ce dernier de la règle stipulée à propos du premier (hâdha-l-qiyâs mabniyy 'alâ wujûdi mumâthala bayn al-asl wal-far').
Ensuite, selon qu'elle soit stipulée ou non en même temps que la règle, le principe motivant ('illa) est de plusieurs types :
– a) le principe motivant qui a été explicitement stipulé dans le Texte en même temps que la règle (علة منصوصة) ;
– b) le principe motivant qui n'a pas été stipulé avec la règle en question, cependant il existe dans les Textes une question où la même propriété a été érigée comme 'illa d'une règle qui est comparable à cette règle-ci car appartenant à la même catégorie qu'elle (al-wasf ulladhî thabata anna-sh-shâri'a ja'ala 'aynahû 'illatan li nazîri hâdha-l-hukm, ay fî naw'i hâdha-l-hukm) (علة مناسبة ملائمة مؤثرة) (toute 'illa est mu'atthira ; ce type de 'illa est nommé "mu'atthira" seulement parce que le mujtahid a trouvé un cas semblable où le ta'thîr de cette propriété a été certifié) ;
– c) le principe motivant qui n'est pas stipulé avec la règle en question, cependant il existe dans les Textes une question où une propriété appartenant à la catégorie supérieure (l'espèce ou le genre) a été érigée comme 'illa d'une règle (al-wasf ulladhî thabata anna-sh-shâri'a ja'ala 'naw'a-hû aw jinsa-hû 'illatan li nazîri hâdha-l-hukm, ay fî naw'i hâdha-l-hukm) (علة مناسبة ملائمة) ;
– d) le principe motivant qui n'est pas stipulé avec la règle en question mais qui a été pensé par le mujtahid sans qu'il ait trouvé une règle voisine où la même propriété est effectivement une 'illa (علة مناسبة غريبة).
Ces cas a, b, c et d ont été cités et explicités dans At-Talwîh, 2/163, 166, 162.
Seuls les a, b et d ont été cités et explicités dans Iqtidhâ' us-sirât il-mustaqîm pp. 262-264.
Dans les cas b, c et d, il s'agit :
– d'une part de dégager de la règle donnée le principe ('illa) auquel la règle est attachée ; c'est ce qu'on appelle "takhrîj ul manât" (extraction de la cause juridique) ; cela revient à extraire, d'un cas particulier, un principe un peu plus général ;
– et d'autre part de rechercher quel principe ('illa) est présent dans le cas nouveau ; c'est ce qu'on appelle "tahqîq ul manât" (établissement de la cause juridique présente) ; cela revient à appliquer le principe général précédemment cité aux cas particuliers qui tombent sous son coup.
L'école zahirite ne reconnaît en aucune façon l'analogie, nous l'avons brièvement évoqué plus haut. Mais en fait c'est l'analogie faite sur la base de principe des types b, c et d qu'elle ne reconnaît pas. Car pour ce qui est de l'application de la règle attachée à un principe du type a (celui qui est stipulé explicitement dans les textes) à tout cas où se retrouve ce principe, l'école zahirite ne dit pas non ; cependant elle considère cela comme constituant non une stricte "analogie" ("qiyâs ul-'illa", ce terme étant appliqué aux analogies faisant suite à une "takhrîj ul-manât") mais comme relevant du procédé "tahqîq ul-manât" (application de la règle stipulée dans les textes à tous les cas particuliers qui lui sont inféodés).
L'école hanafite reconnaît l'analogie faite sur la base du principe de type a, b et c, mais pas d (puisque, selon elle, la "i'tibâr" – le fait de trouver dans les textes un "témoin" de la prise en considération de ce principe – est nécessaire).
L'école shafi'ite, elle, reconnaît l'analogie faite sur la base du principe de type d également.
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Une parole du Prophète (sur lui soit la paix) qui trace la voie de l'analogie de type Qiyâs ut-tamthîl :
Il est relaté dans différents épisodes qu'un homme ou une femme est venu(e) demander au Prophète (sur lui soit la paix) s'il ou elle pouvait accomplir telle action (pèlerinage...) de la part de leur père ou mère, vu que celui-ci ou celle-ci devait la faire mais était mort(e) avant d'avoir pu le réaliser. Le Prophète répond alors en substance : "Si ton père (ou ta mère) avait une dette à son passif, pourrais-tu t'en acquitter de sa part ? - Oui. - Eh bien la dette que l'on a vis-à-vis de Dieu mérite plus encore qu'on s'en acquitte" (les références sont bien connues).
Ici :
– L'objet au sujet duquel la question a été posée (al-mas'ûl 'anh) est ici : le pèlerinage par le fils ou par la fille de la part de son père ou de sa mère défunt(e).
– L'objet par rapport auquel l'analogie a été réalisée (al-maqîs 'alayh) est : la dette que le père ou la mère défunt(e) avait laissée.
– L'action qui est en question (al-mahkûm fîh) ici est : l'acquittement (al-adâ') de la part du défunt.
– La règle (al-hukm ul-muta'alliq bi-l-mahkûm fîh) est : la légalité de l'acquittement (mashrû'iyyat ul-adâ').
– Le principe motivant de cette règle (illat ul-hukm) est : être une dette que le défunt a laissée et que le fils ou la fille règle.
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Quelques exemples d'analogies (Qiyâs ut-tamthîl) ayant été réalisées par des ulémas sur la base de principes motivants ('illa) de différents types :
– Le Prophète (sur lui soit la paix) a dit à propos du chat : "(Ce qu'il laisse) n'est pas impur : il fait partie des (animaux) qui tournent abondamment autour de vous" (at-Tirmidhî, Abû Dâoûd, an-Nassâ'ï). Le Prophète a ici mentionné la règle : "la pureté rituelle de ce que cet animal laisse après y avoir trempé la gueule".
--- D'après l'école hanafite, le cas du chat constitue une exception par rapport à la règle normale, qui est que la salive des animaux carnivores est impure ; la cause motivante ('illa) de cette règle d'exception est : "faire partie des (animaux) qui tournent abondamment autour de vous". Dès lors, tout animal carnivore dont il est prouvé qu'il renferme la même cause motivante fera lui aussi exception : il sera autorisé de faire ses ablutions avec l'eau de laquelle il aura bu.
--- D'après d'autres écoles, la salive des animaux carnivores n'est pas en soi impure (Al-Fiqh ul-islâmi wa adillatuh 1, 284-286). Que signifie alors ce hadîth ? J'ai trouvé que, d'après l'écrit d'un 'âlim, le hadîth fait l'exception du cas du chat à propos non pas de sa salive mais du point suivant : si la gueule du chat était impure parce qu'il venait de tuer une souris, mais sans que l'impureté même soit demeurée dans sa gueule, le fait qu'il la mette dans un récipient ne rend pas l'eau de celui-ci impur (Subul us-salâm 1/31), tant que la trace de l'impureté n'apparaît pas dans l'eau ; contrairement au cas où il se serait agi d'un autre animal.
– Un hadîth dit que le fait, pour un musulman, d'avoir un chien, diminue quotidiennement ses bonnes actions de deux mesures (qirât). Les hadîths ont cependant fait l'exception du chien de troupeau, de champ ou de chasse, qu'il est autorisé de garder (iqtinâ').
--- Des ulémas (c'est l'avis retenu dans l'école shafi'ite) ont écrit que le musulman peut garder un chien qui a comme fonction de garder un passage, et ce par analogie par rapport aux chiens dont le hadîth mentionne qu'ils font exception. La cause motivante de l'exception est donc : être un chien dont la fonction est telle que l'homme en a besoin, d'un besoin reconnu (hâja shar'iyya). (Ibn Hajar écrit même qu'il est donc, par incidence, autorisé d'élever et de dresser le chiot à cette fin.) Par contre, l'interdiction de garder un chien demeure à propos du chien de compagnie (cf. Fath' ul-bârî 5/9-10).
Des muftis contemporains feraient probablement une analogie autorisant le chien d'aveugle, le chien spécialisé dans le sauvetage lors de catastrophes naturelles, etc.
– Un hadîth interdit, lors du troc de l'un de six produits spécifiques contre le même produit (or, argent, blé, orge, dattes ou sel), que les quantités échangées ne soient pas égales ou que les produits soient échangés à crédit et non au comptant. Cette règle (l'interdiction de toute différence, dans la quantité ou dans le moment du paiement, lors du troc d'un produit contre le même produit) s'applique aux six cas stipulés (mansûs). Il faut cependant découvrir quelle cause motivante (illa) est à l'œuvre qui a entraîné cette règle. Et, dès que, dans un cas qui n'est pas mentionné dans le hadîth, la présence de cette cause juridique se vérifie, la règle s'appliquera aussitôt (c'est le "tahqîq ul-manât"). Reste à savoir, maintenant, quelle est cette cause ? Et là, il faut procéder à son extraction ("takhrîj ul manât").
--- Abû Hanîfa dit que la cause commandant l'application de cette règle est : le fait de vendre un produit contre le même produit, lorsque ces deux produits sont des produits vendus à la pesée ou à la mesure. La vente du fer contre du fer tombe donc sous le coup de la règle ci-dessus, puisque le fer est vendu au poids. Par contre, le troc d'œufs contre d'autres œufs ne tombe pas sous la réglementation ci-dessus, puisque les œufs sont vendus à l'unité.
--- Ash-Shâfi'î, par contre, est d'avis que la cause à l'œuvre dans la règle édictée par le hadîth est : être soit de la monnaie, soit de la nourriture ; par contre, être le même produit, cela est la condition (shart) de l'applicabilité de la règle d'interdiction. Selon cette autre extraction, la vente du fer contre du fer ne tombe pas sous le coup de la règle, au contraire de la vente d'œufs contre d'autres œufs.
– Un premier hadîth interdit de façon générale de tuer "un moineau ou quelque chose de plus gros" sauf si on en a besoin pour en manger (an-Nassâ'ï, 4349). Un verset coranique interdit à celui qui est en état de sacralisation de chasser (Coran 5/95). Un autre hadîth interdit de faire fuir [et donc à fortiori de tuer] un animal de chasse dans le territoire du haram (al-Bukhârî 1984). Par contre, il est établi que, même lorsqu'on est dans le territoire du haram ou lorsqu'on est en état de sacralisation, on peut tuer un animal domestique pour se nourrir (Sahîh ul-bukhârî, kitâb jazâ'ïs-sayd, bâb n° 2, avis de Ibn Abbâs et de Anas cités par ta'lîq). Enfin, un groupe de hadîths autorise celui qui est en état de sacralisation ou celui qui se trouve sur le territoire du haram de tuer cinq ou six animaux (y sont mentionnés notamment le chien enragé, le scorpion, le rat, etc.) (al-Bukhârî 3136, Muslim 1198).
Il y a deux avis quant à ce dont ce groupe de hadîth parle :
--- soit il communique une exception par rapport à la règle du verset coranique – qui montre que les animaux non domestiques, celui qui est en état de sacralisation ne peut pas les tuer –, et veut donc dire que ces cinq ou six animaux là, bien que non domestiques, peuvent alors être tués ;
--- soit il communique une exception par rapport à la règle du premier hadîth – qui montre qu'au musulman, en général, qu'il soit en état de sacralisation ou non, sur le territoire du haram ou non, il est interdit de tuer les animaux qu'il ne va pas consommer –, et veut donc dire que ces cinq ou six animaux là, bien que n'allant pas être consommés, peuvent être tués en toutes circonstances : sur le territoire du haram ou non, qu'on soit en état de sacralisation ou non.
--- Selon la première interprétation, le principe motivant ('illa) de l'exception est : être un animal dont la chair n'est pas licite. Celui qui est en état de sacralisation a donc l'autorisation de tuer tout animal non domestique dont la chair n'est pas licite ; l'interdiction qui lui est faite de tuer un animal non domestique reste dès lors circonscrite aux animaux dont la chair est licite.
--- Selon la seconde interprétation, le principe motivant ('illa) de l'exception est : être un animal qui fait du tort à l'homme. Semble aller dans le sens de cette interprétation – selon laquelle le groupe de hadîths concernent non seulement le territoire du haram mais tout lieu en général – le fait qu'une version rapportée par Muslim précise bien : "Cinq animaux sont mauvais, ils seront tués dans le hill et dans le haram". De même, Ibn Hajar écrit que si tuer ces animaux est autorisé au musulman qui se trouve en état de sacralisation, cela l'est à fortiori à celui qui n'est pas dans cet état (Fat'h ul-bârî 4/49) : cela semble bien montrer que des ulémas se sont interrogés par rapport au fait de tuer les animaux de façon générale.
En tout état de cause, ce qui nous intéresse ici est de dire que Mâlik a dit que, par analogie, tout animal qui est dangereux ou nuisible peut être tué (Fat'h ul-bârî 4/52-53), et de dire que l'interdiction qui est faite à l'homme de tuer un animal qu'il ne va pas manger (soit parce qu'il n'en a pas besoin, soit parce qu'il n'a pas le droit en islam d'en manger la chair) reste donc circonscrite aux animaux qui ne sont pas nuisibles.
– Un hadîth interdit de boire et de manger dans une vaisselle en or ou en argent. La règle est donc l'interdiction d'utilisation de cette vaisselle. Des ulémas ont raisonné par analogie et dit qu'il était aussi interdit d'utiliser des fioles à parfum en or ou en argent, des fioles à khôl en or ou en argent, etc. (Fat'h ul-bârî 10/121 ; A'lâm ul-muwaqqi'în 1/158 ; Al-Mughnî 1/89). La cause motivante ('illa) est ici : "être un objet en or ou en argent".
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Quelques principes relatifs au Qiyâs ut-tamthîl :
– Pas de Qiyâs ut-tamthîl pour établir une hadd ou une kaffâra (d'après l'école hanafite) (Ussûl ul-fiqh il-islâmî, p. 706).
– Pas de Qiyâs ut-tamthîl pour établir une condition (shart) (d'après l'école malikite et certains hanafites et shafi'ites) (Ussûl ul-fiqh il-islâmî, p. 710).
– Pas de Qiyâs ut-tamthîl à partir d'un cas mansûs 'alayh ta'abbudî mahdh (Ussûl ut-tashrî' il-islâmî, p. 141, Ussûl ul-fiqh il-islâmî, p. 638).
– Pas de Qiyâs ut-tamthîl à partir d'un cas dont la règle est elle-même établie par un Qiyâs ut-tamthîl (Ussûl ul-fiqh il-islâmî, p. 634).
– Pas de Qiyâs ut-tamthîl à partir d'un cas dont les textes ont dit explicitement qu'il s'agissait d'un cas exceptionnel (Ussûl ul-fiqh il-islâmî, p. 638).
– Pas de Qiyâs ut-tamthîl à partir d'un cas dont la règle, telle que stipulée dans les textes, constitue une exception par rapport à la règle générale ('alâ khilâfi qiyâs il-ussûl) (Ussûl ul-fiqh il-islâmî, p. 638) ; Ibn Taymiyya relève cependant que c'est là l'avis de certains juristes seulement, et notamment des ulémas hanafites, tandis que les ulémas shafi'ites et hanbalites pensent que l'on peut quand même, alors, procéder à une analogie à partir de cette exception à la règle générale (Majmû' ul-fatâwâ 20/555 ; voir aussi Ussûl ul-fiqh il-islâmî, p. 638, note de bas de page n° 2).
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2) Le "Qiyâs ul-maslaha", ou "Qiyâs mursal" :
Ce sont certains ulémas qui ont nommé cet outil : "Qiyâs ul-maslaha" (cf. Ussûl ut-tashrî' al-islâmî, p. 143 ; voir aussi p. 106).
Ibn Rushd l'a nommé pour sa part : "Qiyâs mursal" (cf. Nazariyyat ul-maqâssid 'inda-l-imâm ish-shâtibî, p. 299).
Le Qiyâs ul-maslaha est reconnu par les écoles malikite et hanbalite (Ussûl ut-tashrî' al-islâmî, p. 141), mais pas par les écoles hanafite et shafi'ite.
Le Qiyâs ul-maslaha est fait non pas sur la base d'un principe ('illa) extrait d'un cas particulier (juz'î) auquel il est semblable dans ce principe – comme c'était le cas du Qiyâs ut-Tamthîl – mais sur la base d'un principe ('illa) qui est un peu plus "libre" (c'est le sens de "mursal"). Le fait est que, cherchant la règle qui s'applique à une nouvelle question, le mujtahid n'a trouvé aucune question particulière (juz'î) dans les textes qui soit comparable à celle-ci, de sorte qu'il puisse lui appliquer la règle pour cause de communauté de principe-pivot ('illa) ; en revanche il a trouvé un principe général auquel il peut inféoder cette question particulière (ce principe général est une "maslaha 'âmma", voire même un "maqsad min al-maqâssid al-'ulyâ" ; en fait différentes strates existent quant aux principes qui constituent les fondements des enseignements de l'islam : cliquez ici)…
C'est donc une 'illa mursala qui entre ici en jeu : il s'agit d'un principe un peu plus général que celui dont nous avons vu trois types plus haut : ces derniers étaient établis à partir de cas particuliers ; celui-ci l'est à partir des principes supérieurs.
Ainsi, le "Qiyâs ul-maslaha" se distingue donc du "Qiyâs ut-Tamthîl" par le fait qu'il ne se fonde pas sur un principe ('illa) établi à partir de cas particuliers (juz'iyyât mansus 'alayhâ) ; il se fonde sur un principe établi à partir d'un objectif supérieur (maqsad min al-maqâssid ul-'ulyâ), dont il sert de moyen à la protection.
(D'un autre côté, le "Qiyâs ul-maslaha" se distingue du "Qiyâs ush-shumûl" par le fait que le principe sur lequel le premier se fonde n'a pas de contours détaillés par les textes et précis : ce principe n'est pas donné à propos d'un élément (juz'î) ni d'une catégorie immédiate (naw'), mais figure seulement en tant que principe très général, dont l'application concrète demande la connaissance de ce qui peut le concrétiser dans un contexte donné.)
Ar-Reyssûnî écrit à propos du principe "mursala" qu'"il est libre uniquement dans la mesure où il n'est pas mentionné dans les textes à la façon d'un élément ; cependant, si on le considère par rapport à la catégorie générale ("jins") à laquelle il appartient", il a également un fondement dans les textes. Et ar-Reyssûnî de citer certains de ces textes qui enseignent de faire le bien vis-à-vis d'autrui, d'observer ce qui est juste, et notamment cette parole du Prophète : "Pas de tort fait ni subi". Ar-Reyssûnî de citer également le fait que toutes les règles présentes dans les textes à propos de cas particuliers sont liées à la protection du dîn, de la personne, de la raison, de la filiation et des biens (cf. Nazariyyat ul-maqâssid 'inda-l-imâm ish-shâtibî, pp. 208-209).
Ainsi en est-il de l'obligation, formulée dans certains pays musulmans, d'enregistrer son mariage sur les registres de l'état-civil : aucun texte n'existe à propos duquel on pourrait réaliser un "Qiyâs ut-tamthîl", et on a donc recours à un principe assez général qui veut qu'on rende nécessaire ce qui est nécessaire pour la bonne marche des affaires civiles (cf. As-Siyâssa ash-shar'iyya, al-Qardhâwî, pp. 94-95).
C'est également par "Qiyâs ul-maslaha" (ou, plus exactement, de "Qiyâs ul-mafsada") que l'action de fumer la cigarette a été interdite : il s'agit d'une action qui cause du tort à la santé physique ; or toute action qui cause du tort grave à sa santé physique est une mafsada ; l'action de fumer la cigarette contient donc ce principe de causer du tort à sa santé physique et est donc interdite. On voit qu'il s'est agi, ici encore, d'une 'illa mursala, donc d'une 'illa établie non pas à partir d'un cas particulier (juz'î) mais au contraire d'un des objectifs supérieurs (cliquez ici).
Wallâhu A'lam (Dieu sait mieux).